À l’approche du voyage de Benyamin Netanyahou à Miami, prévu pour la fin du mois, un malaise grandissant se fait sentir à Jérusalem. Cette fois, Trump ne l’attend pas seulement avec une accolade chaleureuse et une photo immaculée sur la pelouse, mais avec un dossier épais rempli d’exigences.
Ce n’est plus “un ami qui invite un ami”, mais “un ami qui apporte un plan” - et qui demande, avec une politesse ferme : « Tu es dedans, ou tu es le problème ? » C’est le sens réel de la crainte, dans l’entourage du Premier ministre, que “Trump lui fasse un Zelensky” : non pas l’abandonner, mais le désigner comme celui qui bloque le “grand accord” pour Gaza s’il s’entête sur ses conditions.
Depuis deux mois, la position américaine s’éloigne des lignes rouges israéliennes sur deux points centraux : la présence turque dans la force de stabilisation et l’ordre des étapes vis-à-vis du Hamas.
Lorsque le Conseil de sécurité a adopté le plan Trump en novembre, Jérusalem pensait disposer d’un véritable droit de veto sur la composition de la force multinationale : « Pas de Turcs ? Alors il n’y aura pas de Turcs. » Mais aujourd’hui, le discours américain change. L’envoyé spécial de Trump, Tom Barrack, suggère publiquement que la Turquie “doit être incluse”, précisément en raison de ses capacités militaires et de ses réseaux à Gaza. Autrement dit, ce qu’Israël considérait comme une menace devient à Washington un atout. Ce n’est plus un débat technique : c’est l’érosion d’un principe stratégique.
Même glissement sur le désarmement du Hamas. Netanyahou répète — en public comme en privé — que la phase B ne peut s’ouvrir qu’après le démantèlement des infrastructures armées. Or, dans la vision américaine révisée, le désarmement n’est plus un préalable, mais un objectif progressif. Le nouvel ambassadeur américain à l’ONU, Mike Waltz, affirme que “le Hamas doit partir”, tout en évoquant dans le même souffle reconstruction et administration civile. Pendant ce temps, la pression sur Israël s’intensifie pour “avancer”, même sans calendrier clair pour un désarmement total.
À Doha, le Qatar ne cache plus sa volonté “de pousser Israël vers la phase B”, fort d’un mandat régional et de son influence directe sur Trump. La Turquie, elle, se pose en interlocuteur de tous — Américains, Hamas, Égyptiens — et obtient ainsi un pied-à-terre politique à Gaza.
Lorsque ces deux acteurs disent à Trump : « Avance. Ne te laisse pas bloquer par Israël », et que Jérusalem arrive avec une liste de conditions préalables, la dynamique devient limpide : l’un apparaît comme “l’obstacle”, l’autre comme “le moteur”.
Les États-Unis construisent parallèlement un mécanisme permettant d’avancer même en cas de désaccord israélien : nomination d’un général américain à la tête de la force internationale et création d’un “Conseil de paix” présidé par Trump, chargé des fonds, des projets et de la supervision. Sans déployer un seul soldat au sol, Washington obtient ainsi un contrôle quasi total sur la reconstruction.
Netanyahou arrivera à Miami avec trois lignes rouges : aucun rôle pour la Turquie au sein de la force multinationale ; aucune reconstruction avant le désarmement du Hamas ;aucune retraite israélienne susceptible de permettre au Hamas de se reconstituer.
Trump, lui, veut autre chose : un calendrier précis ; une liste de pays participants — Turquie incluse, si possible ; une formule plus souple pour le désarmement, considéré comme un objectif, non comme un verrou.
La question est désormais la suivante : Netanyahou se rendra-t-il à Miami en dirigeant prêt à payer le prix politique d’un “non”, ou en homme cherchant simplement à survivre - au risque d’un glissement lent mais réel du pouvoir décisionnel israélien vers d’autres capitales ? C’est sans doute là, et non dans les textes officiels du plan Trump, que se jouera la réponse à la question essentielle : qui pilote réellement le dossier Gaza ?