Israël

Gaza, 2005–2025 : l’après-retrait passé sous silence

Vingt ans après le retrait total d’Israël de la bande de Gaza, les débats internationaux continuent d’éluder une séquence décisive : celle des choix politiques et stratégiques opérés après ce départ.

3 minutes
26 décembre 2025

ParDelphine Miller

Gaza, 2005–2025 : l’après-retrait passé sous silence
Protestation contre le retrait de Gaza en 2005

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En août 2005, Israël met fin à toute présence dans la bande de Gaza dans le cadre du plan de désengagement décidé par le gouvernement d’Ariel Sharon. Ce retrait ne se limite pas à un redéploiement militaire : il implique l’évacuation complète du Goush Katif, un ensemble de 21 localités juives établies depuis les années 1970 dans le sud du territoire. En quelques semaines, près de 8 000 Israéliens sont expulsés de leurs maisons par les forces de sécurité israéliennes, mettant fin à des communautés entières, à leurs synagogues et à une activité agricole parmi les plus développées de la région.

Evacuation du Gush Katif en 2005

Ce retrait est total, irréversible et réalisé sans accord politique avec l’Autorité palestinienne ni mécanisme international de supervision durable. À l’issue de l’opération, aucune implantation civile ou militaire israélienne ne subsiste à l’intérieur de Gaza. Les frontières internes disparaissent. Pour la première fois depuis des décennies, le territoire se retrouve face à une possibilité rare au Moyen-Orient : celle d’une autonomie territoriale complète, sans présence israélienne sur le terrain.

Ce moment charnière aurait pu constituer le point de départ d’un projet institutionnel, économique et civil. Mais dès les années suivantes, une autre trajectoire s’impose. Après la victoire du Hamas aux élections palestiniennes de 2006, puis sa prise de contrôle violente de Gaza en 2007, le territoire bascule dans une logique de militarisation structurante.

Les espaces libérés ne sont pas investis par des institutions civiles, mais par des arsenaux. Tunnels, stocks d’armes, roquettes et infrastructures militaires prennent progressivement le pas sur les investissements économiques durables. Selon des rapports récurrents de l’ONU et de la Banque mondiale, une part significative des ressources disponibles est orientée vers l’effort militaire, au détriment de secteurs essentiels comme l’eau, l’énergie ou la santé.

Parallèlement, le retrait de 2005 entraîne un affaiblissement durable de la capacité de renseignement à l’intérieur de Gaza. Selon une enquête publiée fin décembre 2025 par Israel National News, citant des sources sécuritaires israéliennes, les services de renseignement israéliens ne disposaient, depuis le désengagement, d’aucun agent significatif au sein de la direction du Hamas. Cette absence d’infiltration à haut niveau a contribué à une sous-estimation de la montée en puissance militaire du mouvement islamiste sur près de deux décennies.

Cette séquence est pourtant largement absente du discours international dominant. Les analyses contemporaines de la situation à Gaza se concentrent sur les conséquences humanitaires, sans toujours rappeler la chaîne de décisions politiques et idéologiques qui y a conduit. Or, la question de la responsabilité ne peut être dissociée de celle de l’intention stratégique. La militarisation n’a pas été une fatalité imposée de l’extérieur, mais un choix politique assumé par le Hamas, dont la confrontation armée constitue le cœur du projet.

Ce choix a eu des conséquences durables. Pour Israël, il s’est traduit par des milliers de tirs de roquettes visant des civils. Pour la population de Gaza, il a conduit à une spirale de conflits, de restrictions et d’effondrement économique, dans laquelle les civils paient le prix d’une stratégie fondée sur la guerre permanente.

À l’échelle globale, l’exemple de Gaza pose une question plus large, souvent évacuée : que vaut l’indépendance territoriale lorsqu’elle est immédiatement mise au service d’un projet idéologique militarisé ? Et comment analyser honnêtement le conflit sans revenir à ce moment fondateur de 2005, qui éclaire directement les responsabilités, les intentions et les conséquences observées jusqu’en 2025 ?

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