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« D’où sait-on que, pour épouser une femme, on lui donne de l’argent ou un objet de valeur ? » demande la Guémara qui répond : « On le sait d’Abraham. En effet, la Thora utilise le même verbe pour dire “épouser” et pour dire qu’Abraham donne de l’argent pour acquérir une parcelle de terre à ‘Hévron. » Ce mot est qi‘ha, “prendre”. En effet, littéralement, la formule relative au mariage se traduit ainsi : “Un homme ‘prend’ une femme” de même, lors du paiement par Abraham de la caverne de Makhpéla, il donne l’argent au vendeur et lui dit : “Voici quatre cents pièces d’argent, ‘prends’-les.” »
Quelle comparaison étonnante ! Qu’y a-t-il de commun entre un mariage et l’achat d’une terre ? L’un est un acte d’union, un acte empreint de sainteté ; le mariage s’appelle qiddouchin, c’est une consécration. L’achat d’une terre n’est qu’un acte commercial.
Le mot « prendre » se rencontre souvent dans la Thora. Si la tradition a enseigné que ce sont justement ces deux versets qui doivent être mis en rapport, c’est que l’on doit en tirer un double enseignement, l’un quant au mariage, l’autre quant à l’acte d’acquisition par Abraham.
On pourrait se méprendre, penser que le mariage est un contrat, et que c’est la raison pour laquelle un des moyens de se marier consiste à donner une pièce d’argent. Non ! dit le Talmud, cette somme d’argent signifie tout autre chose. En effet, l’argent qu’Abraham a donné à Ephron n’est pas l’acte juridique de changement de propriété car, dans le droit talmudique, l’argent n’est pas un moyen d’acquisition, mais un moyen de paiement. Cet argent représente donc ici l’effort investi par Abraham pour recevoir cette terre. Ephron était prêt à la lui donner gratuitement. Abraham ne l’a pas acceptée. De même l’argent ou la bague du mariage représentent l’effort que l’homme doit fournir pour mériter son épouse. Elle ne lui est pas donnée, il doit travailler pour en être digne. C’est là le symbole de l’argent. En hébreu d’ailleurs, le mot kessef, « argent », est de même racine que le mot kissouf, qui se traduit par « désir passionné » et l’effort qui en est le corollaire.
Dans la Guémara Sota, on trouve la question suivante : d’un verset, on apprend qu’un chidoukh – rencontre entre un homme et une femme en vue d’un mariage – est aussi difficile à réaliser que l’ouverture de la mer Rouge. Par ailleurs, un autre texte montre que rien n’est plus simple à organiser pour Dieu que les chidoukhim puisque, quarante jours avant la naissance d’un enfant, sa future compagne lui est déjà désignée. La Guémara répond ainsi : « Le premier mariage d’un homme est effectivement facile. Il n’y a qu’une personne qui lui soit désignée. Il suffit de provoquer une rencontre. Lorsqu’il s’agit d’un deuxième mariage, c’est déjà plus compliqué... »
Chaque homme a donc une femme qui lui est destinée, et la rencontre des futurs époux n’est en fait qu’une forme de retrouvailles, leur mariage une réunification. La similitude des mots utilisés pour le mariage et le paiement de la terre nous enseigne que si Abraham s’efforça de posséder la caverne de Makhpéla c’était pour retrouver la terre qui lui était désignée depuis la Création.
La terre d’Israël, choisie par Dieu, attendait l’homme qui la méritait. C’étaient des retrouvailles. Et les quatre cents pièces d’argent, un témoignage d’amour.
Qiddouchin 2a.
Sota 2a.
Extrait de l'ouvrage A la Table de Shabbat du Rav Shaoul David Botschko