Les revenus des entreprises de défense ont progressé de 5,9 % en un an, reflet d’une vague de réarmement mondiale. L’année 2024 n’aurait été qu’un avant-goût : en mars, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a présenté un plan européen de réarmement de 800 milliards d’euros, affirmant : « Nous sommes entrés dans une ère de réarmement. » En juin, les États membres de l’OTAN ont décidé de relever leur objectif de dépenses militaires de 2 % à 5 % du PIB d’ici 2035. Les entreprises européennes en profitent pleinement : 26 sociétés du continent figurent dans le classement et totalisent 151 milliards de dollars, soit une hausse de 13 %. La plus spectaculaire revient au groupe tchèque Czechoslovak Group, qui bondit de 193 % grâce aux livraisons d’armement à l’Ukraine.
Les entreprises allemandes ont vu leurs revenus grimper de 36 % pour atteindre 14,9 milliards de dollars. Rheinmetall, désormais 20ᵉ mondiale, affiche une hausse de 50 %. L’Ukraine, quant à elle, a augmenté sa production d’armement de 41 %, atteignant 3 milliards de dollars.
L’Asie en pleine réorganisation stratégique
La montée des tensions en Asie – Taiwan, Inde/Pakistan – alimente également la demande. Paradoxalement, la Chine enregistre une baisse notable de 10 % de ses revenus dans le domaine de l’armement, une conséquence directe de la vaste campagne anticorruption menée au sein de l’armée, qui a entraîné limogeages et purges. En revanche, ses voisins en profitent : le Japon : +40 %, 13,3 milliards de dollars, la Corée du Sud : +31 %, 14,1 milliards de dollars
Les États-Unis toujours ultra-dominants
Les entreprises américaines représentent 39 des 100 groupes du classement et totalisent 334 milliards de dollars, soit près de la moitié du marché mondial. Les trois géants – Lockheed Martin, RTX et Northrop Grumman – conservent la tête du secteur. Pour la première fois depuis 2018, les cinq plus grandes entreprises américaines enregistrent toutes une hausse de leurs revenus. Cependant, plusieurs programmes restent entachés de retards et dépassements budgétaires, notamment le F-35 et les sous-marins nucléaires Columbia. À noter : SpaceX entre pour la première fois dans le classement grâce au doublement de ses revenus militaires -1,8 milliard de dollars.
La Russie progresse malgré les sanctions
Malgré les sanctions occidentales, les entreprises russes Rostec et United Shipbuilding affichent une augmentation de 23 % de leurs revenus -31,2 milliards de dollars. La demande intérieure liée à la guerre en Ukraine compense largement la chute des exportations. Le rapport souligne toutefois les difficultés à recruter du personnel qualifié, sur fond de corruption endémique dans le secteur.
Un Moyen-Orient en plein essor militaire
Le réarmement touche aussi le Moyen-Orient : neuf entreprises de la région figurent désormais dans le classement, avec 31 milliards de dollars cumulés — dont plus de la moitié provient des entreprises israéliennes qui n’ont quasiment pas été affectées par les appels au boycott liés à la guerre à Gaza. Elles ont totalisé environ 16,2 milliards de dollars de revenus en 2024.
Elbit Systems, première entreprise israélienne du secteur, se classe au 25ᵉ rang mondial avec 6,28 milliards de dollars de revenus, soit une hausse de 17 %. Spécialisée dans les drones, l’optronique et la vision nocturne, elle a notamment signé en novembre un contrat colossal de 2,3 milliards de dollars, l’un des plus importants de son histoire.
IAI -Industrie aérospatiale israélienne- arrive au 31ᵉ rang avec 5,19 milliards de dollars, en progression de 16 %. Elle profite largement de la méga-commande allemande pour le système antimissile “Arrow 3”, d’une valeur de 3,5 milliards de dollars, la plus grande transaction de défense jamais conclue par Israël.
Rafael enregistre la plus forte croissance : +26 %. Classée 34ᵉ, elle atteint 4,7 milliards de dollars grâce à ses systèmes d’interception (Dôme de fer), ses missiles Spike et d’autres équipements stratégiques. La Turquie y est représentée par cinq sociétés totalisant 10,1 milliards de dollars. Les Émirats arabes unis, avec le groupe EDGE -37ᵉ-, atteignent 4,7 milliards de dollars.
Une tendance appelée à se poursuivre
L’année 2025, encore plus instable – guerre en Ukraine, conflit Inde-Pakistan, tensions accrues autour de Taiwan, crises africaines et effondrement du Venezuela – devrait amplifier ce mouvement.
Partout, les États se préparent à la possibilité d’un conflit régional majeur : un scénario qui n’apparaît plus théorique, mais comme un risque réel, aux portes mêmes de nombreuses puissances.