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Frédéric Encel: «Je n’ai jamais dit qu’Israël était une voyoucratie!»

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8 février 2023

ParIsraJ

Frédéric Encel: «Je n’ai jamais dit qu’Israël était une voyoucratie!»
Photo: DR

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Interview réalisée par Eric Keslassy pour Actualité Juive numéro 1674

 

Le géopolitologue Frédéric Encel organise le mercredi 8 février, à l’Assemblée nationale, les Assises nationales contre le négationnisme. Il publie également, le 8 mars prochain, la 6ème édition de son Atlas géopolitique d’Israël. Rencontre autour de ces actualités et de l’actualité… géopolitique

Actualité Juive: Pensez-vous que la composition à droite du nouveau gouvernement israélien puisse être désapprouvée publiquement ? Vous avez vous-même parlé de « voyoucratie » concernant des ministres comme Itamar Ben-Gvir notamment… 
Frédéric Encel: On m’a rapporté que des gens ont été peinés par ma récente interview pour le CRIF. Or je n’y ai jamais dit qu’Israël était une voyoucratie! J’ai employé ce terme pour qualifier la présence à de hautes fonctions ministérielles – justement au sein d’une authentique démocratie – de trois ministres voyous, deux extrémistes et un corrompu. Je note du reste qu’un chef d’état-major sortant, plusieurs anciens ténors du Likoud, de constants soutiens américains d’Israël ou encore des médias israéliens peu soupçonnables d’antisionisme (et environ la moitié des citoyens israéliens!) s’inquiètent ou s’indignent qu’un repris de justice, disciple du fanatique Meïr Kahana et de l’assassin Baruch Goldstein, dirige le ministère de la Sécurité intérieure. En outre, peu après mon interview, la Cour suprême invalidait le poste de ministre du leader du Shass, déjà lourdement condamné et à nouveau mis en examen.

C’est néanmoins un gouvernement démocratiquement mis en place...

F.E.: Incontestablement, le Likoud a obtenu le meilleur score en nombre de suffrages exprimés, mais, d’une part, Benyamin Netanyahou pouvait arithmétiquement bâtir une autre coalition, d’autre part, et surtout, un étudiant de première année de droit ou de sciences politiques sait, dès la rentrée, que la démocratie ne se borne pas à l’issue d’un scrutin, fût-il – comme en Israël – sincère et transparent. Une fois au pouvoir, la majorité doit respecter scrupuleusement les institutions, à commencer par la justice. Savez-vous ce que faisait le nationaliste Itzhak Shamir à la Knesset quand Kahana y abreuvait les Arabes d’injures? Il quittait l’hémicycle! Celui-ci en fut
d’ailleurs expulsé. Prétendre défendre en France des valeurs humanistes tout en critiquant ceux qui souhaitent
qu’elles prévalent aussi en Israël est incohérent. J’insiste: deux ministres importants de l’actuel gouvernement
sont racistes et extrémistes, et certainement pas dotés de compétences sécuritaires vitales. Donc oui, je parle
d’eux comme des voyoucrates. Rien de plus, mais rien de moins.

Vous évoquez aussi la nécessaire reprise des négociations. Pour une solution à deux États ?
F.E.: Oui, un peu comme… David Ben Gourion! Vos lecteurs savent bien que le leader du Yishouv puis proclamateur d’Israël accepta le plan de partage onusien de 1947. Temps différents? Peut-être. Sauf qu’à Herzliya, en 2009, cette fois, fut explicitement mentionnée «la perspective d’un État palestinien démilitarisé» aux côtés d’Israël lors d’un discours tenu urbi et orbi par… Benyamin Netanyahou. Et aujourd’hui, on ne pourrait donc souhaiter une telle issue? C’est ridicule.

Pensez-vous que des États arabes signataires des «accords d’Abraham» pourraient les dénoncer ?
F.E. : Je ne crois pas que la mise en place de cette coalition décriée en Israël change la donne. Vous savez,
chacun des partenaires en retire un bénéfice géopolitique certain. Ils expriment leurs «inquiétudes» (ce qui ne coûte rien), mais s’en tiennent à la posture interétatique classique de la non-ingérence. Je rappelle souvent que la paix israéloégyptienne de Camp David, plus solide que jamais, a surmonté une guerre au Liban, deux Intifada, des
vagues de terrorisme et même un « Printemps arabe » ! En revanche, si le gouvernement adoptait des mesures irréversibles, ce serait une autre affaire.

Une nouvelle édition de votre Atlas géopolitique d’Israël paraît le 8 mars prochain. Les cartes, toujours!
F.E.: Absolument. À l’heure d’Internet et du spatial, l’armée russe se replie derrière... un feuve! Au Proche-Orient,
comment comprendre les enjeux sans cartographier le stratégique Golan, la vieille ville de Jérusalem, les ressources hydriques du Kineret, les distances entre capitales ou avec l’Iran, les débouchés de la mer Rouge,
les nouveaux gisements gaziers de Méditerranée orientale, ou encore les densités et écarts de population? On ne
fait pas de géopolitique sérieuse sans cartes.

Vous organisez le 8 février, à l’Assemblée nationale, les assises nationales contre le négationnisme, sous le patronage de Benjamin Haddad. C’est votre deuxième rendez-vous annuel avec les Rencontres géopolitiques de Trouville…
F.E.: Oui, la 13ème édition se tiendra ce 8 février à l’Assemblée nationale. La lutte contre le négationnisme et
son corollaire complotiste est plus que jamais de salubrité publique par les temps belliqueux et populistes qui courent…

 

Propos recueillis par Éric Keslassy
*13ème Assises nationales contre le négationnisme : le mercredi 8 février, de 9h30 à 17h, à l’Assemblée nationale, sous le haut-patronage du député de Paris, Benjamin Haddad, et en présence notamment de Vincent Duclert, de Michaël Prazan, du père Desbois ou encore de Hamit Bozarslan.

 

Interview parue dans Actualité Juive numéro 1674



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