Pour la première fois depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, une délégation officielle britannique s’est rendue à Damas pour une rencontre de haut niveau avec le ministre syrien de la Défense, le général Marhaf Abu Qasra. Cette visite, menée par le conseiller politique britannique Charles Smith, marque un tournant dans les relations gelées entre les deux pays.
Selon un communiqué du ministère syrien de l’Intérieur, les discussions ont porté sur des pistes de coopération technique et militaire, ainsi que sur des moyens de réorganiser et renforcer l’armée syrienne afin de répondre aux défis actuels. Les deux parties ont souligné la nécessité de maintenir un dialogue face aux menaces communes, notamment le terrorisme et la sécurité aux frontières.
Un responsable des relations publiques du ministère syrien de la Défense a confié que cette rencontre pourrait ouvrir la voie à des accords plus larges dans les domaines humanitaire, sécuritaire, voire économique. « Ce rendez-vous pourrait annoncer de futurs changements politiques, si la volonté et les conditions sont réunies », a-t-il déclaré.
La visite britannique survient à un moment critique pour la Syrie, alors que le régime tente de se repositionner comme un État fonctionnel après treize années de conflit dévastateur. Depuis 2011, la Syrie a perdu le contrôle de vastes portions de son territoire, passées sous domination de factions rebelles, groupes jihadistes et puissances étrangères comme la Russie et l’Iran. L’intervention militaire directe de la Russie fin 2015 a permis de reconquérir certaines zones stratégiques, mais sans rétablir un contrôle étatique uniforme.
Historiquement considérée comme l’une des armées les plus puissantes du monde arabe, l’armée syrienne — fondée en 1945 — a joué un rôle central dans plusieurs conflits régionaux, notamment au Liban, dans les territoires palestiniens et sur le plateau du Golan. Mais la guerre civile a profondément altéré son image, entraînant de lourdes pertes humaines, la désintégration de nombreuses divisions et l’émergence de milices peu disciplinées.
Ce qui subsiste aujourd’hui de cette armée est en cours de restructuration, avec un accent sur la formation, la réorganisation et une tentative de centralisation du commandement, tout en recherchant un soutien technique étranger, y compris désormais de partenaires inattendus comme le Royaume-Uni.
Les relations bilatérales entre Londres et Damas sont gelées depuis 2011 : fermeture de l’ambassade britannique, sanctions contre les responsables syriens et soutien diplomatique à l’opposition. Mais l’enlisement du conflit, l’afflux de réfugiés et les enjeux liés à la lutte contre le terrorisme ont poussé certains pays occidentaux à rouvrir discrètement des canaux de communication, sans pour autant reconnaître officiellement le régime.
Dans ce contexte, la visite britannique pourrait traduire un infléchissement de sa position vers une forme d’engagement limité, guidé par la recherche de stabilité régionale.