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Tribune - Le temps joue en faveur du Hezbollah

''Le temps joue en faveur du Hezbollah, il ne faut pas retarder son désarmement et ne pas se retirer trop tôt du Liban'', selon le Dr Zoe Levornik, chercheuse au centre israélien Alma.

7 minutes
3 septembre 2025

ParDr Zoe Levornik

Tribune - Le temps joue en faveur du Hezbollah
Photo by Asaad Syria/Flash90

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Des médias britannique (The Guardian) et allemand (Deutsche Welle, DW) ont alerté sur le fait que « la pression pour accélérer le désarmement du Hezbollah pourrait mettre en danger le Liban, entraînant des affrontements, voire une guerre civile, et qu’un processus lent et par étapes devrait être adopté ». Selon ces médias, les efforts doivent d’abord se concentrer sur la construction de l’État et le renforcement des institutions. De plus, ils affirment que les membres du Hezbollah devraient être intégrés à ce processus afin de ne pas isoler ou pénaliser les membres de l’organisation. Le problème, avec cette approche qui suggère que le désarmement doit être mené lentement et seulement après l’achèvement du processus de construction de l’État, est que le temps joue en faveur du Hezbollah. Le Hezbollah espère qu'avec le temps, la détermination et la capacité d'Israël, du gouvernement libanais et des États-Unis à agir contre lui s'affaibliront.

La stratégie du Hezbollah consiste à faire traîner le processus afin de permettre sa réhabilitation militaire. La décision du gouvernement libanais de désarmer le Hezbollah, prise sous la pression américaine, a conduit le Hezbollah à menacer de ne pas déposer les armes, même au prix d'une guerre civile. La position du Hezbollah est qu'Israël doit d'abord se retirer du Liban et cesser ses attaques, puis il sera disposé à discuter (le Hezbollah ne s'engage pas à désarmer en échange du retrait d'Israël, mais seulement à en discuter).

À cela s'ajoutent les revendications du Hezbollah selon lesquelles « les armes sont l'identité et l'honneur du Hezbollah, qu’il vaut mieux mourir que rendre les armes, qu’il est le protecteur du Liban contre Israël et qu'il n'abandonnera jamais la résistance ». Récemment, un nouvel argument a rejoint son arsenal narratif : depuis la chute du régime d'Assad, le Hezbollah défend le Liban contre les attaques des djihadistes sunnites venus de Syrie. Ce discours s'appuie sur l'héritage des combats que le Hezbollah a menés aux côtés de l'armée libanaise contre Daech dans la région d'Arsal, à la frontière libano-syrienne, en 2017. Parallèlement à la reconstruction de ses infrastructures et de ses capacités militaires, le Hezbollah reconstitue également son arsenal de prétextes et de récits pour justifier de conserver des armes et de continuer à s'armer. Face aux efforts constants du Hezbollah pour se reconstituer, Israël agit quotidiennement pour contrecarrer la menace. Le Centre Alma fait une veille permanente de ces tentatives de réhabilitation citées dans de nombreuses publications.

Malgré des condamnations officielles, l'intervention israélienne et la crainte d'une escalade constituent le principal levier du gouvernement libanais contre le Hezbollah. D'où la nécessité d'agir maintenant, alors que le Hezbollah est affaibli et que le gouvernement israélien est déterminé à le maintenir à ce niveau. Le Hezbollah, bien sûr, n'a aucun intérêt à laisser l’État se structurer ni à renforcer le gouvernement libanais.

Son pouvoir découle des divisions et de la faiblesse du Liban, qui lui permettent de maintenir un État dans l'État et de maintenir sa base chiite fidèle au Hezbollah indépendante de l'État. Depuis des décennies, il utilise son pouvoir politique pour protéger ses propres intérêts au détriment du bien-être du Liban. Le Hezbollah ne sert que ses propres intérêts et ceux de l'Iran au Moyen-Orient. Le démantèlement du Hezbollah ne se résume pas à un désarmement, mais aussi à un démantèlement de son pouvoir politique et économique.

Contrairement à ce que prétendent les médias, l'intégration de membres du Hezbollah au processus politique porterait atteinte à la stabilité du gouvernement et à l'objectif ultime, le démantèlement complet du Hezbollah au Liban. Le renforcement du gouvernement et de l'armée libanais est une étape cruciale, mais ces processus prendront du temps. Ils doivent donc être menés en parallèle, et non avant l'adoption de mesures contre le Hezbollah. L'État libanais se renforce grâce au démantèlement du Hezbollah ; tant qu'il le pourra, le Hezbollah œuvrera à l'affaiblissement du Liban. Le succès du gouvernement libanais dans le démantèlement du Hezbollah et l'affirmation de son autorité dans tout le pays constitue la première et la plus importante étape vers le renforcement et la reconstruction de l'État. Outre la pression internationale, des efforts considérables sont également déployés pour renforcer l'État et l'armée libanais. Par exemple, lors de discussions tenues au Liban le 18 août, l’émissaire américain Tom Barrack et ’envoyée spéciale américaine Morgan Ortagus ont présenté des incitations économiques, des investissements internationaux et même une coopération indirecte avec Israël afin de mettre en œuvre une stratégie économico-politique et pas seulement sécuritaire.

La guerre a créé des conditions qui permettent au gouvernement libanais d'agir contre le Hezbollah : l'atteinte aux capacités militaires, économiques et politiques de l'organisation ; l'affaiblissement de l'Iran et de l'axe chiite ; la chute du régime d'Assad et la perte du corridor syrien ; ainsi que le soutien américain et international au gouvernement libanais. Il est clair que le désarmement du Hezbollah est un processus complexe dont les chances de succès sont plus faibles que ses chances d'échec. Le Hezbollah ne renoncera pas volontairement à ses armes, et il est probable que l'armée libanaise sera contrainte de l'affronter si elle tente sérieusement de le démanteler (contrairement à ce qui se passe aujourd'hui).

Retarder cette action permettra au Hezbollah de se redresser et de se renforcer, rendant ainsi toute confrontation encore plus dangereuse à l'avenir. Jusqu'à présent, l'action de l'armée libanaise en matière de désarmement a été très limitée. Selon le rapport du Guardian, le manque de preuves s'explique par la volonté du gouvernement libanais de ne pas provoquer outre mesure le Hezbollah en publiant des informations sur les caches d'armes confisquées. Cependant, l'armée et le gouvernement libanais n'ont pas hésité à publier des rapports chiffrés sur les activités au sud du Litani. Alors pourquoi les preuves visuelles ne sont-elles pas publiées avec la même ampleur que les chiffres rapportés ?

Par conséquent, tant que le processus de désarmement du Hezbollah n'est pas achevé, Israël ne peut se retirer du Liban ni cesser ses attaques. Un retrait israélien constituerait une victoire morale pour le Hezbollah et lui permettrait, ainsi qu'à sa base, de se renforcer et de saper l'autorité de l'État.

Il est clair que le Hezbollah prépare déjà sa campagne de propagande sur sa « victoire divine ». Cette campagne débutera dès qu'Israël commencera à se retirer des cinq points stratégiques qu'il a conquis sur le sol libanais. Le Hezbollah construit préventivement le récit de l'échec du processus et de la détérioration de la situation, en imputant la responsabilité à Israël et aux États-Unis. Ce discours ne doit pas être encouragé et la pression sur le Hezbollah ne doit pas être relâchée.

Le Liban n’a pas à choisir entre la guerre contre le Hezbollah ou contre Israël, mais entre un Liban indépendant et souverain sur son territoire et un Liban fragmenté soumis aux diktats de l'Iran et du Hezbollah. Les États-Unis exercent une pression non seulement sur le Liban, mais aussi sur Israël. Après la décision du gouvernement libanais de désarmer le Hezbollah, les États-Unis ont demandé à Israël de limiter ses attaques au Liban et de permettre à l'armée libanaise d'agir. En réponse, le Premier ministre Netanyahou a annoncé le 25 août qu'Israël appréciait la décision du Liban et était prêt à soutenir le Liban dans ses efforts de démantèlement des armes du Hezbollah. Si les forces de sécurité libanaises prennent des mesures en vue du désarmement, Israël prendra des mesures réciproques, notamment une réduction progressive de la présence de Tsahal en coordination avec les États-Unis. La probabilité que l'armée libanaise parvienne à démanteler elle-même l'armement du Hezbollah, totalement (ou même partiellement), est faible. Israël doit donc faire preuve de prudence et éviter tout retrait prématuré, tant physique des cinq zones du Liban que de ses activités offensives visant à réhabiliter le Hezbollah. Un mauvais timing permettrait au Hezbollah de restaurer ses capacités militaires et politiques et de redevenir une menace importante pour Israël. Quoi qu'il en soit, Israël doit à tout prix préserver sa liberté d'action face au Hezbollah.

Traduit et adapté par Esther Amar

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