Sécurité

Une nouvelle guerre Israël/Iran ? Oui, mais pas de suite

À Téhéran, le régime craint qu’Israël ne cherche à « terminer ce qu’il a commencé », autrement dit à renverser la République islamique, le guide suprême Ali Khamenei fait face à un dilemme : ouvrir des négociations avec les États-Unis ou restaurer les capacités militaires détruites pendant la guerre des douze jours et menacer à nouveau Jérusalem, Israël surveille.

5 minutes
13 novembre 2025

ParNathalie Sosna Ofir

Une nouvelle guerre Israël/Iran ? Oui, mais pas de suite
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Ce qui se passe aujourd’hui en Iran ressemble beaucoup à la situation du Liban – presque un miroir.
D’un côté, des voix de plus en plus nombreuses à Téhéran réclament la reprise de pourparlers avec Washington, notamment sur le démantèlement du programme nucléaire et balistique, afin de faire face à la grave crise économique et à la pénurie d’eau qui menace la survie du régime. De l’autre, les conservateurs exigent vengeance pour « l’humiliation » subie pendant la « guerre des douze jours » et poussent le guide suprême Ali Khamenei à ordonner une reconstruction accélérée des capacités militaires perdues pour pouvoir de nouveau menacer Israël.

Dans les deux camps – modérés comme ultraconservateurs – un même sentiment d’alarme prévaut : Israël pourrait profiter du fait que la guerre a anéanti l’essentiel du réseau de défense aérienne iranien, qui protégeait le pays d’éventuelles frappes, pour tenter de « terminer le travail » — c’est-à-dire faire tomber le régime des ayatollahs. Cette option aurait été envisagée mais stoppée à la demande du président américain Donald Trump dans les derniers jours de l’opération « Am Ke'Lavi ».

À Jérusalem, l’armée et les services de renseignement suivent de très près l’activité militaire iranienne, redoutant une mauvaise interprétation ou une escalade involontaire.

En pratique, Khamenei semble actuellement opter pour la ligne dure, guidée par les Gardiens de la Révolution. Malgré les efforts discrets et publics de l’administration Trump pour relancer des pourparlers sur le nucléaire et les missiles, le guide suprême refuse toute négociation, même secrète, y compris via des pays médiateurs comme Oman, le Qatar ou des États européens. Washington a combiné promesses d’allègement des sanctions et pressions économiques, sans résultat. Khamenei déclare ouvertement qu’il ne fait plus confiance aux États-Unis depuis que l’installation nucléaire de Fordow a été bombardée conjointement par Israël et l’armée américaine : « J’ai perdu toute confiance en eux », aurait-il confié à ses proches, selon la télévision iranienne.

En Israël, certains estiment que faute d’accord diplomatique durable, empêchant la reconstitution d’un arsenal nucléaire et balistique, une nouvelle confrontation militaire sera inévitable.
Un haut responsable sécuritaire a confié : « Nous surveillons chaque jour la situation en Iran. Si Téhéran franchit les lignes rouges que nous nous sommes fixées, nous agirons sans hésitation pour neutraliser la menace. »

Pour l’heure, ni Washington ni Jérusalem ne perçoivent de signes immédiats de représailles iraniennes, ni de préparation d’une frappe contre Israël pour venger la défaite d’“Am Ke'Lavi”.

Selon des sources américaines et arabes, l’Iran n’a pas relancé ses efforts d’enrichissement.
Bien que le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi continue d’affirmer que « le droit de Téhéran à enrichir de l’uranium n’est pas négociable », le pays dispose déjà d’environ 400 kg d’uranium enrichi à 60 % et de plusieurs centaines de kilos à 20 %. Israël n’a ni bombardé ni détruit ces stocks, enfouis profondément sous terre, notamment pour éviter un risque de contamination radioactive en cas de frappe directe. En théorie, ces réserves permettraient à l’Iran de fabriquer jusqu’à cinq bombes nucléaires, bien que cela reste hypothétique pour l’instant.

Les renseignements israéliens notent que Téhéran concentre désormais ses efforts sur la défense aérienne et les missiles balistiques. Les Iraniens cherchent à acquérir des systèmes de défense longue portée auprès de la Chine, de la Russie, de la Corée du Nord ou de tout autre fournisseur, mais sans grand succès.
Moscou garde pour elle ses propres batteries, et Pékin ne souhaite pas violer la résolution du Conseil de sécurité interdisant la vente d’armes à l’Iran. L’Iran tente donc de produire localement ses propres systèmes, copies des S-300 et S-400 russes, mais fait face à des pénuries de composants et de matières premières.

Parallèlement, le pays s’efforce de restaurer son arsenal de missiles balistiques, en s’appuyant là aussi sur des partenaires étrangers. Téhéran a récemment dévoilé de nouveaux prototypes censés déjouer les défenses israéliennes et américaines, mais selon les experts israéliens, la production reste limitée et encore loin des niveaux d’avant-guerre.

L’Iran n’a pas renoncé à sa stratégie d’influence régionale : il continue de financer et d’armer ses alliés, notamment le Hezbollah au Liban. Mais ces opérations rencontrent elles aussi des difficultés logistiques et financières. Des responsables iraniens ont averti que si Israël attaquait le Hezbollah – ou si le Hezbollah frappait Israël – l’Iran interviendrait directement. Certains observateurs y voient de simples rodomontades, mais les services de renseignement israéliens prennent ces menaces au sérieux.

Ces déclarations ont poussé le ministère de la Défense israélien à accélérer le développement de nouveaux systèmes d’alerte, de renseignement, de défense aérienne et d’armements offensifs, pour un coût de plusieurs milliards de shekels. À Jérusalem comme au quartier général de Tsahal à Tel-Aviv, on espère que cette montée en puissance dissuadera Téhéran d’attaquer. Mais la conviction grandit qu’un nouveau cycle de guerre avec l’Iran est presque inévitable, même s’il ne surviendra pas dans l’immédiat.

Cette anticipation pèse déjà sur le débat budgétaire entre le ministère des Finances et la Défense concernant le budget 2026 : chaque retard dans l’achat ou la production d’armements pourrait laisser Israël vulnérable lorsque la prochaine confrontation éclatera.

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