Depuis l’attaque du 9 septembre à Doha et les promesses répétées de l’État hébreu de pourchasser les chefs du Hamas « partout où ils se trouvent », Ankara se sent directement visée. Plusieurs figures du mouvement, déjà priées de quitter Istanbul après le 7 octobre 2023, continuent d’y séjourner, tandis que d’autres songeraient à s’y réfugier après les frappes en Iran et au Qatar.
« Israël bombarderait-il la Turquie ? », interroge le journaliste turc Murat Yetkin, rappelant que l’ancien leader du Hamas, Ismaïl Haniyeh, avait été contraint de quitter Istanbul par crainte d’un incident diplomatique avant d’être finalement éliminé en Iran en 2024.
Au-delà du choc diplomatique, un tel scénario poserait une question explosive : comment réagirait l’Alliance atlantique si l’un de ses membres était frappé par Israël ? Les médias turcs soulignent que l’éventualité reste faible mais Ankara n’écarte pas totalement l’hypothèse.
Selon la presse turque, les autorités ont lancé une campagne nationale de construction de bunkers souterrains et accéléré le développement de leurs capacités balistiques et de défense antiaérienne.
Les services turcs et israéliens ont longtemps travaillé main dans la main – du rôle décisif joué en 1999 lors de la capture d’Abdullah Öcalan à l’opération conjointe de 2022 qui permit de déjouer un projet iranien visant des touristes israéliens à Istanbul.
Mais depuis la guerre à Gaza, le climat s’est dégradé. Ankara multiplie les arrestations de personnes soupçonnées de collaborer avec le Mossad. En juin dernier, un citoyen turc et un ressortissant kosovar ont été inculpés pour financement présumé d’opérations israéliennes en Turquie, avec à la clé des réquisitions allant jusqu’à trente-cinq ans de prison.
Recep Tayyip Erdogan, lui, ne mâche pas ses mots : « Ceux qui imaginent commettre des assassinats sur notre sol paieront le prix fort ». Une ligne rouge que la presse pro-gouvernementale relaie avec emphase, en assurant que les services turcs disposent désormais de moyens technologiques capables de déjouer les plans de l’État hébreu.
Certains titres, comme le quotidien Sabah, vont jusqu’à affirmer que ce sont justement les services turcs qui auraient aidé à déjouer les frappes israéliennes de Doha, en alertant les responsables du Hamas quelques minutes avant leur élimination. Une version invérifiable mais largement reprise dans les médias proches du pouvoir, qui envoient un message clair : la Turquie se considère prête, militairement et diplomatiquement, à bloquer toute tentative israélienne sur son sol.