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Daniel Staetsky : « On se trompe de cible lorsqu’on attaque les autorités françaises »

4 minutes
26 juillet 2022

ParIsraJ

Daniel Staetsky : « On se trompe de cible lorsqu’on attaque les autorités françaises »

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Entretien réalisé par Laurent Cohen-Coudar paru dans Actualité Juive numéro 1650

Le docteur Daniel Staetsky, statisticien et démographe en chef à l’Institute for Jewish Policy Research (Londres) a dirigé une étude sur la qualité de vie juive en Europe, révélant que c'est en France que les juifs se sentent le
moins en sécurité. Il répond aux questions d'Actualité Juive.

En réalisant cette étude, n’avez-vous pas eu peur que les gouvernements concernés se sentent directement visés, voire attaqués ?

Daniel Staetsky : Non, l’intention de cette enquête est claire depuis le départ. Il s’agit de se doter d’un  instrument de mesure objectif de la qualité de la vie juive en Europe. L’évaluation de l’efficacité des mesures
prises par les pays étudiés est l’un des paramètres de cette enquête. Il y en a d’autres comme l’attitude de la
population envers les juifs et Israël, le respect de la liberté religieuse, la sauvegarde de la mémoire de la Shoah
et le sentiment d’insécurité perçu par les juifs dans leurs pays respectifs. L’étude engage les gouvernements à
une conversation sérieuse et précise avec le concours des leaders juifs européens, sur la base des résultats de
l’enquête. Ces résultats permettront aux gouvernements d’améliorer certains aspects de la vie juive qui font
défaut ou de renforcer certains autres lorsque ceux-ci sont satisfaisants.

Au classement des performances des gouvernements européens, la France arrive en 3ème position sur 12 pays sondés. C’est pourtant le pays où la communauté juive se sent le moins en sécurité. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
D.S. : Le cas de la France est très particulier et intéressant. Ce qui pourrait apparaître comme une contradiction
ou un paradoxe peut s’expliquer. Les performances gouvernementales sont en effet satisfaisantes, ce qui démontre, pour revenir à votre première question, que le gouvernement français ne peut donc ici se sentir remis en cause. Ces bonnes performances gouvernementales qui placent la France dans le Top 3 lorsqu’il s’agit des mesures prises pour lutter contre l’antisémitisme et garantir la liberté de culte et de religion démontrent qu’on se trompe de cible lorsqu’on attaque les autorités françaises pour déplorer la situation des juifs de France. Il y a toujours place évidemment pour un dialogue constructif avec ces autorités et une marge de progression pour améliorer la qualité de la vie juive en France. La question que nous devons nous poser est pourquoi les juifs de France se sentent vulnérables et apeurés alors que le gouvernement fait le nécessaire.
Ce qui explique ce paradoxe, c’est que les Français juifs vivent dans l’ombre d’une menace permanente d’un antisémitisme violent. Cette violence et les crimes de sang qui se sont succédé depuis l’assassinat d’Ilan Halimi en 2006 ont créé une atmosphère anxiogène pour les juifs et la communauté de manière générale. Des juifs en France ont été physiquement pris pour cibles à plusieurs reprises, ce qui distingue la France des autres pays  européens. Mais si l’on regarde la situation globale à l’échelle européenne, le niveau d’antisémitisme en France est comparable à celui d’autres pays européens. Cela prouve que, quand les Français juifs font part de leur vive
inquiétude face à l’antisémitisme dans leur pays, ils n’ont pas à l’esprit l’action de leur gouvernement et ne se
réfèrent pas forcément à leur situation personnelle, mais ils ont en tête les événements violents qui ont marqué
la conscience juive en France, notamment les attentats terroristes antisémites de Toulouse et de l’Hyper
Cacher.

Quel travail reste-t-il encore à accomplir pour que les juifs se sentent davantage en sécurité en Europe ?
D.S. : Les problématiques ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre. Par exemple, dans certains pays, l’absence
d’un coordinateur de la lutte contre l’antisémitisme est un vrai problème car celui-ci est en charge du recueil des données concernant le niveau d’antisémitisme (attaques verbales et/ou physiques). Dans d’autres pays, ce qui pèche, c’est l’absence de véritable sécurisation des sites et institutions juifs ou le non- respect de la liberté religieuse, comme la Belgique par exemple où deux régions sur 3 ont interdit l’abattage rituel.

 

Entretien réalisé par Laurent Cohen-Coudar paru dans Actualité Juive numéro 1650

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