Israël

L'épouse de l'ex-otage Omri Miran raconte : "Ce n'est qu'après huit mois qu'il a su que les filles et moi étions vivantes"

Il y a eu des moments très difficiles, d'autres plus supportables", révèle son épouse

5 minutes
30 octobre 2025

ParJohanna Afriat

L'épouse de l'ex-otage Omri Miran raconte : "Ce n'est qu'après huit mois qu'il a su que les filles et moi étions vivantes"
Omri et Lishay Miran Photo : Réseaux sociaux

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Libéré il y a deux semaines et demie après deux ans de captivité à Gaza, Omri Miran reconstruit patiemment sa vie de famille. Son épouse Lishai raconte à Ynet les retrouvailles émouvantes avec leurs deux fillettes, les premières révélations sur sa détention et les défis d'un retour à la normale qui s'annonce long.

Lishai Miran Lavie déborde d'énergie désormais, mais son soulagement reste teinté d'inquiétude. Depuis le retour d'Omri, elle découvre progressivement ce que son mari a enduré pendant 24 mois aux mains du Hamas. Entre récit de captivité et reconstruction familiale, elle évoque également la cagnotte lancée par leurs proches pour financer leur réhabilitation.

"Ce n'est qu'en mai 2024, huit mois après son enlèvement, qu'Omri a su avec certitude que les filles et moi étions vivantes", précise Lishai. "C'était très difficile. Au moment de son enlèvement, il pressentait que nous étions encore en vie, mais il n'en a eu la confirmation que des mois plus tard."

Détenu tantôt en surface, tantôt dans les tunnels, alternant périodes d'isolement et moments passés avec d'autres otages, Omri a vécu un calvaire dont il commence seulement à parler. "Tout ce que je pourrais dire serait trahir la réalité", prévient son épouse. "Il y a eu des moments très difficiles, d'autres plus supportables."

L'une des premières questions qu'Omri a posées à sa femme reste gravée dans sa mémoire : "Dis-moi, est-ce que tu as paralysé le pays ?" Lishai n'a pas compris sur le moment. "Il m'a expliqué : 'J'ai vu cette déclaration où tu disais que tu étais là et que tu allais paralyser le pays jusqu'à ce qu'il y ait un accord .' Ils lui ont montré ça sur Al Jazeera. Ils avaient parfois l'occasion de regarder la télévision, ce qu'ils voulaient bien leur montrer."

Pendant sa détention, Omri s'entraînait physiquement, autant pour lui-même que pour soutenir ceux qui l'entouraient. Il a notamment été détenu avec Keith Siegel, avec qui il garde un contact régulier depuis sa libération. "Ils ne se sont pas encore encore rencontrés, mais ils ont parlé plusieurs fois", précise Yishai.

Le 7 octobre 2023, Omri avait été enlevé à son domicile de Nahal Oz. Vers 11h, les terroristes les avaient traînés chez leurs voisins, Gali et Tzachi Idan, dont la fille aînée Maayan venait d'être assassinée. Omri et Tzachi avaient été emmenés ensemble à Gaza, puis séparés au bout de deux jours.

"Omri a appris la mort de Tzachi alors qu'il était à Gaza", raconte Lishai. "Depuis leur séparation, il ne l'avait plus revu. Il savait ce qu'on lui avait dit, mais on ne sait jamais s'il faut les croire. Il espérait secrètement que les terroristes lui mentaient, comme ils l'avaient fait pour tant d'autres choses." Le corps de Tzachi a depuis été rapatrié en Israël.

Des retrouvailles en demi-teinte avec ses filles

Depuis sa libération, Omri, ancien praticien de shiatsu, a rejoint sa famille désormais hébergée au kibboutz Kramim. "Lundi matin, quand j'ai vu Omri descendre de la voiture de la Croix-Rouge avec ce demi-sourire, Alma a immédiatement réagi et s'est précipitée vers l'écran de télévision", se souvient Yishai. La petite avait six mois lors de l'enlèvement de son père ; elle a aujourd'hui deux ans et demi.

Pour Roni, cinq ans, les choses se sont révélées plus complcomplexes. "C'était plus difficile pour elle de croire qu'il était là et de lui faire à nouveau confiance. C'est une relation de confiance qui se reconstruit. Elles jouent avec lui, lui montrent des dessins et vérifient constamment que leur père est bien à la maison, qu'il ne repart pas."

Un moment simple a marqué les premiers jours. "Le premier samedi, Roni lui a soudainement dit qu'elle se souvenait qu'il avait l'habitude de faire de la limonade avec elle. Elle lui a demandé s'il se souvenait encore comment faire. Il a dit oui. Alors ils sont allés acheter des citrons et ils ont fait de la limonade – ce sont ces petits moments qui font la différence."

Omri découvre progressivement l'ampleur de la mobilisation autour autour des otages. "Il n'a pas encore réalisé qu'il est devenu 'célèbre'", observe Yishai. "Omri n'est pas sur les réseaux sociaux, ni Facebook, ni Instagram. J'espère qu'un jour nous retrouverons notre anonymat, notre vie privée." Le couple partage pour l'instant son expérience mutuelle, chacun voulant comprendre ce que l'autre a traversé pendant ces deux années de séparation forcée.

Une cagnotte qui fait polémique

Les amis d'Omri ont lancé une campagne de financement participatif pour sa réhabilitation, comme pour d'autres familles de rescapés. Une initiative qui a suscité des critiques, alors que l'aide de l'État se limite à une invalidité de 50% et une allocation de 9 000 shekels mensuels pour le rescapé.

"Beaucoup de gens ne comprennent pas, et je ne souhaite pas qu'ils comprennent. Je ne veux pas qu'ils se retrouvent à ma place", répond Lishai. "Les répercussions de ces deux dernières années sur ma vie sont considérables. Le processus de reconstruction est long et difficile. Toute personne souhaitant participer à ce projet de reconstruction est la bienvenue."

Ces derniers jours, des attaques ont visé les représentants des familles d'otages, accusés d'entraver le retour des captifs. Nadav Miran, frère d'Omri, fait partie de ceux qui ont été pris pour cible. "Ces deux dernières semaines ont été extrêmement difficiles", soupire Yishai. "J'ai l'impression que nous avons oublié ce qui existait avant le 7 octobre, comment nous avions bâti l'unité entre les gens d'ici. N'oublions pas que des personnes ont encore été enlevées à Gaza, que des familles attendent toujours de pouvoir faire leur deuil. La guerre n'est pas finie. Hier encore, nous apprenions la mort d'un combattant." Son message est clair : "Avant de parler ou d'écrire quoi que ce soit, je voudrais que chacun se souvienne un instant qu'il souhaite un monde meilleur pour ses enfants."

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