La France a donc reconnu l'Etat de Palestine.
Outre les innombrables questions et questionnements que pose cette démarche subite de la France qui avait toujours considéré que cette étape ne serait franchie que lorsqu'elle "serait utile" – c'était jusqu'à maintenant la position officielle de la diplomatie française, on peut donc légitimement se poser la question de savoir si cette reconnaissance sera utile ?
Cependant, il est possible de poser une autre question.
Y-avait-il dans le passé des occasions au cours desquelles la France aurait pu être utile ?
Remontons à 1947 ; la France se fait tirer l'oreille par les Américains (déjà, oui !) pour approuver la résolution 181 qui établit le partage de la Palestine. Les garanties sur l'internationalisation de Jérusalem ne lui semblaient pas suffisantes….
Mais en mai 1948, lorsque l'Etat d'Israël est créé, la France aurait pu convaincre ses partenaires arables de ne pas se lancer dans la guerre pour essayer d'étouffer l'embryon de l'Etat juif. Elle aurait pu reconnaitre l'Etat de Palestine dont le territoire venait d'être occupé et annexé par la Jordanie pour la Judée Samarie, et par l'Egypte pour la bande de Gaza.
Pendant 19 ans la France aurait pu reconnaitre cet Etat palestinien que ni les Palestiniens eux-mêmes, ni les arabes ne voulaient créer….
Puis en 1967, Israël propose de restituer les territoires conquis pendant la guerre des 6 jours en échange de la paix.
La France aurait pu faire pression sur le monde arabe pour répondre par l'affirmative à la proposition israélienne.
Elle aurait pu à ce moment-là s'engager à reconnaitre l'Etat palestinien si il était créé. Mais elle est restée muette et indifférente à la triple réponse négative de la ligue arabe à Khartoum en août 67…. Non à la reconnaissance d'Israël, non à la négociation, non à la paix.
Des occasions ratées il y a plus de cinquante ans, mais c'est aussi le cas dans un passé bien plus proche de nous qui nous permet de constater cette véritable faillite permanente de la diplomatie française au Proche-Orient.
Au lieu de se féliciter de la paix conclue avec l'Egypte en 1978 dans le cadre des Accords de Camp David, la France émet de sérieuses réserves pour ne pas dire les condamne. Rappelons-nous les propos de Valery Giscard d'Estaing :
« La paix, pour exister, ne peut être qu’une paix globale. Si la paix n’est pas globale, il n’y aura pas de paix au Proche-Orient ».
Une occasion ratée de plus alors que la France aurait pu aider les Palestiniens à accepter la proposition de Menahem Begin d'un plan d'autodétermination….
Puis plus proche de nous encore, l'été 2000. Les négociations israélo-palestiniennes menées à Camp David par le gouvernement d'Ehud Barak sous l'égide du Président Clinton.
A nouveau, Israël propose la création d'un Etat palestinien sur l'essentiel des territoires de 1967. Arafat s'envole pour Paris le 29 juillet 2000 où il est reçu par le Président Chirac qui lui aurait conseillé de refuser l'offre israélienne jugée insuffisante. De très nombreuses sources, y compris le Président Clinton lui-même confirment cette version.
Encore une fois la France a raté l'occasion de reconnaitre utilement un Etat palestinien et de contribuer à la paix.
Mais cette reconnaissance va bouleverser les choses ; elle ne constitue pas, quoi que s'en défende Emmanuel Macron, une perspective de paix.
Bien au contraire :
Elle conforte le Hamas qui ne peut pas ne pas y voir la récompense de ses exactions et le triomphe de sa stratégie de refus de toute solution négociée et de destruction d'Israël.
Elle encourage l'Autorité palestinienne qui depuis son établissement en 1994 a toujours promis la démocratie et la réconciliation mais n'a jamais respecté ses engagements.
Elle installe durablement le régime corrompu et autoritaire d'Abu Mazen et favorise donc tous les extrêmes à poursuivre leur œuvre.
Décidément la France aura raté toutes les opportunités de soutenir la paix au Proche-Orient !
Elle aura raté également d'assumer son rôle de leadership sur son propre continent, l'Europe. Elle aura réussi à convaincre quelques pays comme la minuscule Principauté d'Andorre ou de San Marin, Malte et le Grand-Duché du Luxembourg à se joindre à elle.
Quel beau succès diplomatique Monsieur Macron !
Chronique de Daniel Saada sur RadioJ
Diplomate israélien depuis plus de 30 ans, Daniel Saada a été ambassadeur par intérim d'Israël en France en 2021