Israël et la Chine marquent le 30ème anniversaire de l'établissement de leurs relations diplomatiques. Mais le
nouveau partenaire économique d'Israël inquiète aussi son allié stratégique américain.
Si la Chine a mis plus de quarante ans à se réveiller, elle a largement comblé son retard. En 1950, Israël était un des premiers pays à reconnaître la République populaire de Chine. Mais Pékin aura attendu 1992 pour établir des relations diplomatiques avec Israël. Sa révolution s'accommodait mal d'un jeune État ouvert sur le monde libre.
En 1979 pourtant, la Chine communiste commence à s'intéresser à l'industrie de défense d'Israël et conclut de discrètes transactions. Mais c'est seulement avec la fin de la guerre froide et alors qu'un nouvel équilibre mondial prend forme, qu'Israël devient un partenaire fréquentable.
Calmer la colère de Washington
Pour Pékin, c'est encore le savoir-faire israélien en matière de défense qui aiguise son appétit. Et pour l'industrie israélienne, le marché est alléchant. Ce sont déjà les premiers couacs avec les États-Unis qui rappellent Israël à l'ordre: pas question de vendre à la Chine des armements contenant de la technologie américaine. Ce sont les
épisodes des Phalcon et des Harpy, des drones dont Israël doit annuler la vente aux Chinois pour calmer la
colère de Washington. En apprenant à connaître le marché israélien, la Chine découvre que ses potentialités
sont bien plus larges qu'elle ne l'imaginait. La start-up nation a effectivement beaucoup à offrir, alors que Pékin est en train d'élaborer sa politique d'expansion, quand la nouvelle route de la soie devient le projet phare de la Chine. Cette initiative « Ceinture et Route » vise à ouvrir de nouveaux marchés, à assurer à la Chine sa sécurité énergétique et à lui ouvrir des connexions intercontinentales. Dans cette optique, Israël occupe une situation géographique exceptionnelle - aux confins de trois continents – et représente un atout économique majeur, par sa croissance, sa stabilité dans une région hautement instable, son innovation et ses relations avec l'Europe et les États-Unis.
Stratégies de communication
En 1992, la balance commerciale était de 15 millions de dollars. En 2021, elle avait dépassé les 15 milliards. Pour Israël, la Chine est devenue la 2ème destination de ses exportations et la 1ère en Asie, même si elles ne comptent que pour moins d'un tiers dans la balance. La Chine, de son côté, a investi entre 2013 et 2021 plus de 13 milliards de dollars dans l'économie israélienne. Car la Chine se délecte de l'innovation israélienne dans tous les domaines,
de la biotechnologie au software en passant par les semi-conducteurs et les technologies de l'eau, sans compter l'agriculture. Et elle a aussi réalisé plusieurs grands travaux d'infrastructure, tels que la construction du nouveau port d'Ashdod, du nouveau terminal du port de Haïfa, ou encore la construction de la première ligne de tramway à Tel Aviv. Autant de chantiers qui s'inscrivent dans le projet chinois « Ceinture et Route », puisque ces développements profiteront aussi à ses propres stratégies de communication.
Une crainte de risques d’espionnage
Il y a pourtant un sérieux revers à ce rapprochement chinois : les relations avec les États-Unis. Les deux pays ont engagé une véritable lutte d'influence à l'échelle de la planète. Et Israël se retrouve pris entre un partenaire économique et un allié stratégique. Déjà sous l'administration Trump et aujourd'hui sous celle de Biden, Washington met en garde Jérusalem de ne pas hypothéquer sa sécurité nationale, ni celle de son allié. Depuis 2020, Israël a dû mettre en place un comité consultatif d'évaluation des risques sur la sécurité nationale des investissements étrangers, destiné surtout à contrôler les appétits chinois et à calmer les Américains. Des responsables de la sécurité israélienne redoutent eux aussi les risques d'espionnage, de vulnérabilité, voire de paralysie de structures stratégiques liés à la présence chinoise. Car les entreprises qui remportent les appels d'offres sont toutes liées à l'armée ou au gouvernement chinois. Le rythme des relations sino-israéliennes a
ralenti depuis deux ans, et pas seulement à cause du Covid.
Pascale Zonszain
Article paru dans Actualité Juive numéro 1658
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