Israël

L'ex-otage Eliya Cohen raconte l'indicible et sa tentative d'évasion

Même blessé, affamé, humilié, Eliya n’a jamais cessé d'espérer. Aujourd'hui, plus de 70 jours après sa libération, il se reconstruit et fait des projets.

5 minutes
9 mai 2025

ParNathalie Sosna Ofir

L'ex-otage Eliya Cohen raconte l'indicible et sa tentative d'évasion
Crédit : Forum des familles

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Eliya Cohen a été enlevé au festival de musique Nova et est resté otage du Hamas pendant 505 jours.

Réunis enfin avec ses parents après 505 jours, crédit : Tsahal

Il confie qu'il n’oubliera jamais le sourire sadique du terroriste qui a pénétré dans l’abri pour le kidnapper. "On était près de 30 dans un petit espace où des dizaines de grenades ont explosé. Aner Shapira, ce héros, se tenait à l’entrée. Moi, j’étais à l’intérieur, enseveli sous les corps. Quand il a été touché, j’ai compris que personne n’en sortirait vivant. Les terroristes sont entrés, j’ai fermé les yeux, persuadé qu’ils allaient tous nous abattre. Quand je les ai rouverts, j’ai vu un terroriste me tendre la main."

"Il a dû déplacer des corps pour m’extraire", poursuit-il. "Son sourire… c’est un moment qu’on ne peut pas effacer. Je ne comprends pas comment un être humain, avec un cœur et une âme, peut entrer dans un tel carnage, voir des corps mutilés, du sang partout, et sourire en filmant. Ce jour-là me hantera toute ma vie. Au début de ma captivité, je faisais des cauchemars récurrents. Je me réveillais en sursaut, comme si on me tirait une balle dans la tête. Mon corps était en état de choc."

Après l’enfer du kidnapping, a commencé une descente aux enfers de 18 mois, entre bombardements, faim permanente, humiliations et peur. La cache dans laquelle il était retenu a été ciblée par des frappes. Ses ravisseurs le menaçaient de l’exécuter si Tsahal s’approchait. Pourtant, renoncer n’était pas une option. "Je n’ai jamais envisagé de craquer", dit-il.

Il repousse pour l’instant les opérations nécessaires à sa jambe blessée d’une balle dès l’attaque de l’abri. "On m’a extrait la balle avec une pince à épiler et du fil à coudre, avant de m'endormir par injection. Physiquement, je suis encore blessé : plus de ligaments aux épaules, je les déboîte même en dormant, et je les remets moi-même. J’ai aussi des problèmes aux genoux et une perte d’audition."

C’est justement le jour de cette extraction que les ravisseurs ont annoncé une frappe imminente, et ont conduit les otages dans un sous-sol. La maison a été pulvérisée. "C’était notre premier jour à Gaza."

C’est à ce moment que s’est présentée une occasion d’évasion : "Encore une fois, on nous a dit qu’un bombardement arrivait. Les gardiens ont paniqué et nous ont laissés seuls. J’ai regardé les autres, je ne connaissais même pas encore leurs noms, et je leur ai dit : 'On s’enfuit, vous êtes sérieux ?'. C’était un instinct, une intuition. Et on s’est mis à courir dans la rue."

Mais la tentative a échoué. Un habitant de Gaza les a reconnus comme juifs. "Le propriétaire qui nous surveillait a retrouvé l’endroit et s’est disputé avec lui. Finalement, il nous a cachés dans une épicerie. Les bombardements ont repris. On est retournés à la maison détruite, on est resté pendant deux mois sur les décombres avant d'être emmenés dans un tunnel."

"Tout explosait autour de nous, les murs s’écroulaient. On nous a descendus dans un tunnel par une mosquée. Dès notre arrivée à Gaza, je me demandais quand on nous y amènerait. Là au moins, je me sentais un peu plus en sécurité, loin des missiles."

Mais même dans les tunnels, la brutalité était omniprésente. "Il faut le dire : à Gaza, tout le monde soutient ce qu’ils font. J’ai vu des enfants aller à l’école le matin avec un cartable, et l’après-midi porter des armes. Les terroristes nous haïssaient, mais ne pouvaient pas encore nous tuer – c’était leur jeu. On recevait des coups, des insultes, des humiliations. Pour eux, on était tous des soldats. On parle des blessures, des chaînes… mais le pire, c’était la faim, je n’ai pas de mots pour décrire à quel point c’était insupportable. C’est comme faire Yom Kippour pendant des mois. Et au moment de 'rompre' le jeûne, tu partages une pita à quatre. Il n’y avait presque pas d’eau non plus."

Et il y avait la torture psychologique. "Ils te harcelaient : 'Quand tu rentres chez toi ?', 'Guilad Shalit est resté cinq ans ici, t’as le temps'. Ils se moquaient. C’est une guerre mentale, minute après minute. Tu manges un bout de pita, et tu réalises que tu dois tenir encore demain, et après-demain…"

Il évoque aussi les violences physiques : "Une fois, un terroriste a appris que sa famille avait été tuée dans une frappe. Il a fait irruption dans notre pièce et a tout cassé. Un autre moment marquant, c’était le 91e jour. Ils nous ont dit que Tsahal essayait de libérer des otages, et que si les soldats arrivaient, ils nous tueraient avant d’aller se battre. Ce jour-là, j’étais allé aux toilettes, j’ai vomi – ils nous avaient donné de la nourriture sortie des poubelles. J’étais malade, mes jambes étaient attachées."

Aujourd'hui, plus de 70 jours après sa libération, Elia se reconstruit, fait du bénévolat auprès d’enfants atteints de cancer, plonge en mer, rêve d’études en psychologie, de mariage, d’ enfants.

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