Les départs en provenance de l’Hexagone connaissent une sérieuse érosion en cette année 2023 en raison des
incertitudes économiques et géopolitiques. Arié Abitbol, directeur de l’Agence juive à Paris, nous aide à décrypter
cette nouvelle réalité.
Alors que depuis le début des années 2000, les chiffres annuels des olim français tournaient en moyenne autour de 2 000 départs - hormis des pics exceptionnels liés à une conjoncture précise comme les attentats de
l’Hyper Casher et de Toulouse (7 000 olim en 2015, 5 000 en 2016) - le cru 2023 représente une rupture. «Il y aura une baisse d’environ 50% comparé à 2022», nous glisse tout en maîtrise le directeur de l’Agence juive en
France. L’an passé, ils étaient autour de 2 200 juifs de France à faire le grand saut. Ils seront donc un peu plus de 1 000 cette année à rejoindre la Terre sainte.
Autant dire qu’il s’agit là d’un déclin important. La crise économique mondiale n’y est évidemment pas étrangère. «Les membres de notre communauté ont peur de concrétiser leur projet d’Alyah en ces temps de crise », reconnaît Arié Abitbol, en poste depuis trois ans à la tête de l’Agence juive en France.
En 2021, en plein Covid, l’Alyah n’avait pas faibli puisque 3 500 ressortissants français avaient posé leurs valises en Israël. «Pendant la crise sanitaire, il y a eu ce besoin de se rendre en Israël alors que les frontières du pays étaient quasiment fermées au monde ».
«Les effets de la crise ukrainienne se font ressentir aujourd’hui», poursuit le directeur. Et le cas français ne fait pas exception. Les autres pays occidentaux essuient également un recul en matière d’Alyah. Dganit Sankar-Langa, directrice générale du ministère de l’Immigration et de l’Intégration, a attribué ces baisses à des considérations d’ordre financier. «Nous pensons qu’elles sont liées au coût de la vie et à la crise du logement en Israël. Nous nous basons en cela sur ce que les immigrants eux-mêmes nous disent, en plus de ceux qui s’intéressent à l’idée d’immigrer », a-t-elle récemment fait savoir.
Malgré ce contexte d’incertitude, Arié Abitbol ne baisse pas les bras. Au contraire. «Nos salons font toujours le
plein. Les gens préfèrent temporiser et beaucoup ont reporté leur projet d’Alyah en 2024. Ils savent que la
vie est aussi très chère en France. Ils préfèrent pour le moment rester et ne pas aller dans l’inconnu en opérant un changement sur le plan professionnel».
Cette année, en lieu et place d’un grand départ traditionnellement programmé en juillet, l’Agence juive a opté pour une nouvelle organisation. «On voulait permettre aux futurs olim une plus grande flexibilité. C’est la raison pour laquelle on a organisé des vols d’une centaine de personnes quasiment toutes les semaines cet été. Le 9 août, par exemple, ils seront 80 à s’envoler pour l’aéroport Ben Gourion».
Comme à chaque édition, les profils des futurs olim se décomposent en un tiers de jeunes, un tiers de familles et un tiers de retraités. Ils décident d’élire domicile aux quatre coins du pays et une ville gagne de plus en plus de popularité. «Il s’agit de Nahariya, dans le nord du pays », dévoile Arié Abitbol. «C’est une ville moyenne en termes de taille et le fait qu’elle soit située en périphérie lui confère des prix d’immobilier beaucoup plus abordables ». Après, il y a toujours les incontournables: Netanya, Ashdod, Jérusalem. Mais Tel Aviv, de moins en moins.
Beaucoup de ceux qui effectuent leur Alyah s’inscrivent dans une logique de regroupement familial. «Les enfants
partent pour rejoindre leurs parents ou inversement», décrit Arié Abitbol.
Le responsable reconnaît que la période actuelle est particulièrement difficile. «Il n’y a pas si longtemps, on
a pu observer un retour de nombreux retraités en France et celui de quelques familles. Il y a eu un effet de panique lié à l’euro lorsqu’il était à son plus bas niveau à 3,2 shekels». Pour le responsable, la «yérida» - ceux qui
quittent Israël - concerne quelques années plus tard 7 à 8 % des olim si l’on en croit les chiffres de la Sécurité
sociale israélienne.
Cette année 2023 sera finalement similaire au niveau d’Alyah d’avant la seconde Intifada, au début des années 2000. Pour relancer la machine, l’Agence juive en France, sous l’impulsion de son directeur Arié Abitbol, souhaite miser sur trois leviers. «La première priorité concerne les jeunes : il est bien évident qu’un jeune de 18 ans s’intégrera beaucoup plus facilement. Nous allons créer et faciliter des ponts au niveau des études tout en augmentant le montant des bourses ». Deuxième axe, expliquer et combattre les préjugés sur la vie israélienne:
«peu de gens savent que beaucoup de métiers proposent des salaires élevés, dans la high-tech notamment. Le système de santé en Israël est aussi l’un des meilleurs au monde. Il y a là un vrai travail pédagogique à faire ». Enfin, l’accompagnement des olim doit être repensé. «On va le renforcer jusqu’à un an et demi après l’arrivée en Israël. L’État va investir énormément en ce sens. C’est à nous d’améliorer le système pour intégrer un maximum d’olim», conclut, combatif, Arié Abitbol.
Article de Jonathan Nahmany paru dans Actualité Juive numéro 1699

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