Quand les sirènes ont retenti le 7 octobre, Natan a fait ce qu’il faisait depuis près de trois décennies : courir vers le danger. Avec son équipe de ZAKA, il a rampé entre les carcasses brûlées et les maisons détruites près du kibboutz Nahal Oz pour récupérer les corps et fragments, afin qu’aucune famille ne reste sans sépulture. En pleine fusillade, il a levé devant lui… une simple planche à découper, celle de sa cuisine de chef, imaginant naïvement qu’elle le protégerait des balles.
Mais sa guerre personnelle a commencé après.
Chef réputé dans tout le pays, Natan avait bâti de zéro une entreprise de traiteur haut de gamme. Mariages, bar-mitsva, réceptions : sa cuisine était son art et son refuge. Après l’horreur du 7 octobre, il ne peut plus franchir la porte d’une cuisine. Chaque odeur, chaque couteau, chaque morceau de viande le ramène aux scènes qu’il a vécues ce jour-là.
En quelques mois, son affaire s’est effondrée. Des centaines de milliers de shekels de dettes se sont accumulés, envers des fournisseurs et des employés qui l’avaient soutenu pendant des années. Déclarer faillite aurait été simple — mais Natan refuse.
« Ces gens m’ont fait confiance. Comme je n’ai jamais abandonné les victimes ce jour-là, je ne les abandonnerai pas non plus », explique-t-il, marqué par un stress post-traumatique sévère.
Aujourd’hui, il rêve d’un nouveau départ : un food truck ou une petite boulangerie, sans replonger dans le trauma des cuisines de viande. Mais avant tout, il veut rembourser ses dettes, par honneur et par fidélité.
La direction de ZAKA rappelle que son cas reflète celui de centaines de volontaires brisés par ce qu’ils ont vu. « Ils ont porté nos morts avec dignité. À nous de les porter aujourd’hui », confie un responsable de l’organisation.
La planche à découper, autrefois son maigre « bouclier », est devenue le symbole de sa résilience.
« Elle m’a protégé ce jour-là », dit-il avec un léger sourire. « Maintenant, j’ai besoin d’autre chose pour protéger mon avenir. »
Natan ne demande ni pitié ni excuses. Il demande une chance de vivre, de travailler honnêtement, d’être à nouveau père. Il ne s’est jamais enfui devant le feu, ni devant la mort. Il ne s’enfuira pas face aux dettes — même si la loi le lui permet.
Soutenir Natan aujourd’hui, c’est soutenir aussi les petits fournisseurs qu’il veut honorer, les familles qui attendent leur paiement, et tous les volontaires de ZAKA qui paient encore le prix de leur héroïsme.