Les incidents antisémites en Allemagne ont bondi de 77 % en 2024, selon un rapport publié ce mercredi par l'Association fédérale de documentation et de recherche sur l'antisémitisme (RIAS).
Les chiffres sont particulièrement alarmants : 8 627 incidents antisémites ont été documentés sur l'ensemble du territoire allemand l'année dernière, contre 4 873 en 2023. Cette explosion trouve principalement ses racines dans les réactions publiques et politiques consécutives à l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023 et au conflit qui a suivi dans la bande de Gaza.
L'anti-israélisme, moteur principal de la hausse
L'analyse des données révèle que 68% des incidents recensés étaient de nature anti-israélienne, illustrant comment les tensions liées à la guerre à Gaza se répercutent sur la communauté juive locale. Les manifestations ont constitué un terreau particulièrement fertile pour ces expressions de haine : au moins 1 802 rassemblements ont été le théâtre d'incidents antisémites.
Lors de ces événements, les enquêteurs ont documenté des comparaisons avec la Shoah, l'expression d'admiration pour des organisations terroristes comme le Hamas et le Hezbollah, ainsi que des menaces proférées contre les contre-manifestants.
L'extrême droite également en progression
Parallèlement à cette vague anti-israélienne, le rapport fait état d'une augmentation de 28% des incidents antisémites imputables à l'extrême droite. Dans les deux tiers de ces cas, les auteurs ont procédé à un dénigrement ou à une glorification de l'Holocauste, révélant la persistance d'un antisémitisme traditionnel dans ce milieu.
L'un des cas les plus choquants implique un conseiller municipal de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) qui a menacé un habitant en déclarant : "Tu finiras à Buchenwald", en référence au camp de concentration nazi. Une menace qui illustre la banalisation inquiétante de la rhétorique nazie dans certains milieux politiques.
Les campus universitaires, nouveaux foyers de tension
L'antisémitisme gagne également du terrain dans les établissements d'enseignement, avec 450 incidents recensés dans des universités et des écoles répartis sur 56 sites différents. Cette situation préoccupante a poussé Ron Dekel, président de l'Association des étudiants juifs d'Allemagne, à tirer la sonnette d'alarme.
"Les étudiants juifs ne se sentent pas en sécurité sur les campus", a-t-il averti, appelant à la nomination de commissaires professionnels dédiés à la lutte contre l'antisémitisme dans chaque établissement universitaire. Cette demande souligne l'urgence d'une réponse institutionnelle face à la dégradation du climat sur les campus.
Le Dr Felix Klein, commissaire du gouvernement fédéral à la vie juive et à la lutte contre l'antisémitisme, a reconnu l'ampleur inattendue du phénomène. "La haine antisémite est devenue plus répandue que nous aurions pu l'imaginer il y a quelques années", a-t-il déclaré, insistant sur la nécessité d'élargir la lutte à l'ensemble de la société civile.
Benjamin Steinitz, directeur général du RIAS, considère que les événements du 7 octobre marquent "un tournant dans la vie juive en Allemagne". Pour enrayer cette tendance inquiétante, il préconise une approche multidimensionnelle : "La définition de travail de l'IHRA doit être reconnue comme une pierre angulaire, et des efforts continus doivent être investis dans la recherche et l'éducation."
Des incidents marquants
Plusieurs événements ont particulièrement marqué l'année 2024, notamment la fusillade devant le consulat israélien à Munich le 5 septembre, ou encore l'attaque au couteau survenue au mémorial de l'Holocauste à Berlin. Autant d'attentats qui témoignent de l'escalade dans la gravité des actes antisémites.