Tribune

Israël, le Juif des Nations - Par Eden Levi Campana

Le 11 juillet 2025, une femme venue de Gaza et son fils ont obtenu le statut de réfugiés en France. C’est une décision inhabituelle, prise par la Cour nationale du droit d’asile.

5 minutes
15 juillet 2025

ParGuitel Benishay

Israël, le Juif des Nations - Par Eden Levi Campana
Photo: IStock

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Le 11 juillet 2025, une femme venue de Gaza et son fils ont obtenu le statut de réfugiés en France. C’est une décision inhabituelle, prise par la Cour nationale du droit d’asile. Jusqu’alors, les Palestiniens recevaient seulement une protection partielle, renouvelable mais moins stable. Sous le vernis compassionnel d’une décision rendue dans la pénombre feutrée de la CNDA, une faille s’est ouverte, discrète mais béante, dans le socle millénaire du droit d’asile. Et cette faille, à la manière d’une brisure dans un miroir ancien, reflète moins l’image du réfugié que celle, altérée, d’une justice qui n’en porte plus que le nom. Un Gazaoui obtient le statut de réfugié au motif non d’une persécution singulière, ni d’un danger immédiat, mais pour la seule appartenance à une "identité nationale" – palestinienne, en l’occurrence – dont la simple évocation semble, désormais, ouvrir les portes de la République. Ainsi, non la souffrance prouvée mais l’inscription dans une narration collective deviendrait le nouveau sésame. Le demandeur n’est plus celui qui raconte ce qu’il a vécu ; il est celui qui incarne ce que d’autres veulent entendre.

À ce degré d’abstraction, le droit devient son contraire. Plus rien n’est pesé, rien n’est examiné. L’individuel s’efface sous le halo vague de la cause. La CNDA, loin de juger au scalpel, tranche à la serpe. Dans sa bouche, la guerre devient persécution, la riposte devient agression, et l’armée démocratique d’un État souverain se mue, par décret langagier, en puissance inquisitoriale. Le narratif palestinien n’a pas besoin de ce supplément de mythe pour émouvoir. D'ailleurs elle n’émeut plus depuis longtemps, elle accuse. Ce n’est pas l’accueil qu’on étend, c’est le réquisitoire. Derrière la formule juridique, le verdict politique : Israël persécute, Gaza subit. Point. Qu’importe que l’assaillant du 7 octobre fût l'Iran via le Hamas ; qu’importe que les roquettes, les tunnels, les otages, les boucliers humains composent un tableau autrement plus complexe que ne le voudrait cette lecture dichotomique. L’asile devient l’outil d’un récit à charge, et l’État juif, sans procès ni défense, le coupable de l’époque.

On se souvient des enseignements d’Avot, dans la tradition rabbinique : « Al tadin et ‘haverekha ad shetaguia limkomo » – Ne juge ton prochain que si tu t’es mis à sa place. La CNDA n’a pas pris cette peine. Elle ne s’est pas placée à Sdérot, ni dans les décombres de Be’eri, ni dans la tête d’un soldat contraint de choisir entre tirer ou périr, entre avancer ou laisser mourir les otages sous terre. Elle s’est campée dans une tour d’ivoire compassionnelle, de celles où l’on confond les morts choisis et les vivants contraints, où l’on croit soulager la douleur des uns en condamnant les autres. Car il ne s’agit pas, ici, d’une simple affaire contentieuse. Il s’agit d’un basculement moral : désormais, ce n’est plus le danger que l’on évalue, mais l’image qu’il projette.

Le geste n’est pas juridique. Il est liturgique. C’est un encens versé sur l’autel d’un humanisme sans rigueur, une génuflexion offerte aux dieux fluctuants du sentiment. Mais l’encens, trop abondant, finit par masquer les braises. Et derrière la bonne conscience s’accumulent les scories d’un droit dévoyé, rendu perméable aux passions, poreux aux injonctions idéologiques. Pourquoi, sinon, ce traitement de faveur pour les Gazaouis ? Pourquoi eux, plutôt qu’un dissident ouïghour, un converti iranien ou un Kurde syrien ? Serait-ce que leur cause, à elle seule, suffit à supplanter l’examen de leur dossier ? Ou bien faut-il admettre que la nouvelle hiérarchie des victimes est déterminée non par les faits, mais par leur consonance avec l’air du temps ?

Ce n’est pas la première fois que la France se pare d’une vertu qui lui tient lieu de politique. Mais cette vertu-là, déconnectée du réel, travestie par l’ignorance stratégique, risque de coûter cher. Car en décrétant, par voie de jurisprudence, que l’identité palestinienne constitue en soi un motif de persécution, on amorce une dynamique d’asile de masse, juridiquement bancale et politiquement explosive. Le tamis de la loi se transforme en passoire idéologique. Le juge devient éditorialiste. Et le réfugié devient, malgré lui, l’étendard d’une guerre des représentations dans laquelle le réel est l’unique grand perdant.

On comprend mieux, alors, l’aphorisme talmudique : « Kol damim zo’ek » – tout sang crie. Mais certains sangs crient plus fort que d’autres, parce qu’ils rencontrent des oreilles prêtes à les entendre. Ce n’est pas le cri qui fait loi. C’est l’écoute qu’on en donne. Et cette écoute, quand elle se fait sélective, devient, non un acte de justice, mais une politique de l’émotion maquillée en humanité.

Le droit d’asile ne fut jamais conçu pour devenir un instrument de revanche symbolique contre les puissants du moment. En le tordant à cette fin, on abîme à la fois la loi et l’intelligence. Et comme souvent, dans les civilisations trop sûres de leur propre vertu, ce sont les mots qui trahissent les actes, et les actes qui finissent par rattraper les mots. Et ces mots-là et ces Mollah accusent Israël - Juif des Nations - responsable de tous les maux, las.


Eden Levi Campana