Cette scène exceptionnelle s’est déroulée lors d’une expédition hivernale en Antarctique, à laquelle Sharon participait avec un petit groupe de photographes. Fait encore plus surprenant que la couleur immaculée du jeune animal : loin d’être rejeté, comme c’est souvent le cas pour les individus au pelage atypique, le petit était entouré, protégé et intégré par ses parents et par d’autres membres adultes de la colonie.
« Lorsque nous sommes arrivés sur la plage, entourés de montagnes enneigées surgissant directement de l’océan, nous avons aperçu quelque chose de totalement inhabituel », raconte Matan Sharon. « Parmi des milliers d’otaries antarctiques, se trouvait un nouveau-né dont le cordon ombilical était encore attaché. Mais surtout, il était entièrement blanc. »
Selon les spécialistes, cette coloration rare est liée à un phénomène appelé leucisme, qui entraîne une perte partielle de pigmentation. Contrairement à l’albinisme, les yeux conservent leur couleur normale, car la production de mélanine n’est pas totalement interrompue. Dans la nature, ces individus survivent rarement : leur pelage clair attire davantage les prédateurs et les mères tendent parfois à repousser les petits à l’apparence inhabituelle. Or, dans ce cas précis, les comportements observés ont surpris les membres de l’expédition. « Non seulement sa mère et son père sont restés à ses côtés, mais d’autres otaries adultes formaient autour de lui un véritable périmètre de protection », décrit Sharon. « C’était bien au-delà de ce que l’on observe habituellement avec des petits à la coloration normale. » Cette interaction soulève de nombreuses questions scientifiques sur les mécanismes de reconnaissance, de communication ou d’odeur au sein de colonies aussi denses.
Âgé de 40 ans, Matan Sharon a photographié la faune sauvage dans 111 pays, des sommets de l’Himalaya aux forêts amazoniennes, des déserts africains aux rivages de la mer Morte. Fondateur de MW – Photo Tours, il encadre des voyages photographiques destinés aussi bien aux amateurs qu’aux professionnels, avec une ambition claire : créer des ponts entre photographes israéliens et internationaux autour de projets communs : « Ce que seul la nature peut offrir, c’est ce type de moment suspendu », confie-t-il. « Observer les premières heures de vie de ce petit, et la manière dont tout le groupe s’est organisé autour de lui, c’était une expérience unique, à la fois émouvante et fascinante d’un point de vue comportemental. »
Un instant rare, fragile, et précieux figé par l’objectif, au cœur du continent le plus inhospitalier de la planète.