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Le pape invite à “moins craindre l’islam” : son message de retour du Liban interroge l’Europe

De retour du Liban, le pape a appelé les catholiques à dépasser leurs peurs et à promouvoir la coexistence avec l’islam. Une déclaration qui suscite interrogations et malaise, au regard de l’évolution historique et démographique du Liban.

2 minutes
4 décembre 2025

ParDelphine Miller

Le pape invite à “moins craindre l’islam” : son message de retour du Liban interroge l’Europe
Le Pape Léon XIV

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À son retour à Rome après sa visite au Liban, Pope Leo XIV a lancé un appel à la fois spirituel et politique : inviter les catholiques, inquiets pour l’avenir de l’Occident, à être « moins effrayés par l’islam » et à renforcer la « coexistence » et la « fraternité » entre chrétiens et musulmans. Le souverain pontife est même allé plus loin en appelant l’Europe et l’Amérique du Nord à s’inspirer de l’« expérience libanaise ». Une référence lourde de sens, tant le Liban incarne aujourd’hui un fragile équilibre entre pluralisme et instabilité.

Pendant des décennies, le Liban a été le symbole d’un Proche-Orient ouvert, multiculturel et relativement prospère. Majoritairement chrétien lors du dernier recensement officiel de 1932, le pays était alors un pôle bancaire, universitaire et culturel majeur. Beyrouth était surnommée « le Paris du Moyen-Orient ». Mais la guerre civile (1975-1990), l’exode massif des chrétiens et les bouleversements démographiques ont profondément modifié cette réalité. Aujourd’hui, selon les estimations, les chrétiens ne représenteraient plus qu’un peu plus d’un tiers de la population. Plus d’un demi-million de Libanais ont fui le pays au fil des décennies, en majorité issus des communautés chrétiennes.

À ces évolutions s’ajoute un basculement politique et sécuritaire. L’affaiblissement progressif des institutions, la paralysie chronique du système confessionnel et surtout la montée en puissance du Hezbollah, soutenu par l’Iran, ont durablement transformé le Liban. L’ancienne communauté juive, qui comptait autrefois des dizaines de milliers de membres, a quasiment disparu. Le pays est désormais au cœur des tensions régionales, entre influences iraniennes, pressions internationales et crise économique profonde.

C’est dans ce contexte que l’appel du pape à prendre le Liban comme source d’inspiration suscite perplexité et malaise. Si l’objectif de dialogue interreligieux et d’apaisement est assumé, l’exemple libanais renvoie aussi à un lent effritement d’un modèle fondé, à l’origine, sur la coexistence. Pour de nombreux observateurs, la question n’est pas celle du dialogue en soi, mais celle de sa capacité réelle à préserver durablement les équilibres politiques, culturels et religieux.

Cet appel intervient alors que l’Europe fait face à une montée des tensions identitaires, à une augmentation des actes antisémites et à des défis sécuritaires persistants. Entre idéal de coexistence et réalités démographiques, l’expérience libanaise apparaît aujourd’hui moins comme un modèle rassurant que comme un cas complexe, invitant à une réflexion prudente plutôt qu’à une transposition directe.