Moyen-Orient

Le Moyen-Orient redessine ses lignes rouges : huit puissances musulmanes unies face à Israël

Un front inédit de huit pays musulmans se constitue autour du dossier palestinien, tandis que le veto de Trump et les ambitions économiques régionales exposent Israël à un dilemme stratégique : changer de cap politique ou renoncer à un rare horizon de coopération économique.

3 minutes
11 décembre 2025

ParNathalie Sosna Ofir

Le Moyen-Orient redessine ses lignes rouges : huit puissances musulmanes unies face à Israël
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Un mouvement tectonique se dessine dans la diplomatie moyen-orientale. L’annonce israélienne d’ouvrir unilatéralement le passage de Rafah, conjuguée aux initiatives législatives pour étendre la souveraineté en Cisjordanie, a déclenché une onde de choc régionale : huit États musulmans — Arabie saoudite, Égypte, Jordanie, Émirats arabes unis, Qatar, Turquie, Pakistan et Indonésie — se sont exprimés d’une seule voix pour dénoncer les décisions israéliennes. Une coordination qui, jusqu’à la guerre de Gaza, aurait semblé inimaginable.

Cette coalition de circonstance, surnommée la « coalition des huit », marque un moment sans précédent : des pays qui ne coopéraient pas, parfois même rivaux, articulent désormais un message stratégique commun. Leur communiqué commun accuse Israël de chercher à « déraciner le peuple palestinien ».

Ce front régional n’est pas resté isolé. Washington a immédiatement verrouillé la situation, transformant les débats internes à la Knesset en exercice purement théorique. Le message du président Donald Trump a été sans ambiguïté : « L’annexion n’aura pas lieu. Israël perdra le soutien américain si elle ignore les engagements donnés aux États arabes. » Son vice-président, J.D. Vance, a qualifié le vote parlementaire de simple « coup politique ». En réaction, Benjamin Netanyahou a ordonné la suspension de toute avancée législative sur la souveraineté en Judée-Samarie et à Maale Adoumim. Une marche arrière imposée qui révèle la marge de manœuvre réduite d’Israël dès lors que Washington tape du poing sur la table.

La dynamique régionale souligne un changement profond : les capitales arabes et musulmanes n’ont plus besoin d’Israël pour accéder au Bureau ovale. Les liens tissés directement avec Trump — Arabie saoudite, Émirats, Qatar, voire Turquie — réduisent mécaniquement la valeur ajoutée d’Israël comme « passeport vers Washington ». Une évolution qui rogne la capacité d’influence israélienne sur la diplomatie régionale. Autrement dit : le levier israélien se rétrécit au moment même où les coalitions se recomposent.

Au cœur de ce nouvel échiquier se trouve un acteur décisif : l’Indonésie, premier pays musulman du monde -280 millions d’habitants- et 17e économie mondiale -1,4 billion de dollars de PIB. Le potentiel de coopération est immense : cybersécurité, IA, technologies agricoles, batteries électriques grâce aux gigantesques ressources de nickel. Mais la politique bloque tout. Le président Prabowo Subianto fait face à une opinion publique farouchement attachée à la cause palestinienne. Les crispations ont déjà eu des conséquences : refus d’entrée d’athlètes israéliens, climat de forte mobilisation pro-palestinienne et mise en garde contre toute normalisation. Même la question d’un éventuel déploiement indonésien à Gaza illustre ces limites :
Jakarta évoquait 20 000 soldats ; dans les faits, elle n’envisagerait que 1 200 personnes non combattantes, réticente à toute confrontation avec une population palestinienne perçue comme « victime » du conflit.

De l’Arabie saoudite à l’Indonésie, le message est clair : tant qu’Israël ne signale pas un mouvement réel vers un règlement politique, aucun bond économique ne pourra se concrétiser. Le veto américain, l’unité des huit États musulmans et les contraintes intérieures des grandes puissances asiatiques indiquent une même réalité : l’économie régionale reste prisonnière de la question palestinienne.

Israël se retrouve ainsi face à un choix stratégique : adapter sa trajectoire politique pour rouvrir la porte de coopérations économiques historiques ou laisser passer un “moment doré”, au risque de s’isoler alors que de nouveaux blocs régionaux se consolident.