Le 8 août, le chancelier conservateur allemand Friedrich Merz a surpris en annonçant la suspension partielle des livraisons d’armes à Israël, rompant ainsi avec la tradition historique de soutien de Berlin à l’État hébreu. Cette décision, qualifiée d’historique, provoque aujourd’hui une vive contestation dans son propre camp politique, tandis que la presse allemande est fortement divisée.
Au lendemain de cette annonce, le constat est clair : « D’abord la volte-face, puis la révolte », résume Der Spiegel, soulignant le choc provoqué par ce revirement majeur dans la politique étrangère allemande. La Süddeutsche Zeitung rapporte que la décision de Merz « a suscité une opposition farouche au sein de la CDU-CSU », son propre parti, et même la CSU bavaroise n’a pas manqué de faire entendre ses critiques.
Plus surprenant, Friedrich Merz aurait choisi de ne pas informer les instances internes de cette inflexion politique, ajoutant ainsi une couche d’indignation à la surprise. Le président de la commission des affaires étrangères du Bundestag, Roderich Kiesewetter, a qualifié cette suspension de « grave erreur politique et stratégique ». Johannes Winkel, responsable de la jeunesse CDU-CSU, n’a pas résisté à une pointe d’ironie sur X : « Israël fait le sale boulot à notre place » — référence à une précédente déclaration de Merz — « mais sans les armes allemandes. »
Cette pression pour un embargo partiel sur les armes, qui montait depuis plusieurs mois, y compris au sein du SPD, partenaire de la coalition gouvernementale, a visiblement pesé dans la balance. Der Spiegel résume ainsi : « Merz a cédé à la pression ». Parmi les raisons possibles de ce changement, le contrôle annoncé par le gouvernement Netanyahu de la bande de Gaza, avec ses risques d’aggravation de la crise humanitaire, aurait constitué une « ligne rouge » pour le chancelier. Du côté israélien, Benyamin Netanyahu a exprimé sur X sa déception, qualifiant la décision allemande de « récompense pour le terrorisme du Hamas », selon Die Zeit.
Dans la presse allemande, les opinions s’opposent frontalement. Jan Philipp Burgard, rédacteur en chef de Die Welt, dénonce « l’erreur historique de Friedrich Merz » et estime que cette suspension « constitue un non-assistance à personne en danger » et « renforce indirectement le Hamas ». Il rappelle que le soutien à Israël est une « raison d’État », ancrée dans la responsabilité historique allemande liée à la Shoah.
À l’opposé, Die Tageszeitung, quotidien de gauche, juge la mesure « bonne, mais insuffisante et bien trop tardive ». Selon lui, l’Allemagne s’est trop longtemps accrochée à une illusion d’influence sur Netanyahu, préconisant désormais des sanctions plus dures contre le gouvernement israélien.
Mais qu’en est-il de l’impact concret sur le terrain ? Der Spiegel reste sceptique : « Décision historique certes, mais qui ne devrait guère changer la donne à Gaza. » La majorité des livraisons d’armes les plus sensibles, comme les munitions ou les systèmes d’artillerie, avaient déjà été suspendues sous la pression de l’opinion publique allemande, moins favorable à un soutien inconditionnel à Israël.
Le gel partiel des exportations vise principalement des équipements comme des systèmes de communication pour chars ou des pièces de rechange pour hélicoptères. Une mesure symbolique, certes, mais qui ne bouleversera probablement pas la dynamique sur le terrain.