Si vous me suivez depuis quelques temps, amis lecteurs, vous savez qu'il n'est pas dans mes habitudes de prendre des précautions de style en guise d'introduction. Aujourd'hui, c'est différent. Cela fait plusieurs semaines que j'essaie de taper sur le clavier ce que vous allez lire ; mais j'efface et je reprends à plusieurs reprises, sans me décider à envoyer la version définitive… C'est que le sujet est délicat et que cet article risque d'être mal interprété. Pourtant, j'ai le sentiment que les choses doivent être dites, malgré tout.
Le cruel dilemme des otages ne date pas, pour Israël, du 7 octobre. Dès les années 70 du siècle précédent, les organisations terroristes palestiniennes, qui jusqu'alors se « contentaient » d'assassiner des Juifs quand ils en avaient l'occasion, découvrirent tout l'avantage qu'elles pouvaient tirer de la prise d'otages : publicité plus longue et plus intense que les simples attentats, et surtout, efficace moyen de chantage face aux Juifs qu'une longue tradition historique et religieuse avait rendus particulièrement sensibles à ce que nos textes appellent le « pidyon chvouyim », le rachat des captifs.
C'est ainsi qu'une longue série de prises d'otages firent la une des journaux, en Israël et dans le monde. Rappelons l'une des toutes premières et parmi les plus célèbres : les athlètes israéliens aux J.O de Munich en 1972 (ils furent tués lors d'une opération ratée de la police allemande). Mais il semble que ce qui encouragea les terroristes à persévérer et à développer la méthode, c'est l'opération réussie, mais oubliée aujourd'hui, qu'ils menèrent à Vienne, un an plus tard. Les Juifs soviétiques autorisés à faire leur Alya devaient obligatoirement transiter par la capitale autrichienne. Ce jour-là, les terroristes prirent le contrôle d'un train de réfugiés juifs et exigèrent la fermeture du camp de transit en échange de leur libération, ce a quoi céda rapidement le chancelier (juif !) Bruno Kreisky, malgré les supplications de Golda Meir qui avait fait spécialement le voyage pour tenter de le convaincre de laisser le camp ouvert. Fort de ce succès, les terroristes accumulèrent les détournements d'avions et les prises d'otages.
Les gouvernements israéliens d’alors avaient adopté une position ferme : on ne négocie pas avec les terroristes (sauf si c'est pour les endormir) et on ne cède pas à leur chantage. À terme, cette politique de fermeté permit la diminution des détournements d'avions. Pour les otages, le risque, bien entendu, était grand et les opérations militaires tentées par Israël pour leur libération étaient parfois spectaculairement couronnées de succès (par exemple l'opération Sabena en 1972 ou l’opération Entebbe en 1976), mais pas toujours. Ainsi, l'horreur fut particulièrement ressentie lors de l'échec de l'opération du commando d'État-major qui tenta de libérer les otages de l'école de Maalot (25 morts dont 22 enfants) en 1974 ou, vingt ans après, lorsque Nahchon Wachsman fut tué lors de l'échec de l'opération de son sauvetage – à l'époque ou un certain Benyamin Netanyahou, étoile montante de la politique israélienne, publiait un ouvrage sur le terrorisme (sous-titre : Comment l'occident peut gagner) dans lequel il défendait la politique intransigeante d'Israël face au chantage des terroristes.
On aurait du mal à dire exactement quand et surtout pourquoi cette politique a changé. Israël a décidé de libérer de plus en plus de dangereux terroristes en échange de la libération d'otages, faisant parfois monter les prix à… 1000 contre 1 (Guilad Shalit) !
Ce qui a changé le 7 octobre, outre le nombre particulièrement élevé des otages kidnappés, c'est que tout cela aurait pu être évité si les autorités politiques et militaires n'avaient pas failli à leur mission. Mais c'est aussi que nous perdons parfois de vue que les prises d'otages en général et celles que nous subissons aujourd'hui en particulier ont une très forte dimension psychologique. Or certains d'entre nous se trompent de cible ! En faisant pression presque exclusivement sur le gouvernement israélien, comme s'il n'était pas intéressé à libérer les otages, on obtient le résultat opposé : le Hamas reprend espoir et fait monter les prix, ce qui ralentit la libération des otages que nous voulions accélérer. Comme un acheteur qui, oubliant les règles du marché oriental, espérerait que le vendeur baisse son prix, alors qu'il n'arrête pas de lui dire qu'il est prêt à payer immédiatement n'importe quelle somme ! Les pressions, c'est sur le Hamas et ses amis qu'il faut les exercer ! Quelle que soit notre opinion sur le gouvernement, cessons de lui jeter la pierre et de l'accuser d'être insensible au sort de nos otages. Le Hamas ne cède que lorsqu'il comprend qu'il a tout à perdre en s'entêtant, et non tout à gagner ! Il faut donc poursuivre et intensifier les pressions militaires, économiques et diplomatiques sur l'organisation terroriste ! C'est la seule solution.
Il ne s'agit bien sûr pas de critiquer telle ou telle déclaration de certaines familles d'otages – qui sait comment nous aurions réagi à leur place ? Ils ont le droit de s'exprimer comme ils le sentent et nous n'avons pas le droit de les juger. Mais est-ce une raison pour jouer le jeu des terroristes en relayant les vidéos sadiques dans lesquelles les malheureux otages sont forcés de rendre Israël coupable de leur captivité, ou pour mener une intense campagne médiatique qui accuse encore et toujours le gouvernement de ne pas céder tout de suite et à n'importe quel prix au chantage ? Ne sommes-nous pas conscients que ce faisant nous prolongeons inutilement leur souffrance ?
Tant que nos frères et sœurs ne seront pas tous libérés, Israël ne pourra pas reprendre le cours normal de son existence. Puissions-nous ne pas nous tromper dans la manière d'y parvenir !
Arrêtez-moi si je dis des bêtises…
Rav Elie Kling
Tribune publiée dans AJ Mag numéro 1020
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