Archive

Les aventures extraordinaires de Moïse Lévy – Episode 14. Par Eden Levi-Campana

10 minutes
18 août 2023

ParIsraJ

Les aventures extraordinaires de Moïse Lévy – Episode 14. Par Eden Levi-Campana
Crédit dessin: MICHEL POLITZER. Réalisé exclusivement pour LPH INFO

Désolé, votre navigateur ne supporte pas la synthèse vocale.

Résumé épisode 13 :

9 mai 1998, le « Kibboutz Diamantkring » est attaqué. Des coups de feu sont tirés dans le dortoir des enfants. Yaël est tuée et Moïse blessé. David aide les enfants à s’échapper du Kibboutz. Il prend la tête du groupe, ils sont quinze et les conduit loin du massacre. Une fois à l’extérieur, Moïse recouvre ses esprits. Il guide la troupe jusqu’à une grotte dans la montagne, puis il perd connaissance. Le lendemain matin, tous les médias annoncent le massacre et énumèrent le nombre de victimes. Magen David Adom évoque une cinquantaine de décès et autant de blessés, l’attentat le plus meurtrier depuis la création d’Israël. Une battue pour retrouver les enfants est organisée par la police. Moszek Feinstein, le grand-père de Moïse, meurt au petit matin dans les bras de son épouse.

 

Petit Bonnet Bond


 

Park Tzameret, Tel-Aviv, appartement de David, 15h

 

« Jonathan Abner » est l’alias de David ! Moïse est certain que son ami d’enfance est le chef de la cellule du Mossad, démantelé par l'agence de renseignement turque MIT. Il ne sait pas ce que cela signifie, mais ceci pourrait être une explication logique concernant la disparition de David. Et puis, il y a ce voyage de Noah en Turquie. Une coïncidence ? Le fruit du hasard ? Certainement pas. Absorbé par sa réflexion, Moïse n’entend pas que l’on force la porte d’entrée.

 

Le chat assis à côté de Moïse est plus attentif. Les légers cliquetis dans la serrure éveillent sa curiosité ancestrale. Le prédateur se dirige vers sa proie. Il se laisse aller à un autre atavisme et grimpe sur la bibliothèque du couloir. Les chats aiment prendre de la hauteur. De là, il peut voir l’intrus pénétrer dans l’appartement. Ce chat, comme tous les chats d’appartements sur la planète, est certain que les humains ont été inventés pour le servir, le nourrir, changer sa caisse et le dorloter quand lui l’exige. Au besoin, un coup de griffe ou une morsure peuvent toujours rappeler à l’humain qu’il n’est qu’un subalterne au service de sa majesté le chat. Pourtant cet intrus ne lui inspire pas confiance, le félin a de l’instinct. Il jauge le nouvel arrivant.



Si le chat a une longue expérience de son job, ce n’est pas le cas de Moïse. Espion depuis trop peu de temps, sans formation au métier, sans qualifications, sans domaines d’expertises et surtout sans les réflexes paranoïaques de l’agent de renseignements expérimenté, il ne s’inquiète pas de voir apparaître un inconnu au milieu du salon, sans doute un agent du Mossad. Certes, Moïse est surpris mais pas au point de lui balancer une chaise à la tête, de le saisir par la manche, de lui faire un « Harai-Tsuri-Komi-Ashi », suivi d’un « Hon-gesa-gatame ». A vrai dire Moïse ne s’intéresse absolument pas aux arts martiaux, au combat, ni à aucun autre sport. Il y a bien eu ce jour où David avait voulu lui enseigner le « Krav-maga » mais la leçon s’était terminée de manière lamentable, à coups de pelle et de vociférations.

 

L’homme ne s’attendait vraisemblablement pas à trouver quelqu’un dans l’appartement. Moïse lui jette un long regard. Il remarque d’abord le bonnet. Un accessoire ridicule et inutile avec les températures estivales. Pantalon et baskets noirs, sweat-shirt gris, veste orange, barbe parsemée, cheveux courts, la trentaine, franchement si ce geek est un espion, nous sommes très loin des critères vestimentaires de James Bond, pense Moïse. Ce serait plutôt « Petit Bonnet Bond ».

 

- Qui êtes-vous ?

« Petit Bonnet Bond » ne répond pas. D’ailleurs il ne demande pas son reste. Il fait volte-face et court vers la sortie. Sa démarche est étonnamment souple. Moïse le suit sans trop réfléchir. Le Kiboutznik dépasse la porte, regarde dans le couloir de l’immeuble, se hasarde jusqu’aux escaliers, rien. Il revient, attrape le chat qui veut se faire la belle, encore un atavisme de chat.

 

Moïse ferme la porte et réfléchit. Son téléphone portable est resté sur la table. Il le récupère, puis compose le numéro de Noah. La voix de Noah lui demande de délivrer un message sur le répondeur. Moïse raccroche. Il pose le téléphone sur la table basse et le regarde fixement comme si sa force de persuasion suffisait à le faire sonner, en vain.

 

Le néo-espion se lève et marche jusqu’à la chambre de David. Il ouvre les tiroirs de la commode, inspecte le dessous et le dessus de l’armoire, passe ses mains entre les piles de linge, se penche sous le lit. Ravi par tout ce remue-ménage, le chat le suit à la trace comme un huissier en mal de recouvrement. Moïse poursuit ses recherches dans le bureau de David. Il déplace des livres et des bibelots. Tout est dramatiquement propre. Moïse imagine David en train d’astiquer ses livres et ses bibelots.

- Tu as même perverti la poussière, dit-il à voix basse.

 

Moïse s’approche de l’immense bureau en châtaignier et tente de le forcer. Les tiroirs résistent. Il va dans la cuisine sans prêter attention au chat-huissier qui le traque. Par inadvertance il le balance à l’autre bout de la pièce. Le félin manifeste son mécontentement en chopant les chevilles de l’humain.

 

Moïse récupère un couteau et une cuillère dans la cuisine et revient dans le bureau. A l’aide du manche de la cuillère, il force l’ouverture du premier tiroir. Pas de grandes découvertes, uniquement un téléphone et des papiers. Moïse essaie d’allumer le téléphone mais sans le code c’est impossible. Il met l’appareil dans sa poche et ouvre le second tiroir, qui déborde de dossiers. Sous les documents, Moïse trouve un trousseau de clefs. Il garde les clés mais range les documents.

Moïse sort de la chambre en serrant les clefs dans sa main. Arrivé à la porte principale, il essaie de trouver la bonne clé. Après plusieurs essais infructueux, il trouve la clé et ferme la porte. Il retourne dans le bureau et ouvre le dernier tiroir du bas, qui contient une arme et des munitions. Un revolver ou un pistolet, Moïse ne sait pas faire la différence. Il prend l’arme, la sort de l’étui, la remet, replace l’étui dans le tiroir ainsi que les balles.

 

A la recherche d’indices ou d’informations en lien avec l’enlèvement, Moïse fait le tour de l’appartement, sans succès. En revanche, dans sa chambre, sur la table de nuit, sont posés deux passeports, l’un français, l’autre israélien et une enveloppe. Le nom sur les deux passeports sont identiques : « Pasquale Paoli », né à Ajaccio, France, le 6 avril 1983. La photo est celle de Moïse.

Il déchire l’enveloppe et vide le contenu sur la table de chevet, une carte bancaire « Leumi card » au nom de Pasquale Paoli, et une lettre avec le code de retrait. Moïse ouvre tour à tour le passeport israélien et français. Age, taille, adresse, ils sont en tous points identiques. Moïse s’attarde sur le nom.

- Paoli, Pasquale Paoli.

Ce patronyme lui est familier, sa grand-mère lui a souvent parlé d’un général corse, un homme des Lumières, qui a accueilli les ancêtres de Moïse sur l’île de Beauté.

 

Le chat se roule en boule sur le lit et miaule bien décidé à attirer l’attention de Moïse, qui se retourne et lui caresse le ventre.

- Oy ! Tu es sage, je vais retrouver ton maître.

Miaulement.

 

Moïse sort de l’appartement, ferme à double tour, emprunte l’ascenseur jusqu’au rez-de-chaussée, traverse la place et entre dans le studio « Nikita Photography Center ». Le photographe est derrière le comptoir. Il l’accueille d’un tonitruant : - Karagül, tu es déjà là ? Bien la balade dans les airs ? C’était un militaire ? Beau gosse, tu as son contact ? Tu as vraiment fait le tour de Tel-Aviv dans un drone ?  

- Qu’est-ce que tu as fait du Dragon ? Demande Moïse en guise de réponse.

- Golda Meïr ? Derrière, dans le jardin, lui répond Nikita. Tu en as besoin ? Tu veux faire un tour de dragon maintenant ?

 

Moïse montre sa carte bancaire à Nikita.

- Comment je fais pour savoir la somme qu’il y a sur ce compte ?

- Tu vas à un guichet automatique, Casponet ou guichet de banque, tu mets la carte et tu tapes ton code.

Nikita lit le nom sur la carte.

- Rega, tu as le code ?

Nikita marque une longue pose et regarde Moïse dans les yeux.

- Ken, répond Moïse.

- Sababa ! Après le code, tu suis les indications sur l’écran. Ce compte est au nom de Paoli, c’est ton nom Karagül ?

- Il y a une banque pas trop loin ? Un guichet ?

- A l’angle de l’immeuble, juste derrière.

- Toda raba, mon ami. Fais attention à Golda Meïr.

- Comme à la prunelle de mes yeux. 

 

Moïse sort du studio de Nikita et marche jusqu’au guichet automatique. Il finit par s’entendre avec la machine, qui lui donne le montant crédité par le Mossad sur le compte de Pasquale Paoli. Beaucoup d’argent, vraiment beaucoup.

- Vous êtes riche à l’Institut.

 

 

Moïse retire 200 shekels puis prend la direction du sud. Il emprunte « Nissim Aloni St » puis « Alexander Uriya Boskovich St ». Il a déjà fait deux fois ce chemin à pied, il ne peut pas se perdre. « Nissim Aloni St », « Alexander Uriya Boskovich St », « Mordechai Namir Rd/Route 2 », à droite sur « Ya'akov Dori St/Zeev Jabotinsky St », « Sderot Sha'ul HaMelech », « HaNevi'im St », « King George St » et enfin le « Shuk HaCarmel ». Le tout en moins de trente-cinq minutes, c’est rapide.

 

A plusieurs reprises il a aperçu « Petit Bonnet Bond » qui le suivait, toujours en hauteur, comme un funambule. Il avait l’air à l’aise, escaladant des échelles, passant par-dessus des routes d’un immeuble à l’autre, se jetant en avant, effectuant des roulades quelques mètres plus loin.

« Il ne cherche pas la discrétion », se dit Moïse, se souvenant qu’un jeune au Kibboutz pratiquait cette activité. Il sautait comme un cabri par-dessus des obstacles. Il appelait ça le Parkour, ou Pakrour, enfin un nom qui ressemblait à ça. Une pratique sportive qui a du sens quand un adolescent s’y adonne mais qui semble complètement incongrue à l’instant précis.



Moïse repasse dans sa tête le film des évènements récents. Un homme force l’appartement de David, s’échappe en le voyant, puis le suit en faisant de la haute voltige. « C’est dément, où est la logique ? », se demanda-t-il. Lui qui écoulait des jours heureux dans son Kibboutz, il y a quelques jours à peine est à présent complètement dépassé. Sa vie est devenue un mélange de la série « Fauda », de « Sallah Shabati », du « policier Azoulay » et autres films borekas. Après le Dibbouk dans le coffre de l’autocar, le dragon de Komodo répondant au doux nom de Golda Meïr et un survol de la Ville Blanche en drone militaire, Moïse pensait être au bout de ses surprises. Visiblement non.

 

« Petit Bonnet James Bond, caricature de l’agent 007 » se jette dans le vide, atterrit sur une maison plus basse, court, se jette à nouveau dans le vide et disparaît définitivement derrière un mur.

- Ez ! Tu es croisé avec une chèvre ! Dit Moïse.

Il se retourne. L’homme qui le filait est à présent face à lui et le regarde.

 

 

Rendez-vous la semaine prochaine pour le prochain épisode des « AVENTURES EXTRAORDINAIRES DE MOÏSE LEVY ».

 

https://moiselevy.fr

https://www.facebook.com/les.aventures.extraordinaires.de.Moise.Levy
Boaron blue