Politique

Entre foi, politique et stratégie : les courants haredim face à la conscription

Ce jeudi, Jérusalem accueille un vaste rassemblement du monde haredi et haredi-leumi, organisé en réaction à la loi sur la conscription. Les grandes figures religieuses appellent à la mobilisation, mais leurs messages traduisent des divergences profondes.

3 minutes
30 octobre 2025

ParDelphine Miller

Entre foi, politique et stratégie : les courants haredim face à la conscription
Photo: David CohenFLASH90

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Le rabbin Tzvi Tau, président de la yeshiva Har Hamor et leader spirituel du parti Noam, a publié un appel vibrant à la participation. Dans sa lettre, il souligne l’importance de la paix et de « l’unité des cœurs », la valeur nationale de l’étude de la Torah et la formation d’érudits engagés pour la nation d’Israël. Rejetant toute « coercition » imposée aux étudiants en Torah, il invite chacun à venir prier « pour l’aide des étudiants de la Torah en Israël, pour notre peuple et pour les villes de notre Dieu ».

Le Gaavad (chef spirituel) de la communauté haredi, le rabbin Moché Sternbuch Shlit״a, a lui aussi exhorté les fidèles à se rendre nombreux au rassemblement, déclarant : « Celui qui ne se rend pas au rassemblement montre qu’il ne ressent pas le mépris du Royaume des Cieux ». Le rabbin Moshe Hillel Hirsch, l’un des grands dirigeants du monde yeshivique, doit participer depuis le balcon des Gedolei Yisrael à l’hôtel Yirmiyahu 33.

Mais en parallèle de cette mobilisation massive, une fracture majeure s’est dessinée. Le Badatz (tribunal rabbinique de la communauté haredi) a décidé d’interdire à ses membres d’y participer, reprochant aux organisateurs de ne pas avoir proclamé clairement leur opposition à toute loi fixant quotas ou objectifs d’enrôlement. Dans sa décision, le Badatz annonce qu’un rassemblement séparé sera organisé dans deux semaines, aux côtés des grands chefs de yeshivot, afin d’affirmer sans compromis son rejet de toute forme d’obligation militaire.

Entre ferveur et désaccords, la manifestation d’aujourd’hui s’impose comme un moment charnière pour la société ultra-orthodoxe, partagée entre l’appel à l’unité et la défense intransigeante de ses principes spirituels.


Les trois principaux partis ultra-orthodoxes en Israël

Le paysage religieux israélien est traversé par plusieurs courants, souvent alliés mais profondément différents dans leur approche du monde moderne, de l’État et de la politique :

  • Shas : parti séfarade fondé par le rabbin Ovadia Yosef. Il représente les Juifs d’origine orientale et met l’accent sur la tradition, la solidarité communautaire et la lutte contre la sécularisation.

  • Yahadout HaTorah (Judaïsme unifié de la Torah) : formation ashkénaze regroupant deux branches – Degel HaTorah (lituanienne) et Agoudat Israël (hassidique). Elle est dirigée par les grands rabbins du monde yeshivique, comme Rav Dov Landau ou Rav Moshe Hillel Hirsch.

  • Noam : petit parti issu du courant haredi-leumi, proche du sionisme religieux. Dirigé spirituellement par le rabbin Tzvi Tau, il milite pour un État juif guidé par les valeurs de la Torah et s’oppose aux influences libérales dans l’espace public.

Ces trois forces, bien que toutes religieuses, divergent sur la place de l’État, l’attitude face au service militaire et le rapport à la modernité : Shas reste pragmatique, Yahadout HaTorah défend une stricte séparation entre Torah et institutions civiles, tandis que Noam prône une fusion entre foi et engagement national.

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