La police de Hambourg a mené mardi matin une série de perquisitions dans les bureaux de la société de sécurité "System 360", dirigée par August Henning, ancien patron des services secrets allemands de 2005 à 2009. Cette opération s'inscrit dans le cadre d'une enquête sur un scandale d'enlèvement d'enfants qui secoue l'Allemagne et implique des anciens agents du Shin Bet israélien.
Une héritière accusée d'orchestrer l'enlèvement de ses propres enfants
Au cœur de cette affaire : Christina Block, fille de l'homme d'affaires et propriétaire de la célèbre chaîne de restaurants Block House. Elle est jugée pour avoir prétendument planifié l'enlèvement de ses deux enfants, Clara (13 ans) et Theodor (10 ans), du domicile de leur père au Danemark, le soir du Nouvel An 2024.
L'enlèvement allégué aurait été organisé dans le contexte d'une longue bataille pour la garde de ses quatre enfants avec son ex-mari. Christina Block affirmait que Hensel avait, pendant deux ans, refusé de permettre aux deux plus jeunes enfants de retourner en Allemagne, violant un accord selon lequel leurs quatre enfants vivraient avec elle pendant la semaine et verraient leur père un week-end sur deux.
Le conflit a été déclenché par le refus des enfants de retourner chez leur mère lors d'une visite chez leur père au Danemark
Pour mener à bien cette opération, l'héritière aurait fait appel à la société de sécurité israélienne "Cyber Cupula". Bien que Christina Block nie catégoriquement les accusations, le parquet général estime qu'elle avait déjà tenté un enlèvement similaire un an plus tôt via la société "System 360" d'August Henning.
Un complot aux ramifications multiples
Les charges retenues contre August Henning et ses complices présumés sont lourdes : planification d'enlèvement aggravé de mineurs, complot en vue de commettre un enlèvement et possession de pornographie juvénile.
L'enquête révèle un plan particulièrement sordide : Christina Block et les responsables israéliens de "Cyber Cupula" auraient tenté de faire passer son ex-mari Stefan Hansel et l'avocat de ce dernier pour des pédophiles. En septembre 2023, un disque dur contenant plus de 500 images et 64 vidéos de pornographie infantile, collectées par l'entreprise israélienne, a été découvert au domicile du père.
Stefan Hansel, qui a lui-même signalé cette découverte à la police danoise, a permis de déjouer cette machination.
La première tentative : un enlèvement manqué de justesse
L'enquête remonte à novembre 2022, quand "System 360" avait été mandatée pour enlever les enfants contre plus de 100 000 euros. Le plan était minutieusement orchestré : tendre une embuscade aux enfants à leur retour d'école le matin du 9 novembre 2022, neutraliser leur escorte et permettre à Christina Block de les récupérer dans une voiture qui les attendrait pour les ramener à Hambourg.
Les enquêteurs n'excluaient pas l'usage de la force pour mener à bien cette opération. Seule la vigilance de Stefan Hansel, qui avait remarqué des individus suspects devant son domicile et alerté la police danoise, a permis d'éviter le drame. Six suspects ont été interpellés, dont deux étaient armés de couteaux.
L'ombre de l'ancien chef du Shin Bet
L'affaire prend une dimension internationale avec l'implication présumée de Yaakov Perry, ancien directeur du Shin Bet (service de sécurité intérieure israélien). Selon le journal allemand Bild, Henning lui aurait demandé de constituer l'équipe chargée de l'enlèvement.
Perry se serait déclaré prêt à témoigner sur le rôle de Henning, sous condition de confidentialité. L'avocat de Stefan Hansel a également évoqué un versement de 7 millions d'euros à la société israélienne de renseignement économique "CGI", présidée par Perry.
Cependant, l'ancien chef du Shin Bet dément catégoriquement ces accusations : "Toute cette affaire est une farce et quiconque la publierait s'exposerait à des poursuites." Henning nie également tout contact avec Perry et toute connaissance du versement de 7 millions d'euros.
Des motivations troubles
L'un des agents israéliens impliqués, Tal S. (nom protégé par la législation allemande), arrêté à Chypre en septembre et actuellement détenu en Allemagne, a témoigné ce mois-ci. Il affirme ne pas avoir pas agi dans un but lucratif mais "au bénéfice des enfants".
Christina Block, qui risque jusqu'à dix ans de prison si elle est reconnue coupable, maintient que la société de sécurité israélienne a agi de sa propre initiative et que c'est sa défunte mère qui avait financé l'opération.
Les services de renseignement allemands n'ont pour l'heure émis aucun commentaire sur cette affaire qui soulève de nombreuses questions sur les pratiques de certaines sociétés de sécurité privées et leurs liens avec d'anciens responsables des services secrets.