Dans un entretien accordé au média israélien Ynet, Robert Ejnes, directeur exécutif du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), a fait part du sentiment d’insécurité croissant parmi les Juifs de France, ainsi que de la frustration engendrée par l’annonce du président Emmanuel Macron, qui envisage de reconnaître un État palestinien dès septembre prochain.
Robert Ejnes rappelle qu'une hausse significative des actes antisémites a été constatée depuis les attaques du 7 octobre et pointe du doigt la responsabilité de partis comme LFI : « L’extrême gauche a fait de la question de Gaza un axe central de sa stratégie politique, en diffusant une rhétorique hostile à Israël et, par ricochet, aux Juifs », a-t-il affirmé. « Cela a conduit à une multiplication des agressions antisémites. Dans les zones à forte population juive, le sentiment d’insécurité est palpable. »
Face à cette situation, de nombreux membres de la communauté juive envisagent l'alya. « Je ne connais aucune famille qui n’en parle actuellement », déclare le directeur exécutif du CRIF. « Cela ne signifie pas que toutes passeront à l’acte – la décision est difficile – mais la question est sérieusement envisagée. Nous vivons en France depuis plus de 2000 ans, avec un profond attachement à ce pays. Même après l’affaire Dreyfus ou la Shoah, les Juifs ont continué à y vivre. »
Concernant l’intention affichée par le président Macron de reconnaître un État palestinien, Robert Ejnes a rappelé que le CRIF avait déjà exprimé son opposition il y a plusieurs mois : « Nous avions qualifié cette annonce d’erreur politique, diplomatique et morale, et d’un risque majeur. À nos yeux, cela reviendrait à légitimer le terrorisme du Hamas. Maintenant qu’une date précise est évoquée, notre désaccord est d’autant plus fort. »
La communauté juive, a-t-il ajouté, a du mal à comprendre une telle décision : « Nous y voyons une forme de reconnaissance implicite des attaques du 7 octobre. Ce point de vue est d’ailleurs partagé par certains dirigeants du Hamas eux-mêmes, qui l’ont exprimé récemment. »
Des démarches ont été entreprises pour tenter de convaincre le chef de l’État français de revenir sur sa décision. « Les représentants des institutions juives, ainsi que le grand rabbin de France, se sont entretenus directement avec Emmanuel Macron et plusieurs ministres. Aucun des interlocuteurs présents lors de ces échanges n’a estimé que cette reconnaissance constituait une réponse pertinente au conflit au Proche-Orient. Pourtant, le président n’a pas infléchi sa position. »
Selon Ejnes, cette orientation politique risque de fragiliser les liens entre l’État et les citoyens juifs français : « En prenant cette décision, le président offre une victoire symbolique au Hamas et à l’extrême gauche – qui ont d’ailleurs été les premiers à le féliciter. Si un sondage était réalisé au sein de la communauté juive, ce choix recueillerait peu de soutien. Nous n’oublions pas l’engagement passé d'Emmanuel Macron contre l’antisémitisme, ni le rôle qu’il a joué lors de la cérémonie en mémoire des victimes du 7 octobre. Mais aujourd’hui, nous considérons que sa décision alimente, indirectement, l’antisémitisme. »
Les chiffres officiels confirment cette tendance préoccupante : la France a enregistré 1 676 incidents antisémites en 2023, contre 1 570 l’année précédente. Le nombre d’agressions physiques à caractère antisémite est également en hausse en 2024, avec 106 cas recensés contre 85 en 2023.
436 incidents antisémites avaient été signalés en 2022 et 563 sur le seul mois d'octobre 2023 ; 157 en octobre 2024.
Dans ce contexte, l’Agence juive a d’ailleurs rapporté une hausse de près de 400 % des dossiers de demande d’alya depuis le déclenchement de la guerre.