International

La visite du vice-ministre arménien des Affaires étrangères en Israël

De la montée des actes antisémites à Erevan aux tensions autour d’un projet immobilier dans la Vieille Ville, en passant par la proximité stratégique entre l’Arménie et l’Iran : la visite de Vahan Kostanyan a ouvert un dialogue prometteur… mais semé d’embûches.

3 minutes
27 novembre 2025

ParNathalie Sosna Ofir

La visite du vice-ministre arménien des Affaires étrangères en Israël
Istock

Désolé, votre navigateur ne supporte pas la synthèse vocale.

Le vice-ministre arménien des Affaires étrangères, Vahan Kostanyan, est en visite officielle en Israël, une visite destinée à relancer un rapprochement diplomatique entre les deux pays. Les deux capitales affichent leur volonté de tourner la page des incompréhensions accumulées ces dernières années, mais les dossiers sensibles s’invitent dans chaque échange.

Au centre des discussions figure le projet de corridor régional TRIPP, autrefois porté par l’Azerbaïdjan et désormais soutenu publiquement par le président américain Donald Trump et plusieurs responsables à Washington.
Pour Jérusalem, ce corridor pourrait créer une nouvelle architecture de coopération régionale. Pour Erevan, il constitue une opportunité stratégique… mais aussi une source de prudence, compte tenu du soutien actif d’Israël à l’Azerbaïdjan dans les années de guerre au Karabakh.

Dossier n°1 : il concerne l’augmentation des actes antisémites à Erevan. Tentatives d’incendie, tags menaçants, dégradations de lieux communautaires : une série d’attaques a alerté Israël.
Certains auteurs affirment agir en réaction aux ventes d’armes israéliennes à Bakou. Une étude de l’ADL a par ailleurs souligné la prévalence d’attitudes antisémites dans la population.
Si la communauté juive d’Arménie insiste sur sa liberté de culte et nie toute hostilité de l’État, Jérusalem s’inquiète du décalage entre ces assurances et la réalité sur le terrain.

Le second point de tension se situe dans la Vieille Ville. L’annulation d’un projet immobilier porté par un promoteur israélien sur un terrain loué par le Patriarcat arménien a déclenché une tempête politique.
Accusations d’« épuration ethnique », protestations internationales, amalgames avec la guerre à Gaza : l’affaire a pris des proportions inattendues.
Israël rejette cette lecture et rappelle qu’il s’agit d’un litige civil interne à l’Église arménienne, sans implication gouvernementale.

Dernier point – et non des moindres : les liens stratégiques entre Erevan et Téhéran. Isolée géographiquement depuis la conquête du Haut-Karabakh par Bakou, l’Arménie dépend largement de l’Iran pour son énergie et son commerce, estimé à 700 millions de dollars annuels.
Des documents occidentaux évoquent l’utilisation potentielle du territoire arménien pour contourner les sanctions ; Erevan dément. D’autres rumeurs évoquant des livraisons de drones iraniens ont également été formellement rejetées par le gouvernement arménien.
À Israël, ce dossier reste ultrasensible.

À ces tensions bilatérales s’ajoute l’influence du lobby arménien aux États-Unis, très critique de l’alliance sécuritaire israélo-azerbaïdjanaise et déterminé à conditionner l’aide américaine à Israël à un changement de politique dans le Caucase.

La visite de Vahan Kostanyan prend ainsi des allures de test.
Jérusalem souhaite avancer vers un dialogue stratégique et voit dans l'Arménie un partenaire potentiel dans un Caucase en recomposition rapide. Erevan, de son côté, cherche de nouvelles garanties et un ancrage régional plus diversifié.

Reste à savoir si ces deux dynamiques suffiront à surmonter des dossiers sensibles que personne, pour l’heure, ne peut ignorer.