La procédure de destitution du député arabe israélien, Ayman Odeh, va être lancée après l'approbation de la démarche par la commission de la Knesset ce lundi.
Cette décision a été prise par une large majorité de 14 voix contre 2. Tous les représentants des partis de la coalition ont soutenu la mesure, rejoints par ceux d’Israël Beytenou, Yesh Atid et du Ma'hané Hamamla'hti. La procédure sera désormais soumise à un vote en séance plénière dans un délai de trois semaines, où une majorité qualifiée de 90 députés sera nécessaire pour l'entériner.
La demande de destitution, déposée par le député Boaron, repose sur un message publié par Odeh en janvier sur le réseau X, dans lequel il a établi un parallèle entre les otages israéliens et les terroristes. Il écrivait notamment : « Je me réjouis de la libération des otages et des prisonniers. Il est temps de libérer les deux peuples du joug de l’occupation. Nous sommes tous des êtres libres. »
S’exprimant à l’issue du vote, Boaron a déclaré : « Tout au long des débats, il ne s’est jamais excusé, ni rétracté, et il a même réaffirmé ses propos. Il refuse de reconnaître que le Hamas et le Hezbollah sont des organisations terroristes. Ses déclarations doivent être replacées dans leur contexte global. Je suis convaincu que la plénière approuvera cette décision à une large majorité. »
Le président de la commission, Ofir Katz, a pour sa part déclaré : « Dans un État de droit, Ayman Odeh devrait être en prison et déchu de sa citoyenneté. J’espère sincèrement que Yesh Atid et le Ma'hané Hamamla'hti ne feront pas volte-face et ne joueront pas un double jeu lors du vote en plénière. Ayman Odeh doit quitter cette assemblée. »
La procédure de destitution s’appuie sur l’article 7A de la Loi fondamentale de la Knesset, qui permet d’exclure un candidat ou une liste de la course électorale s’ils remplissent l’un des trois critères cumulatifs suivants : la négation du caractère juif et démocratique de l’État d’Israël, la remise en cause de son caractère démocratique, ou encore l’incitation au racisme.
L’avocate Sagit Afik, conseillère juridique de la Knesset, a toutefois émis des réserves, estimant que les éléments réunis ne suffisent pas à justifier une telle décision. « Il s’agit d’une déclaration unique, ce qui affaiblit considérablement la base factuelle de la demande. Il n’est pas établi que cette prise de position constitue un soutien manifeste et récurrent à une lutte armée, ni qu’elle reflète un engagement constant en ce sens de la part du député », a-t-elle expliqué.
Et d’ajouter : « Au vu des critères stricts exigés, il est douteux que cette déclaration puisse être interprétée comme un soutien explicite à la lutte armée d’une organisation terroriste, ni qu’elle témoigne d’une orientation dominante dans l’action politique du député. »
La séance à la Knesset qui débattait du cas du député Odeh, a été particulièrement houleuse. Un incident a failli dégénérer en altercation physique entre le vice-président de la Knesset, le député Nissim Vaturi (Likoud), et le député Ofer Cassif (Hadash), co-listier d'Ayman Odeh.
L'altercation s’est produite après l’intervention d’Itzik Bonzel, père du sergent-major Amit Bonzel, z'l, tombé au combat à Gaza, qui a déclaré : « Le fait que nous menions un débat quasi-judiciaire alors que l’intéressé est absent est une honte. Nous, le peuple, regardons ces députés arabes à la télévision, les entendre accuser nos soldats de manière aussi odieuse est inacceptable. Dans un autre pays, ils seraient en détention. »

Ofer Kassif. Photo by Yonatan Sindel/Flash90
Les propos ont suscité une vive réaction du député Cassif, qui a été interpellé à trois reprises par le président de la commission avant d’être sommé de quitter la salle. Alors qu’il se dirigeait vers la sortie, le député Vaturi s’est levé de manière jugée menaçante. Les agents de sécurité du Parlement sont intervenus pour éviter une confrontation physique.
À l’issue du vote, Odeh, qui a déjà annoncé son retrait de la vie parlementaire et ne briguera pas un nouveau mandat aux prochaines élections, a vivement critiqué l’opposition : « Aujourd’hui, l’opposition a franchi une ligne rouge. Plutôt que de lutter contre le gouvernement kahaniste, elle a collaboré avec lui pour écraser l’espace démocratique. Certains d’entre eux nous haïssent plus qu’ils n’aiment la démocratie. Ce n’est pas une opposition – c’est une coalition déguisée. C’est le sceau final apposé sur la loi sur l’État-nation. »
Il a poursuivi en affirmant : « Ils veulent soumettre le système judiciaire, réduire au silence les voix critiques, et transformer Israël en dictature messianique. Aujourd’hui, c’est moi – demain ce sera vous. Tous ceux qui oseront s’opposer seront les prochains visés. »
S’adressant aux chefs de l’opposition, il a lancé : « Réveillez-vous ! Ne prenez pas part à cette chasse aux sorcières en plénière. C’est le moment de choisir : soit vous vous battez, soit vous capitulez. Si vous ne résistez pas maintenant, il ne vous restera bientôt plus aucun espace démocratique à défendre. »