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Les aventures extraordinaires de Moïse Lévy – épisode 4. Par Eden Levi Campana

10 minutes
9 juin 2023

ParIsraJ

Les aventures extraordinaires de Moïse Lévy – épisode 4. Par Eden Levi Campana
Crédit dessin: MICHEL POLITZER. Réalisé exclusivement pour LPH INFO

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Résumé épisode 3 :

Moïse manque de se faire renverser par le bus en récupérant son sac. Il est sauvé par son ami David. Ce dernier lui annonce qu'il a retrouvé la trace de son père en Corse. Il veut recruter Moïse pour le Mossad en échange d'un passeport et d'une carte bancaire avec de l'argent. David propose à Moïse de partir à New-York avant la Corse.

 

 

Yaël


 

Park Tzameret, Tel-Aviv, appartement de David, 23h

 

Moïse est assis sur un canapé noir, en simili cuir. Le double salon d’une soixantaine de mètres est agencé de manière minimaliste : un buffet en noyer avec un immense écran posé dessus, deux fauteuils, le canapé sur lequel le chat tricolore vient de grimper, une table basse qui fait office de mini-bar, un meuble bas en noyer qui protège des vinyles et une chaîne hi-fi, couronné par l’archet d’un violon, accroché au mur. Dans la seconde partie de la pièce : une table ronde et six chaises occupent tout l’espace. Le regard de Moïse est aimanté par un grand poster sépia sur le mur. Un texte manuscrit attire son regard en bas du poster : « Kibboutz Diamantkring - 1998 ».

 

Moïse s’approche. Le cliché ressemble à un de ces films du cinéma muet, sur lequel un projectionniste aurait fait un arrêt sur image. Une fontaine en granit sert de perchoir à une vingtaine d’enfants. Certains crient, d’autres chahutent, d’autres rient,… Moïse à l’impression de les entendre. Un garçon jette un saut rempli d’eau sur un autre, le liquide est à mi chemin entre les deux, tout comme l’eau qui coule de la fontaine, suspendue pour l’éternité.

Derrière eux s’enlace un couple, visiblement très jeune. Le garçon, Moïse tient Yaël par la hanche. Yaël a ses bras enroulés autour de son cou, ils s’embrassent au moment du cliché. Sur le côté un garçon s’apprête à mettre une claque sur le crâne de Moïse. Certes le photographe a immortalisé la scène avant le coup mais Moïse se souvient encore de la brûlure derrière la tête au moment de l’impact. Il n’avait pas réagit de peur que sa jeune dulcinée arrête de l’embrasser.

 

(flashback)

Yaël embrasse Moïse, après lui avoir ordonné de retenir sa respiration. Sur leur droite, l’air très sage un garçon semble protéger un violon et regarde le couple.

 

(de nos jours)

David entre dans la pièce avec un verre vide, une théière, une tasse, une sous-tasse qu’il porte sur un plateau : - la tisane de monsieur est prête.

Moïse regarde le garçon avec le violon sur la photo : - Si sage. Je me demande comment tu as pu devenir un agent du Mossad.

- de l’Institut.

Moïse vient vers lui, s’assoit sur un des fauteuils : - si tu veux.

- Tu ne vas pas dormir ? demande David en versant un fond d’Arak dans son verre. Il choque le verre contre la tasse de Moïse : - Le'haïm, dit-il avant de vider le verre.

- Tu sais le sommeil c’est toujours compliqué pour moi.

- Explique

- Pas grand chose à expliquer. Je sais que je vais mourir quand je vais me coucher. Les endorphines devraient faire leur office et à la place j’ai des décharges d’adrénaline. Je suis en mode survie.

- C’est compliqué sans dormir, s’étonne David.

- Je peux-être mort de sommeil et au moment ou je me couche vlan… impossible de fermer les yeux.

- Depuis quand ?

- Depuis un quart de siècle.

- Oy Vaï ! s’exclame David

- Généralement je fais des pompes, jusqu’à épuisement et je me couche.

- Ça marche ?

- Très bien. Je m’endors d’un coup…. Puis je me réveille 15 minutes plus tard.

- Oy Vaï ! répète David

- Je suis une vraie toupie. Je tourne, je me lève, je m’allonge, je me mets sur le lit, à l’endroit, à l’envers, à genoux, couché sur le dos les jambes sous les fesses, je fais des exercices de respiration, je mets de la musique, je m’assieds dans le lit en tailleur, je médite, je m’endors quelques seconde, je me réveille car avec la nuque en avant je m’étouffe, je bois, j’écoute de la musique, je me relève pour manger, je reviens, je m’allonge, je m’assieds dans le lit…

- David l’interrompt : - Daï, daï, daï…  toute la nuit comme ça ?

- Ah non… Ça c’est seulement la première heure.

David passe sa main sur son front, se sert un second verre, boit cul-sec et se lève : - Tu as tout ce qu’il faut ?

- Toda Raba mon ami, merci beaucoup.

- Laila Tov.

- Bonne nuit à toi aussi, répond Moïse.

David se dirige vers sa chambre et lance à Moïse sans le regarder : - Noah seras là à l’aube, il faut que tu sois en forme pour ta première leçon…

- … d’agent du Mossad ?

- de l’Institut, dit David en fermant la porte.

Moïse se lève et se dirige vers l’autre chambre, il se parle à lui-même : - Je n’ai pas encore dit oui.

 

(flashback)

Un panneau indique « château d’eau Diamantkring » en hébreu et en anglais. Moïse regarde vers le ciel. Il voit une plateforme en bois, avec un bâtiment en cercle, qui repose sur une immense structure en bois, à plus de 30 mètres de hauteur. Une échelle démesurée permet de rejoindre la plateforme depuis le sol. Yaël, est en train de monter à toute vitesse. L’adolescente ressemble à un petit singe, c’est un miracle qu’elle ne tombe pas.

 

Plus prudent, le jeune Moïse monte échelon après échelon. Le garçon arrive sur la plateforme alors que Yaël est déjà installée, les pieds dans le vide et la tête appuyée contre la rambarde. Il vient s’installer à côté d’elle, hésitant.

- Tu as le vertige ? demande Yaël.

- Ken.

- Normal, c’est l’amour.

- C’est le précipice.

- Routzpa ponem !

- Pas plus effronté que toi, répond Moïse : - mais j’ai vraiment le vertige.

- Danger ? Tu sais comment dit toujours maman ? Ferme les yeux

- Inspire à fond et compte sur tes doigts, complète Moïse en fermant les yeux et en prenant une forte respiration.

- Tu vois ? Tout va bien maintenant !

- mmmhmmmm, marmonne Moïse, absolument pas convaincu.

- Garde les yeux fermés et embrasse-moi.

Moïse tourne la tête vers Yaël, s’accroche à la rambarde, met ses lèvres en forme de cœur et avance son visage. Les yeux fermés, le vide est encore plus oppressant mais comment faire autrement ? Il attend le baiser sur ses lèvres mais rien ne se passe. Il entend Yaël rire derrière lui.

- Attrape-moi Routzpa ponem !

 

Moïse ouvre les yeux et voit Yaël qui descend par l’échelle à toute vitesse. Il se lève et entame la descente à son tour, à gestes comptés. Quand il arrive enfin en bas, Yaël est loin. Il court dans sa direction mais elle disparaît derrière un hangar en contrebas. Le toit arrive au niveau du talus où se trouve Moïse. Il aperçoit la jeune fille à droite du bâtiment. Espérant lui couper la route, il court sur un muret. Il récupère son retard. Soudain le sol se dérobe sous ses pieds. Un tapis de ronce l’empêchait de voir la crevasse entre le mur et l’arrière du bâtiment. Il glisse vers le fond. Des tiges de ronces s’enroulent autour de son cou. Moïse sent la piqûre vive des épines qui le lacère de toute part. Les tiges souples et résistantes forment un sorte de lasso autour de sa gorge. Il suffoque. Tout devient sombre autour de lui.

 

(de nos jours)

Moïse n’arrive plus à respirer. Il a le cou baissé, la tête en avant, la gorge écrasée par son menton et sa poitrine, les yeux révulsés, la bouche ouverte, sèche. Il est assis dans son lit, en tailleur, le dos contre le mur. Il fait un geste brusque, puis se jette en avant comme un plongeur qui essaie de s’extraire de l’eau en quête d’oxygène. Dans ce geste désordonné, il frappe du coude contre la table de chevet, fait tomber la lampe, se lève, s’appuie contre le mur haletant. Il ramasse la lampe, la laisse tomber, la ramasse à nouveau et la pose sur la table de chevet.

 

Moïse marche jusqu’à la porte de la chambre, ouvre la porte… David est dans le couloir torse nu, en caleçon avec un fusil d’assaut à la main. Les lumières de l’extérieur lui donnent un aspect bleuté. David baisse son TAR 21 et interroge son ami du regard.

- Soif, dit Moïse d’une voix caverneuse.

- Ta vie n’est pas simple, lui répond David.

Moïse regarde l’arme de David et lui répond : - La tienne non plus.

David rentre dans sa chambre, Moïse va dans la cuisine.

Il se dirige vers le frigidaire, prend une bouteille d’eau gazeuse « Mey Eden », et se dirige vers la fenêtre. Il lit l’étiquette à haute voix : - Hadavar Haamiti, le vrai truc.

 

Moïse reste un moment à regarder Tel-Aviv depuis la fenêtre de la cuisine. Du haut de  ses 15 étages, l’appartement de David a une vue imprenable sur Park Tzameret.

Photo by Nati Shohat/FLASH90


Quelque chose de doux se frotte dans un doux ronron contre la jambe de Moïse. Il baisse les yeux et voit deux rubis qui luisent dans la nuit. Miaulement.

 

- Encore un Dibbouk ? Oy, toi tu es Struwelpeter.

Moïse se baisse et attrape un chat calico aux poils longs. Il le regarde, le caresse, le pose sur son épaule - en le maintenant avec son bras gauche -, tout en le caressant de la main droite. Le chat ronronne à tout rompre, manquant de s’étouffer. Il frotte son museau de manière énergique contre l’oreille de Moïse, puis tourne la tête et lui mordille le nez. Moïse lui gratte l’arrière de l’oreille, puis passe son doigt sous le cou du chat, ce qui a pour effet immédiat d’augmenter le volume de « la machine à câlins ». Moïse s’approche d’une ardoise accrochée au mur, puis murmure au chat : - Quelqu’un qui vit avec un chat comme toi, ne peut-être foncièrement mauvais.

Moïse pose délicatement le chat par terre, prend une craie blanche posée sur une étagère et écrit sur l’ardoise : « Mazal u’bracha ».

 

Moïse retourne dans la chambre. Le chat le suit. Quand il s’assoit dans le lit, le chat se blottit contre sa jambe. Moïse ferme les yeux et rapidement somnole. Quand il ouvre les yeux, il voit la lumière du jour derrière les rideaux. Il entend la voix de David et d’une femme dans le salon. Le chat n’est plus là et la porte de la chambre est entrouverte.

 

Moïse se lève et se dirige vers le salon. Tout est cotonneux autour de lui, aussi bien sur le plan visuel que sonore. David l’accueille comme s’il ne l’avait pas vu depuis 10 ans. Il lui fait la bise, lui présente Noah, une jeune femme d’une vingtaine d’années qui lui fait un signe de tête, le tire par la manche et l’installe dans le canapé. Un copieux petit-déjeuner israélien déborde de la table basse. Noah vient s’asseoir à côté de Moïse. Elle parle, parle, parle, parle et il ne comprend rien. Elle lui met entre les mains un téléphone, protégé par une coque rose fuschia. Elle reprend l’objet, le manipule, lui montre l’écran, bouge son pouce dans tous les sens, fait défiler les écrans et remet le téléphone entre les mains de Moïse. Le bourdonnement n’a pas cessé. David regarde en direction de la photo, vers Yaël.

 

(flashback)

Yaël sur le château d’eau dit à Moïse : - Danger ? Tu sais comment dit toujours maman ?

- Inspire à fond et compte sur tes doigts…

 

(de nos jours)

Moïse ferme les yeux et inspire fortement. Avec sa main il compte jusqu’à cinq. Il sourit. Il ouvre les yeux et voit Noah qui le regarde fixement. Il referme les yeux et prend une énorme respiration.

 

Rendez-vous la semaine prochaine pour le prochain épisode des « AVENTURES EXTRAORDINAIRES DE MOÏSE LEVY».

moiselevy.fr

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