Politique

Mansour Abbas sous pression : l’avenir politique de Ra’am en question

Entre menaces d’interdiction, polémique autour du lien avec les Frères musulmans et malaise face aux questions sur Gaza, Mansour Abbas traverse l’une des périodes les plus délicates de sa carrière politique.

3 minutes
25 novembre 2025

ParDelphine Miller

Mansour Abbas sous pression : l’avenir politique de Ra’am en question
Photo: Yonatan Sindel/Flash90

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Le président du parti Ra’am, Mansour Abbas, longtemps présenté comme un symbole de coexistence lors du gouvernement Bennett-Lapid (2021-2022), fait face à une série de turbulences politiques qui pourraient menacer la présence de son parti à la Knesset. Le climat s’est alourdi après l’annonce du président américain Donald Trump, qui souhaite classer certains chapitres des Frères musulmans comme organisations terroristes. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a immédiatement salué cette initiative, rappelant que « l’État d’Israël a déjà interdit une partie de cette organisation » et précisant travailler à « compléter cette action ».

Or, Ra’am est directement lié à la branche sud du Mouvement islamique en Israël, elle-même rattachée idéologiquement aux Frères musulmans. La branche nord, elle, est déjà interdite par Jérusalem. Abbas a réagi prudemment, déclarant que son parti « examine la question sur les plans politique et juridique », tout en accusant Netanyahu de vouloir « influencer les élections à l’avance ».

Mais une autre affaire complique davantage la situation : les autorités israéliennes étudient la fermeture de l’ONG « Aid 48 », proche de Ra’am, soupçonnée d’avoir transféré des fonds ou collaboré avec des organisations à l’étranger classées terroristes ou liées à des réseaux terroristes. Une procédure particulièrement sensible, qui jette une ombre sur l’entourage du député.

L’embarras s’est accentué il y a deux semaines sur les ondes de Kan Reshet Bet, lorsqu’Abbas a été interrogé sur sa vision pour la bande de Gaza après un éventuel cessez-le-feu. Il a évoqué « une nouvelle réalité de gouvernance » où « le peuple palestinien choisira sa direction ». À la question directe : « Hamas doit-il être détruit ? », Abbas s’est emporté, dénonçant un « interrogatoire » avant de mettre fin abruptement à l’entretien – un moment largement commenté dans l’opinion publique.

Pourtant, le député avait déjà marqué les esprits par des prises de position claires. En 2020, il fut le premier élu arabe à prononcer un discours de commémoration de la Shoah à la Knesset. Après le massacre du 7 octobre, il avait condamné « des actes contraires à notre humanité, notre religion et notre identité ». Il avait même affirmé que « l’État d’Israël est né en tant qu’État juif et le restera ».

Alors, que s’est-il passé ? Invité lundi soir sur Channel 12, Abbas a donné un élément de réponse inattendu. Interrogé sur son refus de s’exprimer explicitement sur le rôle de Hamas dans le Gaza d’après-guerre, il a déclaré : « Peut-être que je veux protéger ma sécurité personnelle. Peut-être que je ne veux pas m’exposer à une menace d’assassinat. Y pensez-vous ? » Une remarque lourde, qui éclaire la complexité de sa position au sein de la société arabe israélienne.

L’avenir politique de Mansour Abbas reste incertain. Figure pragmatique pour certains, symbole d’un pari politique risqué pour d’autres, il avait été courtisé par Benjamin Netanyahu avant de rejoindre la coalition Bennett-Lapid, où Ra’am a joué un rôle décisif. Aujourd’hui, entre pressions internes, tensions sécuritaires et débats sur l’illégalité potentielle de son parti, le leader de Ra’am se retrouve dans une zone d’ombre dont il peine à sortir.

Une chose est sûre : l’« expérience Ra’am » au cœur de la politique israélienne continue de produire des remous dont le pays n’a pas fini de mesurer les conséquences.

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