Ainsi sur les plateaux de télévision, nombre d'heures de débat sont consacrés à la personne de Netanyahou, chacun y allant de son refrain, entendu déjà avant le 7 octobre d'ailleurs, selon lequel au choix: Bibi ne pense qu'à lui, Bibi n'est pas apte à gouverner, Bibi savait mais n'a rien fait ou Bibi est celui qui a renforcé le Hamas.
Samedi soir, pour la première fois depuis le début de la guerre, une conférence de presse avec questions des journalistes était organisée. Trois ténors étaient présents pour répondre: le Premier ministre Binyamin Netanyahou, le ministre de la Défense Yoav Gallant et le ministre, ancien Chef d'Etat-major et ancien ministre de la Défense, Benny Gantz. Hélas, presque aucune question centrée sur la guerre, son déroulement, ses objectifs et les moyens de les atteindre, les conséquences sur l'arrière-front, les perspectives, etc, n'a été posée. La quasi-totalité des questions des journalistes portait sur un seul et unique sujet: la responsabilité du Premier ministre.
Ils auraient pu, de la même manière, interroger Benny Gantz, qui a occupé les responsabilités les plus élevées dans le domaine de la sécurité ces 20 dernières années. Non, les questions étaient toutes sans exception dirigées contre le Premier ministre.
Non pas que Netanyahou n'ait aucune responsabilité dans la catastrophe qui s'est abattue sur notre pays. Il en a une, il ne pourra la fuir. Il l'a d'ailleurs affirmé encore et encore: ''tout le monde rendra des comptes, moi y compris''. Néanmoins, l'acharnement est clair et surtout il dévie les débats sur les grandes chaines et les grands médias israéliens du sujet réellement important aujourd'hui: comment gagner cette guerre et comment ramener nos otages sains et saufs.
Aujourd'hui (lundi), une étape supplémentaire a été franchie dans cette chasse à l'homme contre le Premier ministre en exercice et actuellement chef de guerre, d'une guerre existentielle pour Israël et les Juifs du monde entier. Ne pouvant pas attendre la fin des combats et le moment des réglements de compte, la journaliste Moran Azoulay du Yediot Aharonot, publie un document datant de 2016 et classé à l'époque ''hautement confidentiel''. Ce document traite du Hamas et de ses intentions, il a été présenté au Premier ministre Netanyahou par le ministre de la Défense de l'époque, Avigdor Liberman.
Ce que contient ce document fait froid dans le dos quand on le lit après le 7 octobre: ''Le Hamas a l'intention de transférer le combat sur le sol israélien, en y introduisant d'importantes forces surentrainées (les force No'hba, par exemple). Elles viendront conquérir une localité israélienne (et peut-être même plusieurs), dans la bordure de Gaza et prendront des otages, ce qui portera, au-delà de l'atteinte physique, un coup au moral des citoyens israéliens''.
Dans le document, datant de 2016, il est écrit que le Hamas vise la destruction de l'Etat d'Israël d'ici 2022. Il y est mentionné que le Hamas a besoin ''d'une période de calme'' pour compléter son renforcement et se préparer.
L'éventualité d'un conflit sur plusieurs fronts est mentionnée, y compris en dehors d'Israël, avec l'implication des services du Hamas à l'étranger.
Le document détaille les forces de la branche militaire du Hamas qui vont en augmentant et parle d'un groupe de 40000 terroristes d'ici 2020. Le renforcement de la puissance armée du Hamas est souligné: augmentation du nombre de roquettes, amélioration des performances sur terre mais aussi en mer ainsi que des capacités dans le domaine aérien, comprenant des plateformes d'attaques, des drones pour récolter des renseignements, la perturbation de la communication GPS. Le tout grâce à une demande d'aide financière importante à l'Iran de 50 à 60 millions de dollars.
Le ministre de la Défense de l'époque, Avigdor Liberman, conseille de prendre des mesures conséquentes avant la mi-2017 afin de ne pas faire face à ''une situation stratégique difficile (...) qui pourrait avoir des répercussions pires que celles de la guerre de Kippour''.
En 2016, lorsque ce document est rédigé, Netanyahou est Premier ministre et Gadi Eizenkott, Chef d'Etat-major. A l'époque, la menace qu'évoque le document est celle des tunnels, par lesquels les terroristes du Hamas tentent de s'infiltrer. L'échelon politique et sécuritaire entreprennent des actions pour protéger les localités de la bordure de Gaza de cette menace sous-terraine. Une barrière de sécurité basée sur des technologies très avancées est placée entre Gaza et Israël.
Personne ne juge utile d'aller plus loin, la ''conception'' selon laquelle le Hamas cherche le calme et qu'il suffit de lui conférer des avantages financiers et civils pour les habitants de la Bande de Gaza va perdurer. D'ailleurs, Liberman, démissionne en 2018, notamment pour des désaccords sur la politique face au Hamas.
En 2021, il revient aux affaires, sous le gouvernement Bennett Lapid, en tant que ministre des Finances, mais aussi membre du cabinet de sécurité. La politique envers le Hamas n'a pas changé, les menaces qu'il avait prédites en 2016 ont-elles disparu? En tout cas, aucune décision radicale n'est prise pour y faire face, si elles existaient encore. Lors de l'opération Aube, lancée en août 2022, par le gouvernement Bennett-Lapid, le Hamas n'est même pas une cible. Les efforts se concentrent contre le Jihad islamique et tout le monde affirme que le Hamas n'a aucun intérêt à entrer en conflit en Israël, une théorie que les responsables sécuritaires et politiques répéteront jusqu'à 6 octobre dernier.
Ainsi depuis 2016, outre Netanyahou, Bennett et Lapid ont occupé le fauteuil du Premier ministre, trois chefs d'Etat-major se sont succédés - Eizenkott, Kohavi, Halévy, plusieurs ministres de la Défense ont officié - Liberman, Bennett, Gantz. Aucun n'a décidé de prendre au sérieux les avertissements inscrits dans ce document.
Aujourd'hui, il est publié avec un doigt accusateur vers une seule personnes: Netanyahou.
Il faut le répéter: le temps des explications, des réglements de compte, des enquêtes et de la détermination des responsabilités doit venir et il viendra. L'échelon politique, l'échelon militaire, celui des renseignements mais aussi l'échelon judiciaire et peut-être même médiatique: l'introspection devra être large. Netanyahou devra assumer ses responsabilités, personne ne lui en fera l'économie, à juste titre. Mais le faisceau de défaillances qui a permis les massacres du 7 octobre 2023 est bien plus large.
Il faudra certainement remonter en amont de 2016 pour dresser un tableau complet des responsabilités, au moins jusqu'aux accords d'Oslo et en passant par le retrait unilatéral de Gaza avant d'arriver aux années de pouvoir de Netanyahou.
Pour le moment, le temps est à l'union derrière notre gouvernement et notre armée, qui doivent nous mener à la victoire totale sur le Hamas et ramener nos otages à la maison.