Economies & sciences

GAFA sous pression

Enjoints de couper les ponts avec Israël, aucun des géants de la tech n’a pour l’instant cédé

4 minutes
22 juillet 2025

ParNathalie Sosna Ofir

GAFA sous pression
Istock

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Depuis le 7 octobre, les géants de la tech font face à des pressions internes et externes inédites, les appelant à rompre leurs liens commerciaux et technologiques avec Israël. Entre protestations d’employés, accusations de « complicité dans un génocide » et campagnes de boycott, Google, Microsoft, Amazon, Meta – et même Nvidia – se retrouvent sur la sellette.

La guerre à Gaza, diffusée en continu sur les écrans du monde entier, alimente un climat tendu dans la Silicon Valley. Ces entreprises, toutes solidement implantées en Israël via des centres de R&D stratégiques, voient leur engagement remis en question. La loyauté envers l’État hébreu, à travers des contrats technologiques notamment dans le domaine de l’intelligence artificielle, se heurte à une mobilisation croissante de salariés, investisseurs et ONG.

Microsoft en est un exemple frappant. Une proposition d’actionnaires, emmenée par 60 investisseurs représentant 80 millions de dollars, exige la publication d’un rapport officiel sur l’usage potentiel de ses produits dans des violations du droit international par Israël. Le groupe a reconnu avoir fourni une aide technologique limitée et encadrée après le 7 octobre pour faciliter les opérations de sauvetage des otages, tout en affirmant ne pas pouvoir contrôler l’usage exact fait de ses outils.

Les tensions ont franchi un cap lorsque deux ingénieures ont été licenciées pour avoir interrompu un événement officiel à Seattle. D'autres employés ont publiquement accusé Microsoft de « blanchir des crimes de guerre ». Google, de son côté, fait face à une contestation plus organisée : des employés de DeepMind à Londres ont récemment lancé un syndicat, certains ont démissionné en signe de protestation, et plus d’un millier d’étudiants se sont engagés à boycotter Google et Amazon tant que le projet Nimbus – contrat cloud israélien de 1,2 milliard de dollars – ne sera pas abandonné.

Les actions de désobéissance civile se multiplient. À New York et en Californie, des sit-in ont été organisés sur des campus de Google, une intrusion dans le bureau du patron de Google Cloud a entraîné plus de 50 licenciements. Un ingénieur a été congédié sur-le-champ après avoir interrompu une conférence à New York en s’en prenant publiquement à Google Israël.

Les entreprises tentent de maintenir une neutralité de façade en limitant les échanges politiques internes, mais cela leur vaut d’être accusées de partialité ou de censure. Microsoft filtre les courriels contenant les mots « Palestine » ou « Gaza », tandis que Meta modère les posts internes pro-palestiniens, supprimant aussi les contenus jugés antisémites ou haineux.

Human Rights Watch et Amnesty accusent Meta de censure systémique des contenus pro-palestiniens. Le rapporteur de l’ONU pour les droits des Palestiniens, Francesca Albanese, va jusqu’à affirmer que Gafa seraient complices d’un « génocide », des propos vivement critiqués mais publiés dans un rapport onusien officiel.

Les dirigeants eux-mêmes sont pris à partie. Jensen Huang, Nvidia), Sundar Picha, Google, Satya Nadella, Microsoft et Mark Zuckerberg, Meta),sont pointés du doigt pour leur supposé soutien à Israël. Certains comme Huang – fervent défenseur du high-tech israélien – ou Sergey Brin -cofondateur de Google- qui a qualifié le rapport de l’ONU « d’antisémitisme évident », sont visés pour leurs positions personnelles.

Des documents de communication BDS accusent désormais Israël d’avoir une « influence disproportionnée dans les hautes sphères des géants technologiques », et évoquent un lobbying pro-israélien structurant au sein même des conseils d’administration.

Le projet Nimbus, partagé entre Google et Amazon, cristallise l’opposition. Ses détracteurs affirment qu’il permettrait une surveillance massive des Palestiniens via reconnaissance faciale et classification automatisée. Les entreprises assurent que l’usage de cette technologie n’est ni militaire ni destiné au renseignement, mais l’argument peine à calmer les critiques.

Malgré la contestation, aucune des sociétés n’a pour l’instant cédé. L’intérêt stratégique de l’écosystème israélien, l’expertise de ses ingénieurs et le poids des contrats en cours freinent toute rupture brutale. Mais les signaux d’alerte s’accumulent.

Les entreprises doivent désormais composer avec une double menace : la remise en cause de leur image de responsabilité sociale et les tensions internes grandissantes, qui pourraient se traduire par des démissions en masse, des procès pour licenciement abusif ou des campagnes de boycott à large échelle.

Jusqu’ici, leur puissance financière et leur ancrage stratégique en Israël ont agi comme un bouclier. Mais à l’heure où l’activisme numérique s’allie aux réseaux d’investisseurs et aux grandes ONG, même les mastodontes de la tech pourraient vaciller.

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