Ce qui n’était qu’un jeu pour enfants est devenu un monde numérique tentaculaire : Roblox façonne aujourd’hui le quotidien de millions d’utilisateurs, en Israël comme ailleurs. Création de mondes, interactions sociales, codes internes, légendes de YouTube… l’écosystème s’est transformé en une culture à part entière. Et en Israël, cette culture atteint un nouveau sommet : le 17 décembre, la Toto Arena de Holon accueille le tout premier championnat national de Roblox, un show monumental organisé par les deux stars du gaming israélien, Idan Cohen Atias (De-Cohen) et Ohad Abitbol (Master Ohad). Tous les billets se sont arrachés en trois heures, preuve de l’engouement fulgurant de la jeunesse.
Pour De-Cohen, suivi chaque soir par des centaines de milliers d’enfants, la responsabilité est immense. “Ce n’est pas juste un jeu. Quand je parle, je parle à une génération entière”, confie-t-il. Son acolyte, Master Ohad, parle de Roblox comme d’un refuge émotionnel : “Après le 7 octobre, ces enfants vivent une réalité lourde. Pour beaucoup, jouer avec nous, c’est un espace sûr.”
Leur public, âgé de 7 à 14 ans, ne regarde plus la télévision et ne lit pas la presse : tout passe par YouTube, TikTok et les réseaux sociaux. Les deux créateurs, apparus au Festigal et capables de remplir l’Arena comme des chanteurs populaires, sont devenus des figures structurantes dans un monde où les avatars remplacent les cours de récréation. Avec la généralisation des achats intégrés via la monnaie virtuelle Robux, les dérives existent : dépenses élevées, vols d’objets numériques, achats non autorisés. “Je répète partout : n’achetez rien sans vos parents”, martèle Ohad, conscient de l’influence qu’il exerce.
Mais l’univers Roblox n’est pas exempt de zones d’ombre. À l’international, la plateforme est critiquée pour son manque d’encadrement face à des contenus inappropriés, à des comportements prédateurs et à une économie addictive. Plusieurs pays — Turquie, Irak, Qatar, Koweït ou encore Oman — l’ont interdite. Même Israël a alerté sur l’existence de “Condo Games”, mondes cachés à caractère sexuel accessibles uniquement via des liens privés. Un signal d’alarme pour les familles et les institutions, parfois dépassées par la rapidité de ces nouveaux usages.
Dans ce contexte, De-Cohen et Master Ohad se voient comme des guides plus que comme des influenceurs. Ils prônent des valeurs, parlent de respect, de limites, et encouragent les parents à s’impliquer. “Ne coupez pas la console sans prévenir. Comprenez ce que vos enfants font. C’est leur monde”, insiste De-Cohen. Aux jeunes, il répète : “Écoutez vos parents, protégez-vous et utilisez le jeu pour le bien.”
Le championnat de Hanoucca, qui réunira sur scène les plus grandes figures israéliennes de Roblox — Alex, Daniel, Muffin, Prizzy, Destiny, Nadav, Martzi, Ben-Ben et d’autres — marque une étape symbolique : le passage du virtuel au réel. Les avatars prennent vie, les écrans s’effacent et la communauté Roblox se révèle, massive, vibrante, structurée. Une génération digitale qui réclame désormais sa place culturelle — et que les adultes, qu’ils soient parents, enseignants ou décideurs, ne peuvent plus ignorer.