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La Charte. Par Rav Elie Kling

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9 avril 2024

ParIsraJ

La Charte. Par Rav Elie Kling

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Tribune parue dans AJ Mag numéro 1007

Unité, solidarité : depuis le début de cette guerre, la plus longue qu'ait connue Israël depuis la guerre d'Indépendance, on n'entend que cela. Chaque discours aux obsèques d'un soldat tombé à Gaza, chaque déclaration d'un réserviste revenu du front, chaque message à la nation d'un politicien ou d'un artiste insiste sur la principale leçon qu'il faut tirer de ce qui nous arrive depuis Sim'hat Torah : en finir avec les divisions, les haines et les slogans des mois et des années passées, et préserver ce sens de la solidarité qui, depuis le massacre, traverse la société israélienne en particulier et le monde juif en général.

Le pire, disent-ils en chœur, serait qu'après la victoire nous retrouvions les dissensions et les dérapages que nous avons connus jusqu'au 6 octobre.
Malheureusement, certains signes inquiétants laissent craindre un possible retour à nos anciens démons, comme on le voit avec la légitime recherche des responsables du « me'hdal » du 7 octobre, qui est en train d’être récupérée politiquement et de se transformer en règlement de comptes.
De louables initiatives voient le jour pour tenter de contrer ce danger. Ainsi, des réservistes publient ces jours-ci dans les journaux et sur les réseaux sociaux une pétition visant à préserver notre unité tout en créant des structures qui permettront de pointer les responsabilités et les responsables de la catastrophe de Sim'hat Torah. Cette organisation appelle entre autres à la constitution d'un gouvernement regroupant tous les partis sionistes représentés à la Knesset : jetez un œil sur « tikoun 2024 » et signez la pétition.

Cela dit, et avec tout le respect et le soutien dus à « tikoun 2024 », nos divergences de vue sur les dossiers sensibles ne disparaîtront pas de sitôt. L'un de ces dossiers, peut-être même le plus sensible d'entre eux, est de toute évidence celui qui oppose depuis toujours laïcs et pratiquants.
Or la guerre nous fournit l'opportunité de donner enfin un contenu concret et le plus consensuel possible au concept d'Etat juif et démocratique. Le moment est donc venu de remettre à l'ordre du jour la Charte Gabison-Medan, publiée il y a presque un quart de siècle.
Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas, permettez-moi de faire les présentations. En l'an 2000, la professeure Ruth Gabison, spécialiste des droits de l'homme à la Faculté de droit de l'Université Hébraïque de Jérusalem et fondatrice de l'Association des droits du citoyen, et le rabbin Yaakov Medan, professeur de Talmud, de Bible et de pensée juive, et aujourd'hui roch yechiva de la yechiva d'Alon Shvut dans le Gouch Etzion, se rencontrent à Jérusalem. Comme beaucoup, ils sont convaincus que le sacro-saint statu quo mis en place à l'époque de Ben Gourion et du 'Hazon Ich a fait son temps. L'évolution sociologique et démographique du pays exige que l'on parvienne à un nouvel accord permettant aux deux parties de vivre selon leurs convictions tout en respectant celles des autres. Apres deux ans de travail, des consultations avec des autorités de chacun des deux camps, ils publient un livre de plus de 300 pages abordant tous les sujets en discussion, du chabbat à la cacherout, des conversions à l'état civil, de la Loi du retour à l'organisation des prières de femmes au Kotel.

Il est bien entendu impossible de résumer ici toutes les conclusions de cette charte. Mais à titre d'illustration, voyons un extrait de ce qui y est dit à propos du chabbat :
« Loi fondamentale : le chabbat est le jour de repos officiel en Israël.
Les ministères, les institutions scolaires, les usines, les banques, les services commerciaux seront fermés chabbat.
Il est interdit de refuser d'employer quelqu'un au motif qu'il respecte chabbat.
On n'interdira pas l'ouverture de restaurants ou de lieux de loisir le chabbat, sous réserve toutefois de leur localisation et du bruit.
Un nombre limité de petites supérettes, de stations d'essence et de pharmacies pourront fonctionner.
Les restaurants, musées et lieux de loisirs autorisés à ouvrir chabbat devront fermer un autre jour de la semaine.
Les représentants officiels de l'État d'Israël à l'étranger ne commettront aucune action diplomatique le chabbat.
On s'efforcera de déplacer les événements sportifs traditionnellement joués chabbat à un autre jour. »
Ce passage sur le chabbat comprend encore de nombreux détails, régissant par exemple les transports en commun, mais vous avez compris le principe : montrer qu'avec de la bonne volonté, on peut trouver un terrain d'entente même sur le sujet sensible du chabbat, afin qu’il ne soit pas transgressé dans l’espace public, tout en respectant le droit des particuliers à vivre leur chabbat sans contrainte.

Les événements que nous vivons nous ont appris que le respect mutuel et la recherche d'un compromis acceptable par tous est une condition vitale de notre sécurité. Alors c'est le moment de réunir les bonnes volontés pour trouver des solutions sur les sujets qui nous divisent, des relations entre l'État et la religion jusqu’à la réforme judiciaire. Nous avons payé bien trop cher le prix de notre division.

Arrêtez-moi si je dis des bêtises…
klingelie@gmail.com



Tribune parue dans AJ Mag numéro 1007

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