La vraie misère – matérielle, sociale, psychologique –, le rav Haïm Ishay la côtoie chaque jour. Et pas n’importe laquelle, puisqu’il s’agit de celle qui frappe les enfants. Od Avinou Hay, l’association qu’il a créée, gère des orphelinats et des villages d’enfants en Israël, accueillant des petits et des adolescents dont les parents sont décédés ou défaillants au point qu’ils ne peuvent s’occuper d’eux – des enfants victimes de tragédies et dont la prise en charge est toujours synonyme d’urgence.
« Je me souviens de cette famille de Dimona – un cas de détresse loin d’être isolé – sans ressources, qui vivait dans une tente. Le père était alcoolique ; et la mère, toxicomane, se prostituait. Les trois enfants n’étaient pas scolarisés », relate le rav Ishay, franco-israélien. « Nous avons récupéré ces enfants et avons œuvré auprès des parents pour les convaincre d’aller en centre de désintoxication. »
L’association, créée en 2008, s’occupe aujourd’hui de quinze centres répartis du Nord au Sud et qui accueillent un total de 4110 enfants de 0 à 18 ans. Scolarisés dans les écoles environnantes, ils profitent durant leur temps libre d’activités de loisirs très variées : musique, sports de toutes sortes, arts plastiques, spectacles, excursions, zoothérapie, etc. Parallèllement, des formations professionnalisantes leur sont proposées en informatique, menuiserie et autres. Enfin, ils bénéficient d’un accompagnement constant sur le plan psychologique. Tous les moyens sont déployés pour que ces jeunes, partis dans la vie avec un handicap incommensurable, puissent se développer comme tous les autres autres enfants et s’intégrer pleinement dans la société.
En choissant d’accueillir tous les enfants dans le besoin, qu’ils soient juifs, arabes, druzes ou chrétiens, le rabbin orthodoxe Haïm Ishay s’attire les foudres de toutes parts. Les 'haredi lui reprochent de ne pas s’occuper exclusivement de jeunes issus de ce milieu et de préparer au service militaire ; les Israéliens les plus libéraux se méfient de sa barbe et de son chapeau, persuadés que son ouverture apparente cache un objectif « prosélyte ». « Ma position découle simplement de la Torah », se défend Haïm Ishay. « La Guemara, au nom du “Chalom Malkhout”, nous enseigne qu'il faut s'occuper des enfants qui vivent en Israël, même ceux issus des autres religions, pour qu'ils soient éduqués à vivre en paix avec nous. D’ailleurs, une bonne partie des jeunes chrétiens et musulmans qui grandissent avec nous s’engagent ensuite dans Tsahal », souligne-t-il.
Haïm Ishay déplore les trop nombreuses embûches qui jalonnent les parcours d’adoption en raison d’un système aux critères bien trop contraignants : les candidats ne doivent pas excéder 47 ans, dix-huit ans au moins doivent les séparer de l’enfant adoptable et ils doivent justifier de revenus élevés. Ils doivent également veiller à ce que l’enfant adopté maintienne un contact avec ses parents biologiques lorsqu’ils sont encore en vie. « Les critères sont aberrants. Tout est fait pour que les orphelins le restent », dénonce le rabbin.
La guerre, qui a fait des orphelins et entraîné de graves dépressions, au point que des parents se sont retrouvés dans l’incapacité de s’occuper de leurs enfants, a contraint l’association à se mobiliser pour prendre en charge des dizaines d’enfants supplémentaires – un véritable défi sur le plan financier, d’autant que les dons qui lui permettent de fonctionner ont connu un dramatique ralentissement après le 7 octobre. « Les donateurs m’ont clairement signifié que leur priorité était d’aider Tsahal », dit le rav Ishay, qui a été contraint d’emprunter de l’argent en son nom propre pour couvrir les frais des orphelinats. Il lance aujourd’hui un véritable cri d’alarme et appelle à la générosité de chacun : « Nous ne pouvons pas nous permettre d’abandonner ces enfants. Si mille personnes font un don de 260 shekels par mois, nos orphelinats seront sauvés. »
Pour faire un don :
https://www.allodons.fr/od-avinou-hay (reçu cerfa immédiat)
https://www.matara.pro/nedarimplus/online/?mosad=7013385
Article paru dans ActuJ du 13 novembre (numéro 1803)
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