En dix ans, l'économie israélienne a jeté à la poubelle l'équivalent de 211 milliards de shekels de denrées alimentaires. C'est le constat accablant du rapport décennal publié par Leket Israel et BDO, réalisé en collaboration avec les ministères de la Protection de l'environnement et de la Santé. Un paradoxe insoutenable alors que 1,5 million d'Israéliens vivent en situation d'insécurité alimentaire.
2,6 millions de tonnes jetées en 2024
Rien qu'en 2024, 2,6 millions de tonnes de nourriture, d'une valeur de 26,2 milliards de shekels, ont été gaspillées dans le pays. Cela représente 39% de la production alimentaire nationale, soit l'équivalent de 1,3% du PIB. Pour les seuls ménages, ce gâchis s'élève à 10 milliards de shekels, soit un coût annuel de 10 785 shekels par foyer.
Si le consommateur israélien gaspille moins qu'auparavant – une baisse de 13,3% par habitant, passant de 300 à 260 kg par an –, la hausse du coût de la vie et la croissance démographique maintiennent l'ampleur des pertes à un niveau particulièrement élevé.
Le contraste est saisissant : environ 1,5 million d'Israéliens, répartis dans quelque 485 000 foyers, vivent en situation d'insécurité alimentaire et ignorent s'ils pourront se procurer une alimentation saine et équilibrée jusqu'à la fin du mois.
Un désastre environnemental et sanitaire
Au-delà du seul coût économique, les pertes alimentaires engendrent de graves conséquences environnementales et sanitaires. Le rapport estime le coût environnemental à 4,2 milliards de shekels par an, incluant le gaspillage des ressources en eau et des terres, les émissions de polluants et le traitement des déchets.
Les coûts sanitaires liés à l'insécurité alimentaire s'élèvent quant à eux à 5,8 milliards de shekels par an, soit environ 4% des dépenses nationales de santé. Un défi croissant pour le système de santé israélien.
Chen Herzog, économiste en chef de BDO et auteur du rapport, alerte : "Depuis la publication du premier rapport il y a 10 ans, le coût annuel de ces pertes pour l'économie a augmenté de 45%, passant de 18 milliards de shekels en 2015 à 26 milliards cette année. L'absence de politiques et de budgets nationaux visant à réduire ces pertes constitue un échec persistant."
Gidi Karuch, PDG de Leket Israël, renchérit : "211 milliards de shekels de nourriture gaspillés en une décennie. C'est un échec national injustifiable. Depuis 22 ans, notre organisation œuvre pour sauver des aliments de qualité, qui sont ensuite distribués à des centaines de milliers de familles en Israël. Selon le rapport, chaque shekel investi dans la conservation des aliments génère 10,7 shekels pour l'économie."
Des avancées insuffisantes
Depuis le rapport du Contrôleur d'État en 2015, qui constatait l'absence de politique globale en la matière, des mesures ont été prises : modification de la loi sur l'encouragement et la récupération des denrées alimentaires, intégration de ces questions au Programme national de sécurité alimentaire, et établissement de principes de mesure et d'action interministérielle.
En 2025, un plan gouvernemental visant à réduire les pertes et le gaspillage alimentaires a été publié pour la première fois, sous l'égide du ministère de la Protection de l'environnement et en collaboration avec le ministère de l'Agriculture. Ces mesures visent à enrayer les pertes se chiffrant en milliards de shekels et à améliorer le sort des populations à revenus moyens et faibles, qui supportent la plus grande part du fardeau économique.
Idit Silman, ministre de la Protection de l'environnement, défend cette approche : "La conservation des aliments est une étape fondamentale dans la construction d'une économie alimentaire durable, ce qui permettra d'alléger le fardeau des ménages, de réduire les inégalités sociales et de diminuer l'empreinte environnementale d'Israël."