Une nouvelle étude géologique et archéologiquedirigée par Adi Sela Wiener, du Bezalel Academy of Arts and Design à Jérusalem et de l’Université Sapienza de Rome, a permis de cartographier des dizaines de carrières antiques cachées sous Jérusalem contemporaine. Ces excavations, longtemps invisibles, décrivent comment les bâtisseurs ont extrait la célèbre “pierre de Jérusalem”, cette signature architecturale qui continue de définir la silhouette de la capitale. L’article scientifique a été publié dans la prestigieuse revue Heritage. Les chercheurs ont analysé 117 rapports de fouilles de l’Autorité israélienne des Antiquités IAA-,et identifié 39 sites présentant des traces claires d’extraction de pierre dans les limites municipales actuelles de la ville.

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Les auteurs décrivent un véritable “voyage lithique” : repérage des couches rocheuses adaptées, extraction, taille, puis transport des blocs vers les chantiers urbains. Leur étude se concentre sur les premières étapes du processus, en cartographiant les lieux où les carrières furent ouvertes dans les frontières contemporaines de Jérusalem. L’esthétique si particulière de la ville, rappellent-ils, découle autant de la géologie des montagnes de Judée que de choix politiques, notamment l’“Ordonnance de la pierre” de 1918, imposée sous mandat britannique et exigeant un revêtement en pierre pour de nombreuses façades. L’étude inventorie aussi le vocabulaire des tailleurs de pierre, avec des termes encore employés comme “mizzi hilu” ou “meleke”, désignant des calcaires spécifiques utilisés pour le pavage ou les pierres de taille soignée.
La plus forte concentration de carrières se trouve dans le nord de Jérusalem : 14 des 39 sites, soit 36 % du total. Ces grandes et très grandes carrières ont été ouvertes dans les calcaires denses du Turonien, formation géologique du groupe de Judée, réputée pour produire une pierre de construction de grande qualité. Dans 90 % des sites, les archéologues ont repéré des marques techniques d’extraction : canaux de séparation, traces de coupe, et dans 68,5 %, des blocs partiellement dégagés mais encore attachés au substrat rocheux. Les dimensions des blocs varient fortement d’un même front de taille à l’autre, témoignant de besoins architecturaux très divers.
La datation, souvent complexe, a pu être estimée dans environ 80 % des cas. Les carrières s’échelonnent de l’âge du Fer II à l’époque du Second Temple, puis aux périodes romaine, byzantine, et jusqu’au début de l’époque islamique. Plusieurs sites montrent des traces d’utilisation continue ou réactivée sur plusieurs périodes. Environ trois quarts des carrières ont été découvertes lors de fouilles de sauvetage menées avant des projets immobiliers ou d’infrastructure, soulignant le lien étroit entre le développement moderne et la mise au jour d’éléments archéologiques.
Les traces d’extraction repérées sur 90 % des sites, combinées aux pierres encore en place, offrent une vision technique précieuse : celle du travail des artisans qui ont littéralement transformé les montagnes en blocs destinés aux murs, maisons et lieux saints de Jérusalem.