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Israël; le pays où coulent le lait, le miel et...le vin

Pour la première fois un circuit guidé permet au public de remonter le fil d’une tradition vieille de plusieurs millénaires, entre archéologie, culture et dégustation, la visite révèle l’extraordinaire héritage viticole de la Terre d’Israël, des pressoirs antiques aux domaines primés d’aujourd’hui.

4 minutes
23 novembre 2025

ParNathalie Sosna Ofir

Israël; le pays où coulent le lait, le miel et...le vin
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Pour la première fois dans le pays, un circuit entièrement consacré à l’histoire du vin* en Terre d’Israël est proposé au public. Organisée dans le cadre du Mois du tourisme israélien, cette visite guidée dans l’appellation "Yehuda" a pour objectif de découvrir l’évolution du vin depuis l’Antiquité jusqu’à l’industrie moderne. Entre archéologie, culture et dégustation, le parcours offre une plongée rare dans l’une des traditions les plus anciennes du pays. Au programme : sites archéologiques exceptionnels : un pressoir taillé dans la roche datant du Premier Temple, un dispositif de pressurage du Second Temple et un mikvé adjacent à un vignoble, preuve que le vin servait sans doute à des usages cultuels au Temple. Le parcours se termine au vignoble Ben Nun, où les visiteurs découvrent les méthodes de vinification modernes, les règles du vin casher et les différences entre caves artisanales et grands producteurs.

Le pays où coule le vin : une histoire qui remonte aux origines

Entre la Terre d’Israël et le vin, c’est une histoire d’amour millénaire qui s’est façonnée au fil des civilisations. Si l’Occident a écrit le récit moderne du vin, l’Orient méditerranéen en est le véritable berceau. La tradition judéo-chrétienne attribue même à Noé la plantation des premiers ceps après le Déluge. Plus tard, deux émissaires envoyés par Moïse reviennent du pays de Canaan portant une immense grappe de raisin, image devenue symbole du ministère israélien du Tourisme et signe de la fertilité légendaire de la Terre d’Israël.

Des preuves archéologiques jalonnent encore le pays : des pressoirs de 2 300 ans datant de l’époque perse achéménide, des celliers antiques en Judée et en Galilée, des traces de vigne nabatéenne dans le Néguev aride, et même, près de Yavné, une gigantesque installation vinicole byzantine capable de produire deux millions de litres par an — la plus vaste connue pour cette époque. En 2012, un bordereau de livraison rédigé au VIIᵉ siècle avant notre ère par un fonctionnaire de la région de l’actuel Jéricho a refait surface : il détaillait des jarres de vin destinées au Roi à Jérusalem. Le vin de l’Antiquité n’avait pourtant rien de raffiné : lourd, très sucré, souvent rendu buvable grâce au miel et aux épices. Avec la conquête musulmane de 636, la vigne cesse d’être cultivée en Terre d’Israël. Il faudra attendre douze siècles pour assister à sa renaissance. Dans les années 1880, le baron Edmond de Rothschild offre deux ceps de Château Lafitte aux implantations de Rishon LeTsion et Zikhron Yaacov : de là naît Carmel Mizrahi, première coopération viticole du pays — tout juste entrée en bourse. Dès lors, les vins israéliens commencent à s’exporter vers les communautés juives du monde, bien que la qualité reste imparfaite. Dans les années 1950, l’arrivée de viticulteurs européens donne un nouvel élan à l’industrie. Et dans les années 1980, des œnologues franco-américains fondent la cave Golan Heights : Israël entre alors dans la cour des grands. Aujourd’hui, ses vins sont primés dans les plus prestigieux concours.

L’industrie viticole actuelle représente 9 litres consommés par habitant -loin des 60 litres français-, environ six mille hectares de vignes du Nord au Sud, 160 caves, près de 90 millions de bouteilles produites chaque année — dont plus de la moitié exportées vers les États-Unis, le Canada, l’Europe, l’Argentine, et depuis peu vers Dubaï grâce aux accords d’Abraham.

Les vins israéliens s’articulent autour de cinq terroirs majeurs, accessibles via la Route du vin, un itinéraire du Golan au Néguev en passant par la Galilée, le Sharon et les collines de Judée. Chacun révèle une signature unique, du velouté élégant des crus du Golan au caractère rustique mais envoûtant des vins du Sud.

Et pour parcourir cette route mythique, mieux vaut ne pas oublier le conducteur désigné — ce fameux "Schmuel" qui conduit mais ne boit pas. Lé’haïm !

* A consommer avec modération

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