Sécurité

Pourquoi l'Iran attaque surtout la nuit?

La quasi-totalité des attaques iraniennes depuis le début de la guerre a eu lieu la nuit. Pourquoi?

3 minutes
16 juin 2025

ParGuitel Benishay

Pourquoi l'Iran attaque surtout la nuit?
Photo by Chaim Goldberg/Flash90

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Au cours des dernières 24 heures, l’Iran a de nouveau intensifié ses attaques contre Israël en lançant plusieurs salves de missiles, essentiellement après la tombée de la nuit. Ce schéma n’est pas inédit : on se souvient de la nuit du 13 au 14 avril 2024, marquée par le tir de plus de 300 missiles et drones, ou encore des frappes menées en octobre, jusqu’aux attaques les plus récentes.

Ce choix délibéré de mener les offensives à des heures nocturnes semble, selon toute vraisemblance, reposer sur un calcul tactique et systémique. Quelle logique sous-tend cette stratégie temporelle, et en quoi sert-elle les intérêts de Téhéran ?

Israël dispose de l’un des systèmes de défense aérienne les plus avancés au monde, reposant sur une architecture multicouche : le Dôme de fer contre les roquettes à courte portée, Fronde de David pour les missiles tactiques, et les systèmes Arrow 2 et 3 pour les missiles balistiques exo-atmosphériques. Ces dispositifs reposent sur une combinaison de radars sophistiqués et de capteurs électro-optiques. Toutefois, les conditions de faible visibilité — absence de lune ou couverture nuageuse dense — peuvent altérer, ne serait-ce que partiellement, leurs capacités de détection et de discernement.

Dans de telles circonstances, le traitement de l’information devient plus complexe et peut générer des retards critiques de quelques secondes dans les réponses d’interception — un délai qui, en situation de saturation, peut faire toute la différence entre neutralisation et impact.

Les systèmes destinés à intercepter des missiles lourds nécessitent une double validation : radar et capteurs thermiques. Or, ces derniers, bien que plus sensibles la nuit, peuvent entraîner un allongement du cycle décisionnel, forçant parfois à transférer la menace vers une autre couche défensive. Conséquence : des retards d’interception de 2 à 3 secondes, qui peuvent s’avérer décisifs.

L’intention iranienne est claire : saturer les systèmes défensifs israéliens par un tir massif de missiles et de drones dans un laps de temps court, dans le but de dépasser leur capacité d’interception.

Plus le volume de l’attaque est important, plus les probabilités qu’un missile perce les couches successives de défense augmentent.

À cette dimension opérationnelle s’ajoute un aspect économique non négligeable : chaque intercepteur coûte plusieurs dizaines de milliers de dollars, certains atteignant des montants bien supérieurs. Une seule nuit d’attaques peut ainsi représenter un coût financier colossal pour Israël, transformant la tactique de saturation iranienne en une véritable guerre d’usure économique.

Enfin, la portée psychologique de ces frappes nocturnes est loin d’être négligeable. Le réveil brutal des civils au son des sirènes et des explosions alimente un sentiment d’insécurité et de peur, que les Iraniens cherchent sciemment à amplifier. Il s’agit là d’un levier stratégique destiné à accroître la pression interne en Israël sans pour autant recourir à des frappes d’une précision chirurgicale.

Tous ces facteurs — sans remettre en cause l’efficacité de la défense israélienne — contribuent à une forme de vulnérabilité temporaire et localisée. Ils figurent d’ailleurs dans les analyses de think tanks tels que le RAND ou le CSIS, et expliquent en partie pourquoi Israël investit de manière croissante dans le développement de technologies nocturnes et dans l’automatisation complète de ses systèmes d’interception.

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