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Les aventures extraordinaires de Moïse Levy – Episode 16. Par Eden Levi-Campana

9 minutes
1 septembre 2023

ParIsraJ

Les aventures extraordinaires de Moïse Levy – Episode 16. Par Eden Levi-Campana
Crédit dessin: MICHEL POLITZER. Réalisé exclusivement pour LPH INFO

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Résumé épisode 15 :

Moïse traverse le  Shuk HaCarmel, suivi par « Petit Bonnet Bond », qui ne cherche même plus à se dissimuler. Moïse arrive à échapper un instant à sa vigilance et griffonne quelque chose sur un papier. En passant près du stand de Dov, le jeune vendeur, Moïse dépose discrètement le papier. Dov se rend compte qu’il y a un souci et ne parle pas à Moïse. Il voit passer l’homme au bonnet, puis il trouve le papier. Dov ferme alors son stand et quitte le marché. De son côté Moïse s’acharne à semer l’espion qui le file sans relâche. Il finit par entrer dans un palace, l’hôtel David Kempinski et à prendre une chambre.

 

Valises et espions


 

HaYarkon St Tel-Aviv, Hôtel David Kempinski

 

Moïse prend une grande respiration, compte sur ses doigts : un, deux, trois, quatre, …

Il relève les épaules, serre les abdominaux sans s’en rendre compte, se redresse et semble avoir grandi de quelques centimètres, comme par enchantement. « Moïse le Kiboutznik » a laissé la place à « Paoli l’espion ». Ses yeux transpercent à présent le réceptionniste-cerbère, qui semble tout à coup moins imposant. Un coup d’oeil rapide dans le grand hall d’accueil. Moïse-Paoli a le regard affûté de l’agent des services de renseignement du Mossad. Comme dans ces bons vieux films d’espionnage, il repère les sorties, évalue les risques, scanne les clients qui pourraient être des espions à la solde d’une nation ennemie. Il passe même la main sous le comptoir pour vérifier qu’il n’y a pas de micros. Déformation professionnelle dirait le duc Orlando d'Oxford.

 

- Monsieur !

Regard réprobateur au réceptionniste qui lui tend une carte et lui donne des indications sur sa chambre, au 34eme étage. Décidément ce petit homme est bien suspect, de là à l’accuser d’intelligence avec une puissance étrangère il n’y a qu’un pas.

- 34eme étage ? Vous n’aviez pas plus haut ? Demande Moïse sur un ton suspicieux.

- Non Monsieur, mais notre établissement est récent, peut-être que dans les prochaines années nous pourrons le rehausser pour vous ? Dit le cerbère en se pinçant les lèvres.

- Du sarcasme ?

- Non Monsieur, nous prenons note des remarques pertinentes de nos invités.

- Invité ? Vu le prix de la suite, je ne crois pas.

- C’est une formule Monsieur.

- Qui ne vous coûte rien. Dit Moïse à la manière d’un aristocrate. Donc les ascenseurs à droite ?

- Oui Monsieur.

 

Moïse regarde le hall, aéré, lumineux, illuminé, spacieux. Une corne d’abondance de fleurs sépare le comptoir du cerbère d’un autre comptoir. A l’entrée un chasseur avec un haut de forme met des bagages sur un petit chariot. Étant donné son entrée précipitée, Moïse lui est passé devant sans le voir.

 

Moïse se demande ce qu’auraient fait Jason Bourne ou Ethan Hunt à sa place. Après tout, puisqu’il devait jouer les espions, autant choisir les meilleurs. Moïse-Paoli repère des bagages orphelins près du chasseur. Il se dirige vers l’employé au haut de forme avec la ferme intention de lui subtiliser une valise. Alors qu’il est presque au niveau du chariot, une cliente élégante avec une valise et une veste jaune, lui coupe la route.



- Oy Vaï ! Le contre-espionnage russe !

Moïse regarde la cliente s’éloigner. Elle est trop élégante pour être honnête. Sa veste jaune assortie à sa valise jaune sont le summum d’un raffinement ostentatoire.

- Elle est hyper-visible pour mieux se fondre dans la masse, murmure Moïse ?

- Pardon Monsieur ? Vous m’avez parlé ?

Le chasseur a un grand sourire béat.

- Les ascenseurs ? Demande Moïse.

- Regardez, répond le chasseur en tendant l’index vers la dame en jaune.

 

Moïse le remercie d’un mouvement de tête. Le chasseur s’approche d’un couple avec un enfant d’une dizaine d’années pour les accueillir et Moïse en profite pour dérober une valise. Il retient sa respiration et marche vers l’ascenseur. Avec un peu de chance il va pouvoir entrer dans l’ascenseur rapidement et échapper à la vigilance du chasseur, du cerbère, ainsi qu’à tous les clients présents à ce moment-là dans le hall.

 

Arrivé devant l’ascenseur, il voit un petit écran qui indique que l’appareil est arrêté au 33eme étage. Quelle poisse. Il ne lui reste plus qu’à attendre, l’air de rien, à la James Bond. En parlant de « Bond », Moïse a complètement oublié l’espace d’un instant « Petit-Bonnet Bond ». Il regarde l’enfant qui est assis sur une valise près de la réception, pendant que ses parents finalisent leur réservation. Le garçon regarde Moïse avec une malicieuse complicité. Il a compris lui, le monde de l’espionnage.



Moïse a un flash-back, « Kibboutz Diamantkring », 1988

Il se voit enfant, assis dans une valise dérobée à son grand-père quelques instants plus tôt. Il est assis au milieu du jardin, en quête d’une grande aventure. Moszek Feinstein s’approche de son petit-fils et lui lance :

- Prêt pour les aventures extraordinaires de Moïse Levy ?

Le garçonnet fait oui avec la tête. Le grand-père attrape une ficelle accrochée à la poignée de la valise et tire Moïse, qui rit à chaudes larmes. Ils viennent d’inventer la valise-caisse-à-savon. Des liens très importants unissent Moïse au reste de sa famille, mais « grand-père Mo » est quand même son chouchou. Son principal trait de caractère est une imagination débordante et fertile. Ce n’est pas pour rien que Staline le surnommera « Ragnard le juif ». « Le petit père du peuple », le tyran qui dans un même élan avait massacré des milliers de juifs et aidé à la construction d’Israël, avait vu des similitudes entre Moszek Feinstein et le viking Ragnar Lothbrok, roi de Suède et du Danemark. Pourquoi pas ?

- En avant pour les aventures extraordinaires de Moïse Levy, criait le petit enfant entre deux rires. En avant !

- Daï, daï !

 

Moïse regarde autour de lui. Dans le hall de l’hôtel personne ne semble prêter attention à lui.

- Mon super-pouvoir c’est peut-être mon invisibilité, se dit Moïse au moment ou l’ascenseur daigne enfin ouvrir ses portes. Moïse jette un coup d’œil à droite, à gauche, la dame en jaune a disparu mais sa valise est là, seule. Avec un petit sentiment de culpabilité, Moïse prend la valise et appuie sur le bouton du 34eme étage.

L’ascenseur en verre monte et s’arrête à tous les étages. La vue est époustouflante sur Tel-Aviv.

- Un ascenseur shabbat, c’est bien ma chance.

Moïse ressent un léger vertige en regardant la Ville Blanche de haut, mais après l’avoir survolée en drone, ce n’est plus une vraie épreuve. Il se cale tout-de même contre la paroi de l’engin.

 

Arrivé dans sa suite, magnifique, la plus belle que Moïse ait jamais vu, il balance avec énergie les valises sur son lit et fait un inventaire :

- Chapeau rose, habits de femme, habits de femmes, annonce Moïse. Il poursuit en Yiddish, hut, kleydl, kleyd, biusthalter, bluzke, zok , c’est une boite à shmate !

L’apprenti espion est dépité.



Il réfléchit un temps, puis commence à enfiler des vêtements de femmes par-dessus les siens. Ceux de la valise jaune sont trop serrés, mais la seconde propriétaire de la valise est sans doute plus voluptueuse. Un fichu pour dissimuler sa longue barbe blanche et un appareil photo qui appuie sur sa barbe, la plaquant contre sa poitrine.

Il s’admire dans le miroir, goguenard : - Je vais avoir les faveurs de Nikita.

Moïse ne peut s’empêcher de sourire.

Il pose délicatement le chapeau rose sur le haut de son crâne, dans un geste démesurément précieux, puis l’enfonce sans autre forme de procès jusqu’aux sourcils.

 

Moïse range les vêtements dans les deux valises, sort de la chambre, descend les 34 étages avec les deux valises contre sa jambe, abandonne les valises dans le hall, passe devant le chasseur qui ne semble pas le reconnaître et se retrouve dans la rue.

 

Pas de « Petit-Bonnet Bond », se serait-il travesti pour rien ? Moïse s’engage rapidement sur HaYarkon St. Il y a des travaux partout et l’espion à la démarche titubante ne remarque pas immédiatement la voiture, une tesla noire avec trois hommes à l’interieur.

- Ben kélèv ! Lance Moïse désappointé, encore une fois.

 

« Petit-Bonnet Bond » est assis à l’arrière du véhicule. Les trois hommes ont les yeux rivés vers les portes de l’Hôtel David Kempinski. Ils ne semblent pas avoir prêter attention à cette dame mal habillée qui vient de sortir et passe devant eux avec des « airs d’espion-discret-qui-ne-veut-pas-qu’on-la-remarque. »

 

La dame au chapeau rose marche jusqu’au coin de la rue, et se dissimule derrière un muret pour observer les trois hommes dans la voiture. La dame, Moïse, reste un moment immobile, retenant son chapeau d’une main, pour ne pas qu’il s’envole.

 

L’apprenti espion se sent observé. Pas par la bande à « Petit-Bonnet Bond » mais derrière lui. Il se retourne doucement et se retrouve nez à nez, littéralement, avec le vigile de l’Ambassade du Kazakhstan qui hausse un sourcil interrogateur. Moïse force son sourire et dit d’une voix fluette :

- Le Kazakhstan ? Abaï Kounanbaïouly ? Dinmoukhammed Kounaïev ? C’est une belle démocratie que vous avez là !

La blague ne semble pas prendre. Et le vigile impose sa plus belle « poker face ».

 

A ce moment-là, l’homme assis à la place passager, un châtain en costume à la « Men in black », sort du véhicule et se dirige vers l’hôtel. Il rentre dans le hall. A son tour, « Petit-Bonnet Bond » s’extirpe de la voiture, avec souplesse. Sans se retourner, il s’éloigne de la voiture. Moïse-Paoli regarde et mémorise la plaque d’immatriculation. Il se met à suivre « Petit-Bonnet Bond », chacun son tour.

 

Ils marchent pendant dix minutes, jusqu’au cimetière historique de Trumpeldor. « Petit-Bonnet Bond » entre dans le vieux cimetière et Moïse le suit, de loin. Il voit l’homme au bonnet s’approcher de la pierre tombale de Meir Dizengoff, ancien maire de Tel-Aviv et pionnier du mouvement « Hibbat Zion » autrement dit les « Amants de Sion ».

 

« Petit-Bonnet Bond » s’approche avec beaucoup respect de la pierre tombale, il s’arrête quelques instants face au monument, puis le contourne. Moïse s’approche à son tour, et voit l’espion, penché sur une autre pierre tombale. Il se baisse avec précipitation car « Petit-Bonnet Bond » a regardé dans sa direction.

« Mais que fait-il ? » se demande Paoli l’espion alias Moïse le Kiboutznik, avant de se jeter au sol. Un objet vient de se briser derrière lui, dans un fracas énorme.

 

 

Rendez-vous la semaine prochaine pour le prochain épisode des « AVENTURES EXTRAORDINAIRES DE MOÏSE LEVY».

 

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