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Tribune - Allez visiter les zones martyres du Sud. Il le faut

Un périple éprouvant mais nécessaire.

7 minutes
6 août 2025

ParJean-Pierre Braun

Tribune - Allez visiter les zones martyres du Sud. Il le faut

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Bien plus que toute autre religion ou culture, le judaïsme valorise la transmission de notre histoire, de nos traditions et de nos valeurs, de génération en génération. Yad Vashem s’est transformé au fil des années, d’un lieu d’inventaire des douleurs et des tragédies les plus profondes de notre peuple, en une expérience didactique unique au monde, un endroit à ne pas manquer pour qui veut intégrer ces heures sombres de notre histoire de manière indélébile dans son être profond.

Le musée du Goush Katif à Jérusalem a bien compris ce message, et au-delà de la tragédie de cet abandon brutal en août 2005, a approfondi à très juste titre ce côté éducatif avec un exposé nécessaire des racines ancestrales du peuple juif sur ces parcelles de terre.

Les zones martyres du Sud incluent toutes les régions, les villes, les kibboutzim, la route 232, le site du Festival Nova, etc. qui ont vécu dans leur chair le drame du 7 octobre 2023. Ces zones sont en fait un gigantesque musée à ciel ouvert, un mausolée sans fin qui cherche à honorer la mémoire bénie des très nombreuses victimes, à témoigner de leur calvaire insupportable, à saluer le courage invraisemblable des héros de cette guerre qu’Israël n’a pas commencée, et à apporter soutien et gratitude envers les survivants qui essayent de surmonter des séquelles physiques et psychologiques immenses.

Il s’agit d’un musée en devenir, d’une structure qui n’a pas trouvé sa forme finale, et qui au fil du temps développera un aspect éducatif qui permettra la transmission durable de cet évènement tragique unique dans l’histoire moderne d’Israël.

Aujourd’hui, ces zones martyres du Sud portent un témoignage. Si triste, si puissant, si indispensable à tous ceux qui comme nous ont vécu, par le simple fait d’être en Israël, cette période si sombre qu’on pensait ne jamais revivre.

Avec quelques membres de ma famille, nous avons passé récemment une journée complète dans ces zones martyres du Sud. Nous l’avons fait avec un guide local, lui-même héros du 7 octobre, grand blessé, qui commence tout juste à se remettre de ses multiples opérations chirurgicales et des mois passés à l’hôpital.

Pour nous tous, ce fut une expérience inoubliable, rendue encore plus véridique, plus authentique, plus dramatique par le témoignage de notre guide et par les récits des autres témoins que nous avons rencontrés tout au long de cette journée. Il ne m’appartient pas de rapporter ici leurs paroles, je ne pourrais pas leur faire justice. Mon but est simplement de vous inciter, cher lecteur, à vous rendre dès que possible dans ces zones martyres du Sud. Si possible, faites-le avec un voyage organisé, faites-le avec un guide.

Site du festival Nova

La visite du site du festival Nova est particulièrement saisissante. Pour chacune des 411 victimes, un mémorial informel individualisé a été érigé, avec photo, biographie, éloges, souvent avec quelques objets personnels, et toujours avec des témoignages de proches, plus déchirants les uns que les autres.  Nous devons à leur mémoire bénie de parcourir lentement ce site, de lire ce que fut leur vie, et de considérer l’immense horreur que fut leur calvaire. Il y a toujours de très nombreux visiteurs sur le site de Nova : des groupes d’écoliers, de jeunes israéliens, américains, français, etc.. Il y fait très chaud, mais tout le monde s’attarde, veut savoir, veut connaitre, cherche des amis, des connaissances, des voisins parmi les victimes.

Il faut impérativement s’arrêter devant les abris qui longent cette route de l’horreur qu’est la 232. Dans ces abris, tant d’Israéliens ont été sauvagement assassinés. Sur les murs de ces structures tant à l’extérieur qu’à l’intérieur on peut voir les innombrables impacts de munitions de gros calibres. Sur ces mêmes murs, les familles, les proches et même les visiteurs ont écrit des messages et collé des photos des victimes. Tout contribue à une atmosphère de tragédie immense, de tristesse infinie.

Il n’y a pas de coïncidence : au fil de nos rencontres hélas post mortem avec ces victimes que nous voulons honorer par notre présence, nous avons retrouvé une amie de notre famille de Los Angeles, assassinée en ce 7 octobre dans un abri au bord de la route. Un peu plus loin, nous avons pu voir l’intérieur d’un autre abri, toujours sur la 232, où est tombé Aner Shapira, z'l, dont nous avons l’honneur de bien connaitre la famille. Aner, un héros parmi les héros, est tombé sous la mitraille des assassins après avoir fait preuve d’un courage et d’une abnégation sans égaux.

Il est important aussi de s’arrêter vers les monuments plus modestes mais tout aussi importants, érigés le long de cette route là où des victimes ont perdu la vie, ou bien là où des batailles souvent inégales, acharnées, ont eu lieu.

Le mémorial à la mémoire des observatrices, sur une petite colline non loin de là, est une étape obligatoire dans toute visite de ces sites. Tout le monde se rappelle de leur position en toute première ligne, de leurs messages désespérés, de leur témoignages véridiques et pourtant ignorés par leur hiérarchie. Peu ont survécu, certaines sont tombées dans un combat inégal, d’autres ont été prises en otages à Gaza. Le sort tragique de ces héroïnes qui ne demandaient qu’à servir leur pays ne laisse personne indifférent.

Nous y avons rencontré un groupe de soldats, certains d’entre eux épuisés par des périodes de réserve très très longues, mais tous motivés par un sens du devoir sans faille et par l’amour de notre pays. Ces rencontres nous permettent de comprendre et de connaitre les endroits, les évènements, les héros. Il faut parler à ces soldats, mieux encore, il faut les écouter, apprendre de leurs expériences.

Le cimetière de véhicules situé non loin de là offre une perspective différente : l’empilement de ces centaines, peut-être de ces milliers de carcasses criblées de balles, incendiées (y compris des ambulances prises délibérément pour cible par les barbares assassins), défoncées par les explosions, cela laisse pantois, sans voix. Là on prend la mesure de la magnitude de cette attaque et de ce massacre. Combien de terroristes a-t-il fallu pour perpétrer une tuerie de cette ampleur, combien de victimes innocentes y ont perdu la vie, pourquoi, comment ?

Au retour de ce périple ô combien nécessaire, en longeant les kibboutzim et la ville martyre de Sderot, et les autres localites avoisinantes, la vue des grues et des très nombreux chantiers de construction nous offre encore une autre réflexion : la résilience des Israéliens, du peuple Juif en général ne connait pas de limites. Après les épreuves les plus terribles, nous nous armons de courage et nous reconstruisons : nos bâtiments et notre vie. Pas n’importe où, ici même, sur la terre d’Israël que nous aimons et que nous défendrons toujours.

Allez visiter les zones martyres du Sud. Il le faut. Armez vous d’eau fraiche et de mouchoirs en papier, c’est une expérience qui va vous émouvoir, vous toucher au plus profond de vous-même. Allez-y pour voir les sites, pour rencontrer les survivants, les acteurs de ce drame et les héros. Mais aussi et surtout pour honorer la mémoire bénie des victimes.

Jamais nous ne les oublierons, jamais nous ne pardonnerons.

 

Jean-Pierre Braun a passé sa carrière au cœur de la Hi Tech dans la Silicon Valley (Californie). Jean-Pierre a également été le fondateur et président pendant 20 ans d’une synagogue unique au centre de la Silicon Valley et, à son retour en France, est devenu vice-président du CRIF Rhône Alpes et président de la communauté Rachi à Grenoble. Avec sa femme Annie, ils ont fait leur Aliyah a Jérusalem en 2016.


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