Israël

Quand les petits-fils reprennent le flambeau de 73

Cinq décennies après la guerre du Kippour, des soldats de 2025 entrent au combat portés par les récits, les valeurs et parfois les noms de leurs grands-pères tombés ou héros de 73. Trois histoires, un même héritage.

4 minutes
1 octobre 2025

ParDelphine Miller

Quand les petits-fils reprennent le flambeau de 73
Site Officiel de Tsahal

Désolé, votre navigateur ne supporte pas la synthèse vocale.

« La terre est faite de provinces de mémoire et de cercles d’espérance, et leurs habitants se mêlent les uns aux autres », écrivait Yehouda Amichaï. En cette période de Yom Kippour, ces mots résonnent plus fort que jamais : les enfants de ceux qui ont combattu en 1973 sont aujourd’hui eux-mêmes sur la ligne de front, écrivant leur propre chapitre.

Transmission au combat : la lignée du “Tiger”

Uri, ancien commandant de char de la 7ᵉ brigade blindée pendant la guerre de Kippour, se souvient d’un épisode décisif : l’embuscade du « groupe Tiger » sur le plateau du Golan. Son unité avait détruit près de 60 chars et blindés syriens et repoussé leur progression vers Quneitra. Sa compagnie fut la seule à terminer la bataille sans pertes humaines, portée par la discipline, la préparation et l’exigence de leur chef.

Aujourd’hui, son petit-fils, T., sert comme sergent au sein du 932ᵉ bataillon de la brigade Nahal. Recruté à l’été 2023, il entre immédiatement en guerre. Dans la bande de Gaza, il applique les principes transmis par son grand-père : équipement prêt, discipline, réactivité. Lorsque les décisions de commandement deviennent complexes, il lui écrit directement. Ensemble, ils discutent tactique, éthique et commandement. Dans son sac, T. emporte même le livre rédigé par son grand-père, « Tiger, position 1 », décrivant les collines mêmes où il se trouve aujourd’hui : « Lire ses mots dans le paysage où je combats, c’est indescriptible. »

Le char d’hier, le génie d’aujourd’hui

Zvi, ancien tankiste de la brigade 188 en 1973, n’était pas destiné aux blindés. Il a quitté l’infanterie mécanisée au début de la guerre pour rejoindre un char en pleine bataille, avant de devenir chef d’équipage. Aujourd’hui, son petit-fils Y., sergent et infirmier au sein du bataillon du génie de combat 605 — toujours sous la même brigade 188 — sert à Gaza et au Liban.

Lorsqu’il rentre à la maison pour un Shabbat en famille, les récits s’échangent autour de la table. « J’ai grandi avec ses histoires. Si je suis au combat, c’est grâce à lui », confie le petit-fils. Un soir, rappelé en urgence en pleine réunion familiale, il dit avoir ressenti la même secousse que son grand-père, appelé depuis la synagogue en 73. Zvi, presque 80 ans, confie : « Je m’inquiète pour lui, mais je suis fier. Quand il raconte ce qu’il vit, je me sens encore dans l’histoire. »

Le souvenir d’un disparu transmis aux vivants

Le troisième récit commence par une absence. Le grand-père de B. servait dans la brigade de Jérusalem (16ᵉ) et a été tué lors des combats au poste fortifié « Milano » pendant la guerre de 73. Porté disparu pendant trois semaines, il n’a été inhumé qu’après cinq mois. Son fils A. n’avait que six ans.

Cette disparition l’a façonné : il a promis de poursuivre sa trace en intégrant l’armée, d’abord dans un cours de pilotage, puis comme officier du renseignement. Il suit encore aujourd’hui un troisième cycle de réservistes depuis le début de la guerre actuelle. À force d’étudier les archives et les témoignages, il est devenu historien militaire spécialisé dans la guerre du Kippour.

Son propre fils, B., a grandi avec les récits minutieux du combat où son grand-père est tombé. Lors de son service régulier, il commande une compagnie dans le bataillon 1810 de la brigade des montagnes et croise, lors d’une cérémonie du souvenir, d’anciens camarades de son grand-père venus parler à ses soldats de ceux qui ne sont jamais revenus. Père et fils cumulent aujourd’hui plus de 350 jours de service depuis octobre, l’un comme officier du renseignement dans les divisions 36 et 96, l’autre comme commandant de compagnie.

A., le père, confie avec émotion : « Je ne suis pas le grand-père idéal pour les enfants de B. à cause des réserves, mais je sais qu’avec lui, nous continuons ensemble la route de mon père : servir notre pays autant que possible. »

ActuJ
Tags