Le communiqué interobédientiel de la Franc-maçonnerie publié le 27 mai prétend offrir au monde une boussole morale (voir le communiqué https://godf.org/actualites/communiques-de-presse/communique-du-27-mai-2025-trouver-les-voies-de-la-paix-au-proche-orient-appel-solennel-des-francs-macons-et-francs-maconnes-engages-pour-la-fraternite-universelle/). Pourtant, derrière ses formules altières se cache une posture de confort : réciter des principes universels sans jamais regarder la réalité, puis pointer un doigt accusateur vers la seule démocratie du Proche-Orient.
En dénonçant Israël pour une prétendue « punition collective » tout en admonestant mollement le Hamas, les signataires confondent liturgie humaniste et analyse politique. Ils oublient que défendre le droit d’Israël à exister et à se défendre n’est pas une opinion, c’est un minimum éthique dès lors que le 7 octobre a révélé la nature exterminatrice de son adversaire.
Le raisonnement est simple : on aime les Juifs, mais à condition qu’ils incarnent l’idéal inaccessible, cette vertu christique qu’aucune autre nation ne supporte qu’en théorie. Israël doit donc être à la fois cible et modèle : on exige qu’il tende l’autre joue, renonce à la victoire, soigne même l’assaillant.
À l’inverse, on infantilise le Hamas, sorte de « pauvre créature », irresponsable, prisonnière d’un contexte qui la dépasse… Cette asymétrie morale relève moins de l’humanisme que d’un paternalisme condescendant : l’Oriental n’aurait pas les moyens de la civilisation, alors autant l’excuser d’avance.
La bonne conscience vient alors se payer de mots.
« Respect inconditionnel de la vie humaine », « rejet absolu de toute vengeance », « proportion et justice » : les mantras du texte s’enchaînent jusqu’à la saturation, sans jamais nommer la stratégie cynique qui consiste à transformer les civils de Gaza en boucliers humains.
Les otages ? Évacués en une ligne cérémonielle. Aussitôt l’hommage rendu, on retourne contre Tsahal l’accusation de brutalité, omettant de mentionner que chaque heure de combat prolonge également l’horreur promise par ceux qui conçoivent des tunnels sous les hôpitaux.
Comble de l’aveuglement : la charte fondatrice du Hamas, adoptée en 1988, cite noir sur blanc les francs-maçons (avec les Rotary et Lions Clubs) parmi les rouages d’un « complot juif mondial » destiné à « saper les sociétés ». L’article 22 de ce texte conspirationniste promet aux loges la même disparition qu’aux sionistes.
Qu’un groupe juré de vous éradiquer n’entame pas votre zèle irénique témoigne d’une déconnexion totale : l’idéal de fraternité n’exige pas l’amnésie.
L’indignation, elle, se déclenche à géométrie variable. Quand la coalition occidentale a rasé Mossoul pour déraciner Daech, nul n’a parlé de « catastrophe humanitaire » irréparable ; les bombardements étaient alors l’instrument légitime d’une guerre contre l’horreur.
Aujourd’hui, les mêmes comptent les victimes de Gaza avec les bilans fournis par… le Hamas !
La cohérence voudrait qu’on exige des chiffres vérifiés, qu’on rappelle que l’agresseur a choisi le terrain urbain précisément pour gonfler la comptabilité macabre. Mais la cohérence exige du courage, et le courage coûte plus qu’une signature au bas d’un manifeste.
Qu’à cela ne tienne : « belles âmes » il y a, et belles tournures aussi.
Dénoncer « toute forme de punition collective » sans jamais exiger la reddition de l’organisation terroriste, c’est confondre neutralité et couardise.
Qu’une guerre entraîne la mort de civils innocents est toujours tragique, quel que soit le camp touché. Et Tsahal peut aussi commettre des erreurs : « tirs amis » sur des soldats israéliens, bavures, comportements répréhensibles. On peut compter sur le zèle des médias israéliens eux-mêmes, prompts à en rendre compte dans la presse locale et internationale, mais on ne juge pas un conflit complexe à l’emporte-pièce, pas plus qu’on ne condamne tout un camp avec la radicalité expéditive du communiqué.
À mes amis maçons, j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne : les principes qu’ils brandissent (dignité humaine, refus de la vengeance…) sont bel et bien ceux qui guident Israël, État de droit qui soumet chaque frappe à un contrôle (de terrain mais y compris juridique) ardu. La mauvaise : ces principes ne sont pas partagés par le Hamas, dont la raison d’être est la mort de l’autre.
Ignorer cela revient à confier son avenir à l’honnêteté d’un bourreau.
Toutes les obédiences ne se sont pas jointes à cette déclaration, certaines (comme la GLNF) ayant refusé de cosigner. Tant mieux s'il existe encore dans les temples, à l’heure où la vérité n’est qu’une opinion parmi d’autres, des voix capables de distinguer le vrai du faux.
« Après le samedi vient le dimanche »… une société capable de laisser le fanatisme s’abattre sur les Juifs découvrira bien vite que la vague suivante la frappera, elle aussi. Ceux qui grondent aujourd’hui Israël découvriront alors, glacés, que la retenue imposée au défenseur prépare la déroute de l’observateur.
Un monde qui exige la perfection morale de ceux qui se protègent tout en détournant le regard de la sauvagerie de l’agresseur ne construit pas la paix, il scie la branche sur laquelle il s’assoit. Il ne restera alors aux prêcheurs que leurs mots pour guérir leurs maux, et aux francs-maçons authentiquement humanistes la tâche urgente de redécouvrir la lucidité comme première vertu.