Tribune

Un chant du matin, sous les cendres. Par Eden Levi Campana

Soixante-douze anciens participants de l'Eurovision, figures éclipsées ou légendes encore chantantes, se sont unis pour réclamer, d’une même voix, l’exclusion d’Israël du concours.

5 minutes
7 mai 2025

ParGuitel Benishay

Un chant du matin, sous les cendres. Par Eden Levi Campana
Photo: IStock Lesia Pryriz

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Soixante-douze anciens participants de l'Eurovision, figures éclipsées ou légendes encore chantantes, se sont unis pour réclamer, d’une même voix, l’exclusion d’Israël du concours. À quelques jours de la demi-finale du 15 mai, où Yuval Raphael doit porter les couleurs de l’État hébreu sur scène, l’appel résonne comme une dissonance : la musique peut-elle encore prétendre à l’universalité, quand le monde gronde à ses portes ? 

Malgré les appels au boycott, l’Union européenne de radiodiffusion a maintenu la présence d’Israël dans la compétition, tout en interdisant les messages politiques sur scène et les drapeaux hors de scène. Qu’ils sont attendrissants, ces 72 justiciers du dimanche, réunis par une foi nouvelle : la moraline tiède, version karaoké militant. Les voilà qui s’époumonent, non pas sur scène mais dans une lettre ouverte — ce parchemin de l'époque des réseaux — pour réclamer ce qu’ils appellent avec emphase "la justice".

Mais leur justice a l’odeur fade du ressentiment. Ce qu’ils veulent, au fond, c’est qu’on exclue Israël de l’Eurovision 2025, que l'on mette au ban la voix d’une survivante, Yuval Raphael, parce qu’ils ne supportent pas ce qu’elle incarne : la vie après l’abomination, la force d’un peuple que même la mort n’éteint pas.

Rappelons les faits. Eurovision, temple mondialisé de la paillette et de la démesure sonore, s'apprête à tenir son édition annuelle à Bâle. Une survivante du pogrom du 7 octobre, Yuval Raphael, y représentera Israël. Sa chanson, New Day Will Rise, est une prière en trois langues : anglais, français, hébreu — ces mots mêlés comme les larmes d’un peuple dispersé. Sa voix ne se contente pas de chanter : elle témoigne. Elle n’est pas là pour enjoliver, mais pour faire entendre ce que des cadavres n’ont pu crier. Yuval Raphael, 24 ans, n’est pas une artiste comme les autres. Originaire de Ra’anana, elle est donc un symbole, celui qui a survécu au massacre du festival Nova le 7 octobre 2023, où elle s’est cachée pendant huit heures sous des corps sans vie pour échapper à la mort. Blessée par des éclats de grenade, elle a transformé cette épreuve en un chant d’espoir. Sa chanson, New Day Will Rise, écrite par Keren Peles célèbre la résilience face à l’horreur.

Et que font les âmes pures de la scène européenne ? Ils signent une lettre. On y retrouve Mae Muller, brillante dernière en 2023 (sans doute plus à l’aise avec les listes qu’avec les notes), et Charlie McGettigan, icône irlandaise à l'heure du minitel. On se pince. Ces étoiles éteintes de la chanson, dont les refrains se sont dissipés comme des slogans sur un mur de béton, s’arrogent le droit d’invoquer le mot "génocide" — ce mot sacré, ce mot brûlant, qui devrait leur rester inaccessible tant ils l’ont vidé de sens.

Oui, ils parlent de "génocide", comme on parle de météo ou de gluten. Parce qu’en Occident, le kitsch idéologique s’habille désormais de causes faciles, surtout quand elles viennent flatter la foule. Il suffit de dire "Palestine", de crier "apartheid", pour que les micros s’inclinent et que les artistes de second rang deviennent des penseurs de premier plan.

Mais ce qu’ils redoutent, en vérité, ce n’est pas Israël. C’est Israël qui chante. C’est une fille au regard droit, sortie des entrailles du 7 octobre, venue dire à l’Europe : “Ani chai, je vis”. C’est une survivante, pas une victime. Et leur univers ne sait pas quoi faire d’une survivante qui danse. Il leur faudrait un Israël gémissant, plié, honteux, un Israël qui demande pardon d’exister. Pas cette fille aux longs cheveux bruns qui se relève d’un charnier pour chanter au monde : "Un jour nouveau se lèvera."

Et pourtant, qui donc devrait être expulsé du temple de la musique ? Celle qui a chanté au milieu des morts, ou ceux qui bêlent des slogans entre deux cocktails, ceux qui se vautrent dans la pensée “woke” comme dans un jacuzzi tiède, incapables de distinguer la nuance d’un conflit et la lumière d’une voix ?

"Kol haolam kulo gesher tzar me’od, veha’ikar lo lefached klal", dit Rabbi Nahman : "Le monde est un pont étroit, l’essentiel est de ne pas avoir peur." Yuval n’a pas peur. Elle porte son drapeau, son ruban jaune pour les otages, et sa langue en trois dimensions. C’est cela qui les effraie, ces petits croisés du boycott : qu’elle ne pleure pas comme ils aimeraient qu’elle pleure.

Car l’Eurovision, au fond, n’est plus qu’un carnaval de poses où l’on élit des émotions usinées. Un cabaret postmoderne où le seul talent requis est celui de cocher les cases : genre flou, engagement flasque. Et voilà que débarque une voix juive, puissante, droite, féminine et hébraïque, qui refuse de se fondre dans ce sirop consensuel.

On voulait une muse inclusive, on reçoit une rescapée armée de vérité.

Alors non, ce n’est pas la chanson qui dérange, ni même le drapeau. Ce qui les met hors d’eux, c’est que l’on puisse survivre à un massacre et oser chanter. C’est que le peuple juif ne meure pas. Qu’il chante. Qu’il gagne. Et que, même sous les cendres, il invente encore un chant du matin.

Eden Levi Campana

Commentaires

Wizman5/7/2025

AM ISRAEL HAI et j'ajoute Am Israël à vécu vit et vivra. Seuls les aveugles ne le voit pas et les haineux ne veulent pas le comprendre. Tant pis pour eux. Bravo pour votre article si juste.

Olga Heudeline5/7/2025

Merci, M. Levi Campana, pour votre commentaire aussi clair de vérités 👍🫶

Maggy5/8/2025

Yuval is the winner ! I love her Her voice her song her country we are proud to be Jewish Israeli and she is a survivor ! G.. will be with you Yuval ! AM ISRAEL HAI

Maggy5/8/2025

Yuval is the winner ! I love her Her voice her song her country we are proud to be Jewish Israeli and she is a survivor ! G.. will be with you Yuval ! AM ISRAEL HAI

Maryameh 5/8/2025

Magnifique ! Merci. Mon cœur de Chrétienne s'est donné à Am Yisrael depuis le funeste 7 et vos mots le font intensément vibrer. Je n'en aurai qu'un en retrour : Todah !

Szapiro5/7/2025

Vives félicitations et merci Éden pour tes incisives et très talentueuses réactions à chaud à l impensable médiocrité humaine

Szapiro5/7/2025

Vives félicitations et merci Éden pour tes incisives et très talentueuses réactions à chaud à l impensable médiocrité humaine

Proupain 5/9/2025

Merci Éden Levi pour cette vérité sortie de la plume. Le monde n'a jamais supporté Israël et cela de très loin dans le temps. Israël nom que Dieu a donné à Jacob est 1 nom merveilleux et il sera toujours debout quoique le monde veuille lui faire ou lui dire. J'aime Israël, et je sais que Dieu Ashem la protège, la bénie, la refait vivre. Je sais aussi que tous ces détracteurs, jaloux d'Israël seront détruits par le seul Dieu que j'adore et qui est Juste , s'ils ne changent pas d'attitude. Merci encore pour vos lignes écrites. Que Dieu vous bénisse et vous garde.

Madeleine 5/7/2025

Am Israël Hai !😍🧡🫅