Le 7 octobre a ouvert une plaie dont nul ne saurait mesurer toute la profondeur, une plaie vive dans la chair du peuple juif et dans l’âme du monde. Les victimes, arrachées à la vie dans l’horreur, leurs familles mutilées par l’absence, les combattants tombés en défendant la frontière de lumière contre la nuit, tous sont désormais inscrits dans le Livre des noms. Ils ne sont pas poussière, ils sont mémoire ardente, ils sont voix muette criant à travers le temps que la dignité vaut plus que la peur. Mais cette tragédie n’est pas née dans le hasard. Elle est l’enfant monstrueux d’un culte obscène rendu à l’idole d’or, d’un empire de comptes bancaires et de palais de verre qui a choisi de transformer l’argent en arme, de jeter ses trésors dans la bouche de la guerre. De ses coffres débordants s’écoulent les torrents noirs qui nourrissent un pays effondré, devenu instrument de toutes les haines, laboratoire de milices travesties en causes sacrées, armées de substituts, proxies de malheur, semant la terreur dans Gaza, au Yémen, au Liban, jusqu’aux places tranquilles de l’Occident. Ainsi s’est perpétuée la malédiction de l’ombre : quand l’argent se fait dieu, la mort devient sa prière.
Alors sont venus ces sept cents jours qui ont changé le cours de l’histoire. Sept cents jours où David a relevé la pierre contre le géant, où le peuple du Livre, brisé mais jamais défait, a rassemblé ses forces pour terrasser Amalek encore une fois. Sept cents jours où la violence nue s’est dévoilée au grand jour, étalant ses visages de fanatisme et ses projets d’hégémonie mondiale, sept cents jours qui ont vu l’antisémitisme gonfler comme une vague ancienne réveillée, l’antisionisme se parer des atours du mensonge pour légitimer sa haine. Sept cents jours enfin où l’intelligence, le cœur et le sacrifice des fils et des filles d’Israël ont prouvé que le lion n’est pas dompté. Car si tant de nations pauvres d’esprit, si tant de nations lâches ont choisi encore une fois la capitulation, le peuple juif a choisi de marcher debout. Ni par la force seule, ni par la ruse seulement, mais par la mémoire, la fidélité et la clarté d’une vocation éternelle. Le lion s’est dressé, et son rugissement a traversé les mers.
Et voici que le ciel lui-même se mêle au récit. Après ces sept cents jours exactement, le calendrier offre un signe : le Shabbat du 13 Eloul, le Shabbat de Ki Tavo, cette parasha qui rappelle l’alliance, la responsabilité, la bénédiction et la malédiction, tombe comme une cicatrice de feu sur l’histoire. Et la nuit même, une lune rouge embrasera le ciel d’Israël. Une lune de sang suspendue au-dessus de Jérusalem, comme si l’univers venait attester que la mémoire n’est pas vaine, que l’épreuve a un sens, que la justice céleste veille encore. Alors le texte ancien et le cosmos se répondent. Les prémices et les malédictions de Ki Tavo s’entrelacent avec la lumière rougeoyante de l’éclipse. Le peuple n’a pas choisi son époque, mais il a choisi de la sanctifier. Dans la douleur, dans le sang, dans l’espérance, il se tient encore comme témoin : témoin de la folie des hommes qui se prosternent devant l’or, témoin de la cruauté des empires sans visage, témoin surtout de la capacité infinie d’Israël à survivre, à se relever, à dire au monde que malgré les ténèbres, le jour reviendra.
Les victimes du 7 octobre, leurs familles, les combattants, ceux qui ont payé le prix de la folie idolâtre, ne sont pas oubliés. Leur sacrifice se lie au ciel, à la terre, à l’histoire. Leurs noms se lèvent avec la lune rouge, se gravent avec les lettres de Ki Tavo, et s’inscrivent dans les sept cents jours qui marquent l’avènement d’un temps nouveau. L’humanité entière est conviée à entendre : l’or passe, mais l’alliance demeure. Et pourtant, Israël n’est pas qu’un témoin du passé. Depuis 1948, la modernité de l’État start-up s’unit aux paroles de nos sages. Nous vivons avec la mémoire de nos anciens, mais nous savons aussi habiter notre époque, inventer, créer, bâtir avec les autres. À l’occasion de ces 700 jours, il nous faut parler, chanter, danser et écrire l’espoir. Ce n’est pas une vocation réservée aux seuls Juifs. Les barbares rêvent d’effacer Israël « from the river to the sea », nous le savons. Mais en réalité leur seul objectif est d’effacer de la carte des vivants celles et ceux qui ne se soumettent pas à leur délire de guerre sainte, qu’ils soient juifs, chrétiens, laïques, athées, libres penseurs ou musulmans, nos sœurs et nos frères.
Nous avons eu vent de l’organisation de plusieurs événements le 7 septembre 2025. Sept cents jours se seront écoulés depuis le 7 octobre 2023, sept cents jours qui ont marqué un tournant, une mémoire commune, une exigence d’espérance. Alors, pourquoi ne pas inviter toutes les femmes et tous les hommes de bien à des actions simples : allumer des bougies, mettre des banderoles, déposer des vidéos sur les réseaux sociaux, inventer, innover, communiquer, parler, chanter, danser, écrire l’espoir ? Un tsadik de nos connaissances nous a même suggéré de donner à ces gestes épars une trace partagée : « utilisons un signe commun dans les méandres d’internet. » Et pourquoi pas #700jours ?
Eden Levi Campana