À l’approche de Shabbat ‘Hayé Sarah, symbole du lien ancestral entre le peuple juif et Hébron, Shlomo Levinger observe une dynamique qu’il n’aurait jamais imaginée si rapide. Membre de l’association Harchivi Makom Ohalayich, il raconte comment la ville se transforme, littéralement pierre après pierre, grâce à une vague de ventes immobilières initiée par des familles arabes désireuses de partir.
Levinger évoque d’abord l’héritage de son père, le rabbin Moshe Levinger, figure centrale du retour juif à Hébron après la Guerre des Six Jours. « Hébron était une ville hébraïque bien avant Tel-Aviv », rappelle-t-il. En 1968, son père et un groupe de pionniers avaient loué un hôtel arabe, convaincus que l’État suivrait et réinstallerait officiellement des familles juives dans la ville des Patriarches. Mais les espoirs étaient restés lettre morte, obligeant les pionniers à agir seuls.
En 1979, un groupe de mères accompagné de leurs enfants – dont le jeune Shlomo – s’installe finalement dans Hébron. De là naît une stratégie nouvelle : racheter les maisons une par une, avec de l’argent juif, selon l’exemple d’Abraham. Cette voie mènera notamment à l’acquisition de Beit Hashalom en 2003, après l’attentat meurtrier du Chemin des Pèlerins.
Aujourd’hui, cette politique d’« immobilier idéologique » connaît un regain spectaculaire. Beit Maalé Doron, au nord du Tombeau des Patriarches, fait partie des nouveaux bâtiments déjà acquis. D’autres projets sont sur le point d’aboutir. « Nous avons de la chance : l’offre est désormais plus grande que la demande », reconnaît Levinger.
Selon lui, la guerre a provoqué un basculement profond : « Avant, nous cherchions longtemps les rares Arabes prêts à vendre. Depuis deux ans, de nombreuses familles veulent simplement partir. Elles souhaitent recommencer leur vie ailleurs. C’est devenu une question d’argent, non plus de volonté. »
Cette nouvelle réalité attire un nombre croissant de Juifs désireux de « posséder leurs quatre coudées à Hébron ». L’association reçoit des visiteurs, des donateurs, et des familles prêtes à s’installer. En un an, quelque 500 000 personnes ont visité la ville, signe du lien indéfectible entre Hébron et l’identité juive.
Levinger appelle désormais à accélérer le mouvement : « Avec cinquante shekels par mois, mille personnes financent en un an un nouveau bâtiment juif. Chacun peut participer à la renaissance de cette ville. »
Pour lui, il s’agit avant tout d’accomplir une mission transmise de génération en génération : racheter Hébron, restaurer sa présence juive et lui redonner son visage d’origine, celui d’une cité hébraïque vivante.