La réforme laitière voulue par le gouvernement pour « moderniser » la filière pourrait profondément bouleverser le marché interne. Au cœur du plan : la baisse du prix cible du lait cru — le tarif minimum garanti aux producteurs — et une ouverture plus large aux importations. Officiellement, il s’agit de faire baisser les prix pour les consommateurs. Sur le terrain, c’est l’inquiétude : près de 200 exploitations, principalement des petites fermes familiales, sont menacées de fermer dans les deux prochaines années.
Les premières touchées sont les exploitations des moshavim de Galilée, du Golan, du Néguev ou encore de la région de Kiryat Shmona. Ces fermes travaillent avec des marges très faibles et font déjà face à des coûts élevés d’alimentation, d’électricité et de mise aux normes. Pour elles, la baisse du prix cible rend simplement leur activité non rentable. Les grandes fermes industrielles, mieux équipées et largement robotisées, parviennent à absorber le choc ; les petites structures, elles, n’y survivent pas.
Dans ce nouveau paysage, les grands gagnants sont les mastodontes du secteur : Tnuva, Strauss et Tara. Ces groupes, déjà dominants, pourront consolider leur position et capter une part encore plus large du marché. Plusieurs kibboutzim agro-industriels aux fermes ultra-modernes — comme Yotvata, Ein Harod ou Afikim — devraient également bénéficier de la réforme. En revanche, les petites fermes indépendantes pourraient disparaître, réduisant la diversité de la production laitière israélienne.
Témoignage
« Ici, à Moshav Sdé Eliezer, on se bat pour survivre », confie Avi L., éleveur laitier depuis 22 ans dans la vallée de la Houla. « Avec la baisse du prix cible, je perds entre 15 et 20 agorot sur chaque litre. On nous demande aussi d’investir des centaines de milliers de shekels pour moderniser les installations. J’ai 58 vaches. Comment je suis censé absorber ça ? Les grandes fermes robotisées du Golan survivront, mais pas nous. Si on ferme, Israël dépendra du lait importé. Les prix monteront, pas l’inverse. »
Les syndicats agricoles alertent : une vague de fermetures fragiliserait la production locale, provoquerait des pénuries ponctuelles et la dépendance aux importations, déjà croissante, deviendrait structurelle, rendant le pays plus vulnérable aux tensions internationales.
Alors que le gouvernement met en avant une réforme « compétitive », les producteurs des moshavim préviennent : c’est tout l’équilibre du marché laitier israélien qui risque de s’effondrer.