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Les coulisses de l'attaque contre l'Iran

Le ministre de la Défense a décrit aujourd'hui les détails des étapes qui ont conduit à l'attaque surprise contre l'Iran le 13 juin dernier.

5 minutes
7 juillet 2025

ParGuitel Benishay

Les coulisses de l'attaque contre l'Iran
Photo: Tsahal

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Ce lundi, le ministre israélien de la Défense Israël Katz a révélé, lors d’un briefing stratégique, de nouveaux détails sur les coulisses de l’attaque israélienne en Iran, notamment l’Opération "Hila" et l’Opération "Tornado", destinée à frapper les infrastructures sensibles au cœur de Téhéran.

Katz a précisé que la planification de cette vaste opération militaire avait commencé dès novembre 2024, avec une réunion le 14 du mois, où une première option baptisée « bleu-blanc » avait été discutée, ciblant le site nucléaire de Fordo. L’objectif était alors limité, dans l’espoir d’obtenir un soutien opérationnel des États-Unis. Le mois d’avril avait été identifié comme fenêtre possible pour une frappe initiale, avec une alternative envisagée pour octobre.

Une capacité de frappe autonome : le tournant stratégique

Le ministre a souligné l'importance de la nouvelle capacité de « stand-in » acquise par l’armée de l’air israélienne – la faculté de pénétrer l’espace aérien iranien de manière répétée et de maintenir une présence opérationnelle. Cette avancée technologique, jusque-là inexistante, a été qualifiée par Katz de « tournant stratégique sans lequel l'opération n’aurait pas été possible ».

Parallèlement, une autre opération nommée "Narnia" a été menée, consistant à éliminer des scientifiques clés impliqués dans le programme nucléaire iranien. Une campagne de neutralisation du système de commandement et de contrôle iranien a également été ordonnée pour perturber la capacité de riposte de Téhéran.

En décembre, une nouvelle phase a été décidée : une frappe d’ouverture ciblant la haute hiérarchie militaire iranienne, pour neutraliser toute réponse immédiate et désorganiser l’appareil sécuritaire. L’opération globale a été structurée en janvier sous le nom de code "Hila", avec pour objectif stratégique de désactiver temporairement la capacité de production nucléaire iranienne et contraindre Téhéran à repenser la relance du programme.

Préparatifs militaires et validation politique

Durant les mois suivants, plusieurs réunions ont examiné le niveau de préparation de Tsahal, les délais possibles pour l’attaque, les niveaux d’alerte requis et les implications régionales. Le 27 mars, une discussion sur les systèmes de défense à mettre en place a permis d'affiner les plans opérationnels.

Le 17 avril, il a été acté que Tsahal serait prêt à agir dès le 1er mai, avec une alerte opérationnelle de deux semaines. La question d’un soutien américain restait ouverte, bien qu’une participation directe semblait écartée. Il a été convenu que la frappe sur Natanz serait très destructrice, que l’attaque contre Fordo serait repoussée, et qu’un éventuel recours à l’opération "Narnia" serait réservé à une réponse iranienne ultérieure.

En mai, une alerte de niveau P+7 (préavis de sept jours) a été déclarée, suivie d’un exercice de simulation le 22 mai. À cette occasion, Israël a défini que le signal politique des États-Unis — qualifié de « feu vert pâle » — serait une condition minimale pour procéder. Un accord explicite n'était pas attendu mais au moins l'absence d'opposition de Washington. Ce signal aurait été donné lors d’une conversation entre le Premier ministre Binyamin Netanyahou et le Président américain Donald Trump. Ce dernier aurait lancé sur un ton cinglant : « Vous avez intérêt à réussir, sinon, quand vous m’appellerez, je dirai : “C’est qui, Bibi ?” »

"Tornado" : l’élément surprise au cœur de Téhéran

Le plan "Tornado" a été conçu pour frapper au cœur de Téhéran et créer un effet de surprise massif et ciblé. Le 27 mai, une réunion opérationnelle a permis d’affiner les cibles. Lors de cette session, Katz a interrogé les représentants de l’armée de l’air sur leur capacité et leur volonté d’opérer en Iran — réponse affirmative et confiante, selon lui.

À ce stade, seuls quelques hauts responsables étaient dans la confidence : Netanyahou, Katz, Ron Dermer (ministre des Affaires stratégiques), le chef d’état-major Eyal Zamir, et le chef du Commandement du Front intérieur, Rafi Milo.

Le 29 mai, l’opération Tornado a été officiellement validée, décrite comme une frappe « sans précédent par son ampleur et sa précision ». Le 4 juin, le niveau d’alerte a été élevé à P+3, et le lendemain, les messages stratégiques à destination du public ont été approuvés. À ce stade, la position américaine sur une implication directe restait ambiguë.

Le 9 juin, Tsahal et les services de sécurité ont reçu l’ordre de passer en alerte maximale. La frappe initiale a été programmée pour le 12 juin, et 36 heures avant le lancement, plusieurs milliers de soldats étaient déjà informés de l’opération.

« Être les premiers à frapper »

Selon Katz, l’objectif était de prévenir une attaque iranienne d’envergure imminente, et non de répondre à une offensive. « Nous avons choisi d’agir les premiers », a-t-il affirmé, précisant que plusieurs cibles avaient été ajustées en temps réel au moment de l’attaque.

L’estimation israélienne est que l’opération a porté un coup majeur au système de défense iranien, bien que l’on reconnaisse qu’à long terme, l’Iran pourrait tenter de reconstruire une partie de ses capacités.

Un haut responsable a indiqué que l’impact de l’opération devait être mesuré dans son ensemble, et non selon les résultats de chaque cible isolée. L’effet psychologique au sein de l’élite iranienne est considéré comme significatif, et la capacité prouvée d’Israël à mener d’autres frappes futures en territoire iranien est désormais perçue comme un atout stratégique majeur.

Katz a affirmé qu’Israël avait atteint et même dépassé ses objectifs, grâce notamment à la coopération avec les États-Unis, qui ont déployé des bombardiers B-2 pour frapper des installations nucléaires. « Nous avons porté un coup sévère aux capacités nucléaires et balistiques de l’Iran », a-t-il déclaré.

Il a ajouté que Tsahal élabore actuellement un plan d’application visant à maintenir la supériorité aérienne d’Israël au-dessus du ciel iranien et à préserver les résultats obtenus contre les programmes nucléaires et balistiques.

« Si quelqu’un pense que nous allons renoncer à cet acquis, il se trompe lourdement. Il ne s’agit pas de frappes quotidiennes comme dans le sud du Liban, mais cette capacité d’action doit rester présente et être utilisée à des moments clés. »

Katz a exprimé ses préoccupations quant à la possible relance du programme balistique iranien, avertissant contre la complicité potentielle de pays étrangers : « Il s’agit d’un enjeu stratégique : empêcher tout soutien logistique ou matériel à l’Iran. »

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