Israël

L’ex-otage Segev Kalfon dénonce l’abandon de l’État : « Personne ne me tend la main »

"Les décideurs ne comprennent rien. Ils n’ont jamais vu ce qu’est une seule journée à Gaza, ils n’ont aucune idée de ce que nous avons traversé", dit-il

6 minutes
25 décembre 2025

ParJohanna Afriat

L’ex-otage Segev Kalfon dénonce l’abandon de l’État : « Personne ne me tend la main »
Segev Kalfon Photo : Flash90

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Libéré en octobre dernier après près de deux ans de captivité à Gaza, Segev Kalfon a vivement dénoncé, mercredi, l’absence de soutien de l’État israélien depuis son retour, lors d’une interview accordée à la radio publique KAN Reshet Bet.

« Un combat pour obtenir ce qui m’est dû »

« Je suis revenu à la vie, et j’en remercie Dieu. La guerre contre le Hamas est derrière moi, mais aujourd’hui je mène une autre guerre : une guerre intérieure, un combat pour obtenir ce qui m’est dû. Et même là, personne ne me tend la main. Alors je continue à me battre, encore et encore », confie l’ancien otage.

Il évoque notamment les lourdeurs et blocages administratifs auxquels il est confronté. « Je ne veux pas faire de politique, mais tout semble fait pour nous retirer nos droits, y compris la reconnaissance de notre invalidité à 100 %. »

Avec amertume, il ajoute : « Même quelqu’un qui n’a passé qu’une seule journée en captivité mériterait de passer le reste de sa vie tranquillement sur une plage, quelque part au Mexique, avec tout pris en charge par l’État. Les décideurs ne comprennent rien. Ils n’ont jamais vu ce qu’est une seule journée à Gaza, ils n’ont aucune idée de ce que nous avons traversé. »

« Parfois, je suis assis dans ma voiture, je regarde autour de moi et je me dis : “Quelle chance ont ces gens de mener une vie normale.” Ils ne peuvent pas imaginer ce que j’ai vécu. Et moi-même, j’ai encore du mal à y croire. »

De sévères critiques contre la poursuite de la guerre

Segev Kalfon s’en prend également au gouvernement, l'accusant d'avoir prolongé la guerre pour des motifs politiques. et à leur décision de poursuivre la guerre après le 7 octobre.

« S’ils m’avaient libéré, ils auraient dû arrêter la guerre. Mais ils ne l’ont pas fait, parce qu’ils ont choisi de faire passer la guerre avant les vies humaines », accuse-t-il.

Il vise aussi directement les partis religieux au pouvoir. « Où est passé le principe du “rachat des captifs” ? Vous êtes un gouvernement de droite ! Où sont les religieux à la Knesset ? Où sont tous ces hypocrites ? Tout à coup, la Torah disparaît, et il ne reste plus qu’une obsession : éliminer le Hamas, quitte à nous sacrifier avec lui. »

L’ancien otage affirme avoir été exposé à de nombreux bombardements israéliens à proximité de son lieu de détention. « Ils ont bombardé l’endroit où j’étais encore et encore. J’en suis arrivé à me dire que, si je ne mourais pas entre leurs mains, je risquais d’être tué par erreur par nos propres soldats. »

« J’ai été extrait des décombres à deux reprises. Ils ont bombardé huit ou neuf fois. À un moment, j’en suis venu à penser que me cacher dans un tunnel était la seule façon de me protéger », a-t-il poursuivi.

Il met particulièrement en cause le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir. « Je n’ai pas honte de le dire : j’ai frôlé la mort plusieurs fois. J’étais battu à cause de lui, uniquement à cause de ses déclarations. On nous disait clairement que c’était en représailles à ses propos. »

« Ils nous montraient ensuite des vidéos de prisonniers palestiniens en Israël. Que pouvions-nous répondre dans une situation pareille ? », a encore dit Segev Kalfon, faisant référence à des déclarations de ben Gvir qui avait affirmé en pleine guerre avoir durci les conditions de détention des prisonniers palestiniens.

L’enfer des tunnels, entre désespoir et survie

Kalfon décrit les presque deux années passées dans les tunnels de Gaza comme un véritable calvaire. « J’ai perdu espoir à plusieurs reprises, surtout durant la première année et les quatre mois qui ont suivi. »

Il évoque des moments d’extrême détresse, sans entrer dans les détails. « Je savais que, d’une manière ou d’une autre, je risquais de mourir là-bas, que ce soit à cause de la faim, de la violence ou de l’incertitude permanente. »

Un tournant survient lorsqu’il entend la voix de sa mère à la radio, après un an et quatre mois de captivité. « Tout à coup, j’entends ma mère. Ça m’a redonné de la force. Je me suis dit que tout ce que j’endurais valait la peine, pour les gens qui se battaient pour moi à l’extérieur. »

« Inshallah, tu vas mourir »

L’ancien otage raconte avoir été gravement malade pendant environ deux mois l’hiver dernier. « On demandait des médicaments. J’ai réclamé du paracétamol et le terroriste m’a répondu : “Inshallah, tu vas mourir.” Il se moquait complètement de notre état. Nous étions épuisés. »

« Pendant une quarantaine de jours, nous avons tous souffert de diarrhées à cause de la nourriture. Les plateaux n’étaient même pas lavés. On nous servait du riz avec des vers, de la nourriture sale et avariée. »

Pour tenir face à la faim, il a développé un mécanisme de survie singulier. « En marchant dans le tunnel, j’arrachais des emballages collés aux murs. Des paquets de biscuits, de chocolat… Je les ouvrais et je lisais les emballages, comme si je mangeais réellement ce qu’ils contenaient. »

Des séquelles psychologiques profondes

« Maintenant que je suis libre, je comprends que nous étions dans un état de dérive mentale. On essayait de se convaincre que tout allait bien, mais ce n’était pas le cas », analyse-t-il.

« Physiquement, je vais un peu mieux chaque jour. Mentalement, c’est beaucoup plus compliqué. Là-bas, je rêvais de ma famille, de mes amis, du monde extérieur, pour m’évader. Aujourd’hui, ce sont les souvenirs de cette période qui hantent mes rêves. J’entends des explosions la nuit, je revois les visages. »

« Je dors très peu. Je suis suivi et je consulte un psychologue, mais personne ne peut vraiment comprendre ce que j’ai vécu. Au fond, je suis le seul à savoir comment apaiser mon âme. » Il précise enfin qu’il souffrait déjà de troubles psychiques, notamment de stress post-traumatique, avant sa captivité.

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